jeudi 30 juin 2011

« Ils » ne pensent qu’à « ça » !

- Pour dernière fois, Camille, montre-nous comment on fait!

Le petit garçon tremble, en entendant cette voix sèche dont l’écho roule de mur en mur. Devant lui sont rassemblés une soixantaine d’écoliers assis à même le sol, entourant la directrice ainsi que quelques unes de ses subordonnées. Tous les enfants étrennent la même tenue indifférenciée, une blouse grise, quel que soit leur sexe, et tous ont les yeux fixés sur lui.

- Allons, que t’a-t-on appris ? reprend la directrice sur un ton encore plus autoritaire 

Camille contemple le pot bleu qui gît à ses pieds. Un profond sentiment d’humiliation l’envahit, les larmes roulent sur ses petites joues, mais il sait qu’il ne peut désobéir. Alors reniflant, ravalant ses pleurs, il baisse sa culotte et se laisse tomber sur le siège en plastique en prenant soin de ne croiser le regard de personne.

- Bien Camille, tu vois que tu peux quand tu veux ! 

La directrice de l’école maternelle se lève et vient se placer près de Camille en faisant face aux autres élèves. Pas un ne souffle mot ou ne rigole malgré le caractère profondément ridicule de la situation.

- Vous avez bien compris ? Voila position que vous devez tous adopter à partir de maintenant ! Prochain que je surprendrai debout contre arbre aura des problèmes, de très gros problèmes, c’est clair ?


L’établissement « L’espérance », nouvellement inauguré et auquel le conseil général avait alloué des subventions importantes, était véritablement la fierté du département. Fruit d’âpres négociations, il représentait une victoire éclatante des milieux progressistes, et les associations féministes et antiracistes qui avaient participé au projet se félicitaient de cette avancée chèrement acquise contre les partis rétrogrades et nostalgiques d’un passé heureusement révolu.
Destinée aux enfants de trois à six ans, l’école se voulait un laboratoire pour l’avenir, avec pour objectif de lutter contre « les préjugés sexistes et racistes » qui infectaient les cervelles dès le plus jeune âge. Ainsi, les petits garçons et les petites filles se voyaient affublés du même uniforme et devaient manipuler les mêmes jouets – des figurines représentant des personnages asexués à la peau noire. Tout jeu faisant intervenir des comportements à même de réveiller des instincts primaires et dangereux était proscrit. C’est ainsi que les garçons n’avaient pas le droit de s’amuser avec des petites voitures ou des pistolets à eau, et il était défendu aux filles d’amener des poupées en forme de gros poupons, ces objets d’amusement haïs qui ancraient si bien la soumission de la femme à l’homme dans l’esprit des enfants.
En ce qui concernait les méthodes d’apprentissage, et le contenu des programmes, il s’agissait là aussi d’innover en enseignant une grammaire nouvelles aux élèves, débarrassée de tout caractère sexiste. De ce fait les pronoms « il » et « elle » avaient disparu des manuels, remplacés par « ça », quel que soit le sexe de la personne désignée, et plus aucun mot de la langue française n’était pourvu d’un genre. Les articles « un », « une » et « le », « la » étaient systématiquement effacés et seuls « l’ », « les » et « des » était conservés. Par exemple on ne disait plus « elle a mis la dinde dans le four » mais « ça a mis dinde dans four ». Les adjectifs n’étaient bien entendu plus accordés, faute de distinction entre le féminin et le masculin.

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La chaleur de l’après-midi plonge les élèves dans une morne torpeur. Ils sont assis dans la grande bibliothèque autour de l’institutrice qui leur lit une fable tirée d’un recueil pour enfants :

Dominique, petit ourson, se promenait dans forêt avec ses amis les écureuils et les oiseaux quand ça entendit bruit tout proche. Ça aperçut alors autre petit ourson qui semblait perdu. 
- Bonjour dit Dominique, qui es-tu et que fais-tu seul ici ? 
- Bonjour fit petit ourson noir, je m’appelle Moussa, je me cache parce que je suis poursuivi par méchant ours blanc intolérant qui veut me manger parce que je suis noir et que je suis amoureux d’autre ourson qui s'appelle Adrien. Veux-tu m’aider à lui échapper comme cela nous deviendrons amis ! 
- Bien-sûr, répondit Domini… 

L’institutrice s’interrompt brusquement ; quelque chose ne va pas parmi les élèves, elle le sent, et levant les yeux du livre elle aperçoit la jeune Émilie penchée sur un objet qui semble capter toute son attention.

- Émilie que fais-tu ? Tu m’écoutes ? 

La petite fille sursaute et laisse tomber à terre ce qu’elle tenait entre les mains. C’est l’une des figurines asexuées que l’on confie volontiers aux enfants, mais quelque chose ne va pas : le visage de la poupée est peinturluré de telle sorte que ses yeux semblent maquillés et du crayon rouge a été appliqué autour de sa bouche en guise de rouge à lèvres. De plus la petite fille l’a affublée d’une jupe de papier, maladroitement découpée, tout en collant sur son buste deux petits tas de coton faisant figure de poitrine féminine.
L’institutrice pousse un cri.

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- Madame, Monsieur, votre fille a commis quelque-chose de très grave, en complète opposition avec les principes républicains qui régissent les règles de cet établissement ! 

Devant la directrice se tiennent les parents d’Émilie. Le père reste droit sur sa chaise, stoïque, bien que livide. La mère quant à elle s’appuie sur l’épaule de son mari, le nez enfoui dans un mouchoir. Elle renifle et sanglote.

- Je… je ne comprends pas dit-elle, nous avons toujours veillé à la bonne éducation d’Émilie, depuis sa naissance, et nous avons pris soin de lui acheter des jouets non sexistes. Elle n’a jamais eu de poupée, au contraire, nous lui offrons toujours des ballons ou des animaux en peluche ! 

- C’est vrai, renchérit le père, nous faisons très attention à ce qu’elle ne puisse développer le moindre préjugé. Par exemple nous ne l’habillons jamais avec une robe, et nous prenons soin de vérifier ses fréquentations. Ainsi nous l’incitons fortement à choisir ses petits camarades parmi des enfants de couples homosexuels afin qu’elle ne puisse pas considérer l’hétérosexualité comme une norme. 

- Certes, vos efforts sont louables, reprend la directrice d’un ton sec, mais je remarque toutefois quelques concessions aux idées d’un autre âge. Ainsi par exemple son prénom, Émilie, vous auriez pu choisir quelque chose de moins connoté sexuellement, comme Paule ou Renée, ou tout du moins éviter un nom qui rappelle la France profonde. Houria ou Rokhaya, c’est très beau vous savez ! 

- C’est que… répond le père, nous voulions l’appeler différemment, Émilie ça fait trop vieille France comme on dit, mais sa grand-mère a tellement insisté pour que l’on prenne un prénom norm… je veux dire classique. 

- Je veux bien vous croire, soupire la directrice. Il n’empêche que votre fille a développé des habitudes préoccupantes et qu’il est urgent de corriger si vous ne voulez pas qu’elle devienne une femme conditionnée par un système phallocrate. Savez-vous qu’elle se maquille en cachette ? Cela ne concerne plus seulement ses jouets désormais… 

Elle se lève et fait quelques pas vers la porte de son bureau.

- Tenez, allons la voir, il est bon qu’elle vous sache déjà au courant de cette regrettable histoire. 

Les trois adultes prennent une enfilade de couloirs et arrivent dans le hall principal de l’établissement où se tient Émilie, sur une chaise, au milieu de tous les petits élèves disposés en cercle. Quelques instituteurs surveillent les enfants. La directrice reprend la parole.

- Émilie, j’ai le regret de vous le dire, est une enfant indisciplinée et rétive à tout ce que nous pouvons lui enseigner pour son bien futur. Certes elle n’est pas agressive et serait même plutôt une douce rêveuse, mais il y a tout de même des comportements que nous ne pouvons tolérer. D’ordinaire nous condamnons fermement tout châtiment corporel sur les enfants, surtout venant d’adultes, mais dans les cas aussi graves nous ne pouvons nous permettre d’être aussi compassionnels. 

Ce faisant elle se retourne et présente à la mère de la fillette un petit martinet en plastique.

- Il incombe aux parents de veiller à ce que leurs enfants adoptent tôt le bon comportement. Je vous en prie Madame ! 

La jeune femme tremble en tendant sa main vers l’instrument. Elle voit du coin de l’œil Émilie enfouir son visage dans ses bras. Non elle ne peut pas frapper ainsi son propre enfant...

- Je déplore votre manque de discernement et le déni de vos responsabilités, Madame. Si sa propre mère reprend les schémas culturels traditionnels considérant la femme comme un être faible et geignard il n’est guère étonnant qu’Émilie, faute de modèle, ne puisse se construire librement ! J’ose espérer que votre mari sera plus ferme ! 

Le père hésite longuement mais, sous le regard inquisiteur de la directrice, il s’empare du martinet et porte un coup timide à sa fille qui se met à pleurer. 

- Plus fort ! Vous ne risquez pas de la blesser, il est en plastique ! 

L’homme s’exécute.

- Recommencez tout en lui disant « Tu seras femme libéré et non soumis » 

- Tu… tu seras femme libéré et non soumis ! 

La petite fille crie.

- Encore ! 

- Tu seras femme libéré et non soumis, dit le père en faisant de nouveau claquer le martinet sur le corps de son enfant

- Continuez ! 

- Tu seras femme libéré et non soumis ! 

Un hurlement couvre sa voix.

- Allez, du nerf ! 

- Tu seras femme… 

Émilie s’écroule sur le sol au milieu des autres élèves.

 
Marie-Jo, directrice d’école maternelle et ancienne surveillante de goulag officier de police nous déclare : « les enfants, c'est que du bonheur ! »

lundi 27 juin 2011

C'est l'histoire d'un mec qui veut être connu

Adolf H. (il préfère garder l'anonymat) rêve d’être l'idole des jeunes grâce à la TV-Réalité. Il faut dire que sa prestation remarquée dans « le führer du samedi soir » laisse présager une belle carrière...


 
Rongé par le trac, notre sympathique candidat cherche un peu de réconfort auprès du président de son fan-club, juste avant le grand oral éliminatoire...

  
Hélas! Le jury de “la Nouvelle Star”, peu disposé envers lui, n'apprécie guère ses interprétations toutes personnelles de “Ch'aurais foulu être ein artiste” et "Allumer le feu". Les rêves de gloire (et d'orgie) d'Adolf se brisent net...!

Dépité, Adolf préfère se tourner vers la peinture, bien décidé à impressionner l’académie des beaux-arts de Vienne. Souhaitons-lui bonne chance pour cette nouvelle aventure...

vendredi 24 juin 2011

Nouvelle : “2011, une satire nauséabonde” - EPILOGUE

Martin reprit sa route, imperturbable, le pas hésitant. Bientôt les derniers échos de la fête officielle s'étouffèrent et il ne perçut plus que le bruit sec de ses pas claquant sur le pavé. Il se sentait terriblement seul.
C’est alors qu’il l’entendit, frêle comme le chant d’un oiseau. C’était un petit garçon, à quelques mètres de lui, tout seul, assis à même le trottoir, les pieds trainant distraitement des cailloux dans le caniveau. Il était étrangement vêtu comme un gamin du Paris d’antan, culottes courtes, souliers vernis, chandail et béret noir. Il ne faisait pas attention à l’homme interloqué qui l’observait non loin de là, et dont il ne remarquait pas même la présence. Perdu dans ses pensées il chantonnait de sa voix fluette :
« Ami entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ? »

Martin se hâtait de rentrer chez lui en raison du froid et du brouillard persistant. Chemin faisant il se surprit à fredonner les paroles familières que le poulbot récitait nonchalamment :
« Ami si tu tombes un ami sors de l’ombre à ta place »
C’était un air simple qui imprégnait son cerveau, jusqu'à sa conscience en y laissant une marque indélébile, presque inquiétante.
Comme il passait par un entrelacs de ruelles qu’il n’avait pas l’habitude de prendre, il déboucha soudain sur une place déserte, noyée de brume, au milieu de laquelle se dressait une stèle sombre dans la pâleur fantomatique, figée comme la figure de proue d’une épave surgie des profondeurs.
Il ne parvint pas a distinguer au premier abord ce qu'était exactement cette construction isolée dans ce lieu où nul ne venait plus, aussi il s’approcha prudemment. C’était une sorte d'obélisque sale, couvert de salpêtre, et sur lequel étaient gravées des myriades de mots alignés dans un ordre implacable. Il y en avait des centaines mis les uns à la suite des autres, tapis sous la saleté et « les fientes d’oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds ».
Martin, en s’approchant, se rendit compte que beaucoup de ces mots étaient en fait des prénoms qui sonnaient familièrement à ses oreilles : Damien, Jean-Charles, Édouard, Jules, Guillaume, Yohann, Dominique … et lorsque levant les yeux, il aperçut des lettres immenses au sommet du monticule de granit qui se tenait là , terrifiant comme la statue du commandeur, il ne put retenir un frisson et un cri quand il déchiffra lentement :

« MORTS POUR LA FRANCE »


FIN

mardi 21 juin 2011

Nouvelle : “2011, une satire nauséabonde” - CHAPITRE XI (et dernier...)

Et le grand jour arriva...
Sur l'immense place était dressée la tribune où devaient prendre place les musiciens qui par leur énergie, leur enthousiasme et leur talent allaient terrasser, une fois pour toute, l'hydre raciste.
Le programme était alléchant de par sa diversité et la qualité de ses interprètes : citons entre autres « Assassin meurtrier », « Gang bang multicul », « Tueur de keuf », « Niktasoeur », « Tireur d'élite », « Kalachnikov », « Genossid », et RAF.
Déjà le parterre se remplissait d'un public jeune et festif, impatient de voir les grandes vedettes se produire sous ses yeux éblouis. On entendait ça et là des bribes de ces conversations pittoresques qui ont fait la réputation de cet esprit titi parisien issu des quartiers populaires et chaleureux :

Une voix : Salaam Aleikoum Rachid, comment ça va ? Tu as pris des couleurs !
Deuxième voix : On fait aller Ahmed, je reviens du pèlerinage à la Mecque ! Ça s’est très bien passé sauf qu’en tournant autour de la Kaaba on est rentré en collision avec des imbéciles de convertis anglais qui s'étaient trompés de sens !
Première voix : Bon, c’est pas tout ça, mais c’est l’heure de la prière, j’ai repéré une charmante petite rue à bloquer ! Je me dépêche !
Deuxième voix : L'embêtant à Paris quand même c’est le manque de places dans les rues pour s’agenouiller, on est souvent obligé de se prosterner en double-file !
Troisième voix : Mais le pire c’est la prière à heures fixes, il faut toujours respecter un créneau horaire bien précis, et comme ma femme passe son temps à papoter elle rate souvent ses créneaux !
Quatrième voix : Ben tiens, en parlant de ça, l’autre soir je surprends ma femme en train de bavarder avec la voisine. Je la prends, je la ramène à la maison, et c’est en la déshabillant pour la coucher que je me rends compte que c’était pas ma femme : je m'étais trompé de burka ! Depuis je lui en achète des tunées pour ne plus la confondre !
Troisième voix : Moi j’ai eu le même problème le jour où avec une de mes femmes on est allé visiter ses parents : non seulement je m'étais trompé d'épouse mais en plus mon beau-père avait sorti la mauvaise belle-mère ! Qu’est-ce qu’on s’est fait engueuler tous les deux !
Quatrième voix : Au fait, je suis allé au salon du nikab cette année, vous saviez qu’ils sortaient des décapotables maintenant ?
Cinquième voix : Hé, elles étaient comment les hôtesses ? Vas-y raconte !
Quatrième voix : Je ne sais pas, on ne les distinguait pas des modèles exposés.

Un peu plus loin, dans un coin retiré près de l'estrade, nous retrouvons nos sympathiques écoliers accompagnés de leur instituteur, tous en tenue de pionnier de l'antiracisme, avec chaussettes bien tirées, mini-shorts, chemise et foulard, casquette militaire, petits fanions à agiter et badges « Touche pas à mon pote ».

Stan : Monsieur Garrison elles craignent ces tenues!
Instituteur : Je sais Stan, tu comprends maintenant ce que les gens ont souffert sous le communisme! Tu sauras dorénavant que les totalitarismes sont des plaies de l'humanité!
Monsieur Esclave (dans la même tenue, mais avec un short plus court et plus échancré) : Moi j'aime vous voir comme ça Monsieur Garrison! Je trouve que ça va à ravir avec l'uniforme d'officier SS que vous m'avez offert à Noël!
Instituteur (rouge de confusion) : Monsieur Esclave! Je … je ne vois pas du tout de quoi vous voulez parler voyons! Ne... ne l'écoutez pas les enfants! Il plaisante!
Kyle : Monsieur Garrison! On a perdu Cortex et Cornflex!
Instituteur : J'ai vu Kyle, et je suis très inquiet car le pire peut se produire : il se peut qu'ils soient allés aux toilettes et qu'ils reviennent ici d'une minute à l'autre, alors tirons-nous d'ici en vitesse!

Nous les retrouvons essoufflés un peu plus loin :

Instituteur (reprenant haleine) : Ça … ça devrait être suffisant! Bon les enfants, je sais que vous vous sentez ridicules dans ces tenues, mais songez au prestige de l'uniforme! Il n'y a pas mieux pour choper des nanas! Elles raffolent de la virilité guerrière!

A ce moment précis passe un petit groupe de femmes en burqua :

Une burka (enfin la femme en dessous) : T'as vu tous ces travelos??? Les gens s'habillent vraiment n'importe comment de nos jours!!!
Instituteur : Con« BIP » se!!!

Enfin les grands dignitaires du mouvement antiraciste arrivèrent pour donner le coup d'envoi de la fête. Dominique Suppo fut le premier à prendre la parole devant la foule

Dominique Suppo (portant à son bras gauche un brassard avec une petite main jaune) : Mes chers amis, c'est avec une grande fierté que je vous présente les résultats de l'exercice 2010 de SOS Racisme! Je ne résiste pas au plaisir de vous annoncer que notre chiffre d'affaire a progressé en raison de l'augmentation du nombre de procès pour propos nauséabonds que nous avons pu intenter! Tout ceci est vraiment très encourageant, et nous espérons bien entendu faire encore mieux cette année, et l'année suivante. Mais je n'oublie pas bien-sûr que tout cela n'aurait jamais été possible sans vous, et je rends hommage au zèle que vous avez déployé pour faire de SOS racisme le numéro un du marché de l'antiracisme en France!

Un tonnerre d'applaudissements se fit entendre, venu des rangs bigarrés qui lui faisaient face.

Dominique Suppo : Et maintenant mes chers amis, laissez la place au défilé de nos jeunes pionniers ! Des petits écoliers qui sont vraiment à croquer! Admirez les dans leurs tenues d'antiracistes ardents! Ils sont noirs, blancs, jaunes, et représentent l'avenir de l'humanité rassemblée en un seul groupe solidaire!

Instituteur : Les enfants je crois que ça va être à nous! Alors dites-vous que le seul moyen de vous faire respecter est de prendre un air farouche et terrible de guerrier impitoyable!
Kyle : Comment on prend un air farouche et terrible de guerrier impitoyable monsieur Garrison?
Instituteur : Bonne question Kyle, pour se mettre dans la peau d'un beau et grand soldat fier de son hétérosexualité épanouie (il soupire) il faut penser à tout ce qui est motivant sur un champ de bataille gorgé de sang et de fureur (il frissonne), comme par exemple la torture et le viol des vierges!... pourquoi vous me regardez comme cela? Vous n'avez jamais joué à la guerre quand vous étiez petits? Bon allez, assez de discussions, en route!

Et la petite troupe s'ébranl... enfin se mit en marche. Les enfants passèrent entre les rangs des spectateurs, au son d'une musique militaire, agitant leurs fanions multicolores.

Une voix dans la foule : T'as vu Ibrahim? Ils font défiler la Gay Pride maintenant! Devant nous, c'est de la provocation! Ils nous offensent!
Instituteur (énervé) : Non monsieur! Nous sommes des pionniers virils! Virils et impitoyablement hétéros! Et les nanas sont toutes folles de nous!!!

Les discours se succédèrent à la tribune officielle. Il y eut Mouloud Allunit, du MRAP.

Mouloud Allunit : Mes chers amis, l'heure est grave! Inexplicablement, alors que nous faisons tout pour le rapprochement entre les peuples en faisant venir de plus en plus d'étrangers pour faire connaitre aux français les joies du métissage, la xénophobie se développe, le racisme se répand! Nous ne comptons plus les actes nauséabonds qui se manifestent contre nos frères de couleur! La solution? Il s'agit bien-sûr d'ouvrir encore plus les frontières pour inciter nos voisins de tous les horizons à venir encore plus nombreux, accélérant ainsi le phénomène de métissage de notre société : comme tout le monde sera pareil il n'y aura plus de racisme, car il n'y aura plus de race! Oui... enfin... euh remarquez, il n'y avait pas de race avant non plus, que des couleurs hein... mais après il y en aura encore moins! C'est cela le génie de la diversité!

Puis le premier ministre, le ministre de la culture, le ministre de la diversité, celui de l'agriculture (qui en fait s'était trompé de manifestation).
A ce moment là arriva notre vieille connaissance Houria Boujdeula. Elle était accompagnée de ses grands amis de la Gauche qu'elle tenait tous en laisse. Elle se dirigea vers un homme d'une cinquantaine d'années en costume gris clair, la barbe bien taillée.

Houria : Tarik! Comme je suis contente de te voir! Laisse-moi te présenter mes nouveaux amis : alors voici Oliveau, Alain, Marie-Georges, Cécile, Dominique, Martine, Jean-Luc, Daniel,... ce sont mes plus proches collaborateurs!
Tarik Ramafon (avec un grand sourire) : Salaam Aleikoum tout le monde! Au fait les filles, j'espère pour vous que vous aimez le look « crâne rasé »! Sinon vous avez intérêt à mettre les voiles... ha ha ha! Bon Houria je te dis à tout à l'heure, je dois faire mon discours!
Martine Ahurie : Dis Houria, qu'est-ce qu'il a voulu dire Tarik?
Houria : Oh non, ne faites pas attention, c'est un grand déconneur! Il adore faire des plaisanteries au second degré et « à deux niveaux de lecture » comme on dit!
Oliveau Besanceniais : Dis papa, pourquoi on est tenu en laisse comme ça?
Alain Enruine : Oliveau, tu es un trotskyste non? Combien de fois t'ai-je dit qu'un bon trotskyste interprète toujours la réalité? Donc nous ne sommes pas « tenus en laisse » mais « nous sommes très attachés à Houria », nuance!

Enfin ce fut le tour d'Houria de prononcer son discours. Elle attacha consciencieusement ses amis à un poteau au pied de la scène et se dirigea vers le micro.

Houria : Je fais un rêve ! Que demain les descendants d’esclaves puissent s’assoir à la même table que les descendants convertis d’esclavagistes autour d’un même repas halal ! Je fais ce rêve fraternel pour tous les croyants dans la France de demain qui rompra à jamais avec son passé colonialiste ! Non, plus d’exploitation ! Plus d’Afrique française, c’est l’inverse que nous voulons ! Oui je fais ce rêve d’une France nouvelle, radicalement différente, débarrassée de tous ses éléments impurs, ouverte à tout ce que peut lui apporter l’autre en terme de bienfaits, en particulier l’Islam, ce cadeau universel ! Oui, les dhim… les amis, l’Islam pour tous, en France ! Ce grand rêvé, ce bonheur est possible ! L’islam en France, tel est l’engagement que nous prenons devant vous si vous nous faites confiance, et nous tiendrons parole !
l’Islam pour nous est un cadre structuré et déstructurant, il ne nous accompagne pas uniquement à la mosquée, mais aussi au foyer, au travail, à l’école, à la prison. La France est à nous et la langue française aussi. Elle est notre langue, nous la parlons et l'écorchons comme bon nous semble et assumons seuls le fait de nous rendre intelligibles, ou pas, comme le montre l'exemple de nos banlieues. L’Islam est la structure de notre existence, notre unique référentiel, et nous ne cherchons pas à offrir le visage “modéré” du Musulman civilisé.
Pour nous, enfin, l’action politique c'est réformer les hommes, c’est à dire, bien entendu, les convertir! Nous considérons comme un devoir religieux l’implication active dans les affaires du monde!
Je vous le dis, le PORC est à venir!

Ce fut un grondement, une clameur immense venue de la foule. Elle fut incontestablement la plus applaudie des tribuns qui s'étaient succédés.

Dominique Suppo (des larmes dans les yeux) : Houria, c'était magnifique... j'en ai pleuré d'émotion!
Mouloud Allunit : Oui, je... je... n'ai plus pleuré ainsi depuis l'instauration de la révolution islamique en Iran en 1979!

Houria n'eut pas un regard pour le public et se dirigea vers la voiture qui l'attendait au pied de la scène. Le chauffeur démarra et, passant péniblement entre les grappes de spectateurs qui s'agglutinaient autour du véhicule, il ne put éviter un enfant à l'allure étrange qui passait par là, et roula dessus.

Chauffeur : Euh, madame, je crois que je viens d'écraser un des petits travelos qui défilaient tout à l’heure !…
Houria : Bah, pas grave, un kafir sans-doute…
Stan : Oh mon dieu elle a tué Kenny !
Kyle : Espèce d'enfoirée !

Martin se fraya un passage dans la foule dense, tentant de se rapprocher le plus possible de la tribune. Enfin le concert commença. La première à se produire était la chanteuse Perl's.
Une bâche bleue fit son entrée sur la scène.

Une voix dans le public : Ma femme!?
Une autre voix : Non, je crois que tu confonds encore!

La bâche en question se mit soudainement a meugler au son de la musique.

La première voix : Non effectivement, ce n'est pas ma femme!
La bâche : Ma France à moi, elle crie fort, elle gueule! Ell'pense qu'au bled et respecte pas les règles! Ma France à moi c'est pas l'beaujolpif, ma France a moi c'est pas cett'France profonde de racistes!

Suivit le groupe « Gang bang multicu » :

Chanteur de « Gang bang multicul » :
J'nik la France, j'la baise!
J'me fais leurs chiennes à l'aise!
Les blanches sont des putes à baiser!
J'vois pas pourquoi on va s'gêner!

Contre toute attente le ministre de la culture intervint à la fin de la chanson.

Ministre : Chers amis, l'émotion m'étreint aujourd'hui pour remettre à ce groupe talentueux le grand prix Rimbaud de la poésie citoyenne pour son insolence artistique et engagée contre les préjugés!
Chanteur de « Gang bang multicul » (recevant le prix des mains du ministre) : Il a écrit des poèmes Stallone???

Le groupe « Genossid » fit à son tour son entrée sur la scène.

Chanteur du groupe « Genossid » :
Crève les pédés avec ton gun!
On est tous là pour le fun!
La France franch'ment rien à branler!
On prend le fric et on va s'tirer!

Puis le groupe « Assassin meurtrier ».

Chanteur du groupe « Assassin meurtier » :
J'rêve de Paris sous les bombes!
Les babtous tous mis dans la tombe!
Des renois demain à l'Elysee!
La France va bien s'faire baiser!

Le groupe ZEP fit également son entrée, offrant au public en délire sa chanson phare « Baise la France ». Quelques personnes au premier rang remarquèrent que les chanteurs Busta Jean-Pierre et MC Robert se dandinaient étrangement tout en dansant péniblement, sous le regard goguenard de Saïd.
Une surprise se produisit alors : Cortex et Cornflex firent leur apparition sur la scène en « tenue de ville » (baskets, survêtement et capuche) :

Cortex et Cornflex (beuglant) : Stares du Ouaibe!!!! (orthographe d'origine)
Stan : Monsieur Garrison regardez! Cortex et Cornflex sont là, sur la scène!
Instituteur : Oh les « BIP »! Ils ont enlevé leurs tenues de petits pionniers! Ils ne sont vraiment pas solidaires dans le ridicule!
Monsieur Esclave : Oui dommage, ça faisait bien ressortir leurs torses virils!

La grande communion fraternelle se poursuivit encore pendant près de trois heures. Vint enfin le tour du chanteur engagéTM RAF de se produire.

RAF :
La guerre c'est nul!
La paix c'est mieux !...


Le public commença à refluer à cet instant...

Instituteur : Bon, il est temps de partir les enfants, tout le monde est là  ?
Kyle : Non monsieur Garrison, Cortex et Cornflex ont disparu et Kenny est mort !
Instituteur : Parfait alors allons-y ! On n’a que trop perdu de temps et nous sommes ridicules dans ces tenues qui nous foutent vraiment la honte !
Monsieur Esclave : J'espère qu’on pourra les garder !

Le concert convivial touchait à sa fin. Le parterre se vidait. On voyait ça et là des magasins dévastés, des voitures en feu, des débris jonchant la chaussée : tout cela avait été une réussite incontestable dans le respect des valeurs républicaines.
Martin resta seul, muet, devant la scène maintenant plongée dans l'obscurité. Son crâne cognait comme après une nuit d'ivresse. Il fit quelques pas hésitants, et il dût s'appuyer contre un lampadaire pour ne pas tomber, alors qu'il sentait qu'il était sur le point de s'évanouir.
A quelques mètres de là :

Oliveau : Dis papa, j'ai l'impression qu'Houria a oublié de nous détacher!
Alain : Oliveau, pour la dernière fois! Houria ne nous a pas oubliés! On nous a juste confié la mission de rester jusqu'au bout pour nous assurer que tout se passait bien! C'est une question de confiance et c'est un honneur! (se tournant vers les autres) Euh... dites les gens, personne n'aurait un couteau suisse?
Daniel Conne-Bendit (à moitié étranglé par sa laisse) : La Suisse c'est nauséabond! Ils doivent revoter!

 Proposition #2348 d'uniforme de petit pionnier de l'antiracisme (non retenue)

samedi 18 juin 2011

Les chats de Charlot

Comment un obsédé pervers authentique amoureux des chats peut-il passer sous silence les pièces admirables que Baudelaire a consacrées à ces éternelles et fascinantes créatures?
Elles sont au nombre de trois dans les Fleurs du mal, et, fait intéressant, elles appartiennent toutes à la section Spleen et Idéal qui contient également les poèmes associés à Jeanne Duval (la Vénus noire), Madame Sabatier (la madone), et Marie Daubrun (qui préféra finalement Banville à notre ami Charlot, ce qui revient quelque peu à délaisser Brel pour Grand Corps Malade, mais nous nous éloignons du sujet...).
C'est ainsi que le chat, pour Dieu Baudelaire, est bien plus qu'un animal de compagnie ou une source d'inspiration, mais une incarnation de tout ce qui le séduit chez la femme : beauté, mystère, indolence, cruauté, délicatesse, raffinement, souplesse, grâce, musicalité de la voix, bref féminité...
D'ailleurs la femme, pour Baudelaire est bien plus qu'une compagne, elle représente surtout un but mystique, inatteignable de par sa pureté, ce qui renvoie à l'amour courtois des chevaliers de naguère pour une dame considérée davantage comme un ange que comme une mortelle imparfaite. Mais elle est également synonyme de passion, de sensualité, de joie de descendre, et s'apparente véritablement à un antidote charnel contre l'Ennui d'ici-bas, le célèbre « ennemi » baudelairien, et le spleen qu'il induit.
Ainsi il n'est guère étonnant que Charlot emploie, pour décrire le majestueux Felis Catus les mots et les images que l'on adresserait à une jeune fille tant ces deux êtres, le chat et la femme, sont pour Baudelaire des drogues, des paradis artificiels destinés à lui faire oublier « l'horreur de la Vie »...

Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.

Amis de la science et de la volupté
Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres ;
L'Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
S'ils pouvaient au servage incliner leur fierté.

Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin ;

Leurs reins féconds sont pleins d'étincelles magiques,
Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin,
Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.


Dans ma cervelle se promène,
Ainsi qu'en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l'entend à peine,

Tant son timbre est tendre et discret ;
Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C'est là son charme et son secret.

Cette voix, qui perle et qui filtre
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.

Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases ;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n'a pas besoin de mots.

Non, il n'est pas d'archet qui morde
Sur mon coeur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,

Que ta voix, chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout est, comme en un ange,
Aussi subtil qu'harmonieux !

II
De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu'un soir
J'en fus embaumé, pour l'avoir
Caressée une fois, rien qu'une.

C'est l'esprit familier du lieu ;
Il juge, il préside, il inspire
Toutes choses dans son empire ;
Peut-être est-il fée, est-il dieu ?

Quand mes yeux, vers ce chat que j'aime
Tirés comme par un aimant,
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même,

Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales
Qui me contemplent fixement.


Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux ;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux
Mêlés de métal et d’agate.

Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s’enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,

Je vois ma femme en esprit ; son regard,
Comme le tien, aimable bête,
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,

Et des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum
Nagent autour de son corps brun.

Le genre de félin qui aurait inspiré Baudelaire

mercredi 15 juin 2011

Y a-t-il un pilote au Parti Socialiste ?

Dis-moi Martine, tu aimes les films sur les Moudjahidins ?
Tu es déjà allée dans une prison française ?
Et... tu as déjà vu un islamiste tout nu ?

lundi 13 juin 2011

Pour une Histoire de France citoyenne et progressiste

Il était une fois un pays ranci, moisi, sinistre, habité par de tristes sires consanguins et repliés sur eux-mêmes. 
 

Le peuple en question, dégénéré, était si peu développé dans le domaine de l'esprit qu'il n'avait jamais rien apporté à l’humanité, que ce soit en sciences


en technologies


en littérature


en peinture


en musique

 
en architecture sacrée


ou profane

 
Les seuls faits historiques de ce peuple avaient été l'esclavage, la colonisation et la collaboration

 
Bref, ce pays maudit et arriéré était condamné à disparaître sans laisser de trace aucune dans l'Histoire, jusqu’à ce qu'une poignée d'humanistes et de grands esprits décident de le sauver : grâce à l'importation massive d'autres peuples, cette France jadis moisie, rancie et consanguine, allait enfin briller.
Grâce à la richesse inestimable de la diversité, du multiculturalisme et du vivre-ensemble, la France était sauvée...


Une France plus belle, plus jeune, plus enviable, plus attirante




Ceci était un message à caractère culturel du FORMATAGE (Front pour une Organisation Républicaine et Métissée des Activités Traitant de l'Art, du Goût et de l’Éducation)

samedi 11 juin 2011

"Femmes damnées (Delphine et Hippolyte)" de Baudelaire

Ce magnifique poème du grand Charles (deux pléonasmes dans ma phrase, pas mal) a été retiré de l’édition de 1857 des Fleurs du mal à la suite du jugement intenté à notre ami Charlot (pour les intimes), et fait donc partie des fameuses « pièces condamnées », car jugée scabreuse et immorale par les juges.

(au passage, force est de constater que cette époque est heureusement révolue, hein ! Ce n'est pas de nos jours que, par exemple, des associations bien-pensantes et franchement inquisitrices comme SOS racisme ou la LDH de mes deux traîneraient un auteur devant le tribunal en exigeant la censure de son œuvre parce qu'il a osé développer des thèses allant à l'encontre de leur confort intellectuel. Non bien-sûr, cela ne peut plus exister... mais fermons cette parenthèse qui gêne mon propos principal) voilà.

Donc disais-je avant cette petite digression innocente, cette pièce, vue comme obscène, car centrée sur l’évocation de l’homosexualité féminine, sujet toutefois assez répandu dans la littérature du milieu du dix-neuvième siècle, regorge en fait d'une beauté mélancolique et tragique qui ne peut laisser indifférents les amoureux de notre langue, surtout quand Baudelaire l'utilise à merveille pour s'emparer des thèmes de l'amour, de la passion dévorante, du remord, de la solitude, de la perdition (et je me dis que je vais bientôt faire des phrases aussi longues que celles de petit Marcel, donc je m’arrête là , déjà que je n'ai pas beaucoup de lecteurs, et il faudra aussi que je m’entraîne à écrire des parenthèses moins longues...). D'ailleurs à titre personnel je suis particulièrement touché par les vers suivants qui vibrent d'une splendeur mystérieuse :

Mes baisers sont légers comme ces éphémères
Qui caressent le soir les grands lacs transparents,

et

Et fuyez l'infini que vous portez en vous!

Le poème met en scène Hippolyte, jeune ingénue se donnant à l’expérimentée Delphine, et tandis que la première confie à son amante son inquiétude et ses tourments d'avoir commis une faute si délicieuse, la seconde tente de la convaincre qu'il est vain de chercher des tourments dans l'amour (« Qui donc devant l'amour ose parler d'enfer ? ») et que l’abandon aux délices, même (et surtout?) interdites, est la meilleure des philosophies.
Le poème se termine par cinq quatrains dans lesquels Baudelaire décrit le châtiment qui attend celles qui ont osé briser ce tabou de la passion défendue : la mise au ban de la société des hommes d’êtres assimilés à des bêtes sauvages (À travers les déserts courez comme les loups).
Cependant si à la première lecture de cette conclusion Charlot semble approuver cette « damnation », le dernier vers (Et fuyez l'infini que vous portez en vous!) montrerait au contraire que notre ami (oui nous sommes très proches!) est conscient de la grande humanité que ces femmes cachent en elles. Il fait d'ailleurs écho au « Et les urnes d'amour dont vos grands cœurs sont pleins » qui constitue justement la conclusion de l'autre pièce intitulée « Femmes damnées ».

Mais j’arrête là mon bavardage assommant qui endort jusqu'à son propre auteur, et je vous laisse savourer, comme un puissant et profond Nuits Saint Georges (il faudra d'ailleurs que j'evoque le theme du vin dans les Fleurs du Mal), ces vers somptueux :

À la pâle clarté des lampes languissantes,
Sur de profonds coussins tout imprégnés d'odeur
Hippolyte rêvait aux caresses puissantes
Qui levaient le rideau de sa jeune candeur.

Elle cherchait, d'un oeil troublé par la tempête,
De sa naïveté le ciel déjà lointain,
Ainsi qu'un voyageur qui retourne la tête
Vers les horizons bleus dépassés le matin.

De ses yeux amortis les paresseuses larmes,
L'air brisé, la stupeur, la morne volupté,
Ses bras vaincus, jetés comme de vaines armes,
Tout servait, tout parait sa fragile beauté.

Étendue à ses pieds, calme et pleine de joie,
Delphine la couvait avec des yeux ardents,
Comme un animal fort qui surveille une proie,
Après l'avoir d'abord marquée avec les dents.

Beauté forte à genoux devant la beauté frêle,
Superbe, elle humait voluptueusement
Le vin de son triomphe, et s'allongeait vers elle,
Comme pour recueillir un doux remerciement.

Elle cherchait dans l'oeil de sa pâle victime
Le cantique muet que chante le plaisir,
Et cette gratitude infinie et sublime
Qui sort de la paupière ainsi qu'un long soupir.

— «Hippolyte, cher coeur, que dis-tu de ces choses?
Comprends-tu maintenant qu'il ne faut pas offrir
L'holocauste sacré de tes premières roses
Aux souffles violents qui pourraient les flétrir ?

Mes baisers sont légers comme ces éphémères
Qui caressent le soir les grands lacs transparents,
Et ceux de ton amant creuseront leurs ornières
Comme des chariots ou des socs déchirants;

Ils passeront sur toi comme un lourd attelage
De chevaux et de boeufs aux sabots sans pitié...
Hippolyte, ô ma soeur! tourne donc ton visage,
Toi, mon âme et mon coeur, mon tout et ma moitié,

Tourne vers moi tes yeux pleins d'azur et d'étoiles!
Pour un de ces regards charmants, baume divin,
Des plaisirs plus obscurs je lèverai les voiles,
Et je t'endormirai dans un rêve sans fin!»

Mais Hippolyte alors, levant sa jeune tête:
— «Je ne suis point ingrate et ne me repens pas,
Ma Delphine, je souffre et je suis inquiète,
Comme après un nocturne et terrible repas.

Je sens fondre sur moi de lourdes épouvantes
Et de noirs bataillons de fantômes épars,
Qui veulent me conduire en des routes mouvantes
Qu'un horizon sanglant ferme de toutes parts.

Avons-nous donc commis une action étrange ?
Explique, si tu peux, mon trouble et mon effroi:
Je frissonne de peur quand tu me dis: 'Mon ange!'
Et cependant je sens ma bouche aller vers toi.

Ne me regarde pas ainsi, toi, ma pensée!
Toi que j'aime à jamais, ma soeur d'élection,
Quand même tu serais une embûche dressée
Et le commencement de ma perdition!»

Delphine secouant sa crinière tragique,
Et comme trépignant sur le trépied de fer,
L'oeil fatal, répondit d'une voix despotique:
— «Qui donc devant l'amour ose parler d'enfer ?

Maudit soit à jamais le rêveur inutile
Qui voulut le premier, dans sa stupidité,
S'éprenant d'un problème insoluble et stérile,
Aux choses de l'amour mêler l'honnêteté!

Celui qui veut unir dans un accord mystique
L'ombre avec la chaleur, la nuit avec le jour,
Ne chauffera jamais son corps paralytique
À ce rouge soleil que l'on nomme l'amour!

Va, si tu veux, chercher un fiancé stupide;
Cours offrir un coeur vierge à ses cruels baisers;
Et, pleine de remords et d'horreur, et livide,
Tu me rapporteras tes seins stigmatisés...

On ne peut ici-bas contenter qu'un seul maître!»
Mais l'enfant, épanchant une immense douleur,
Cria soudain: — «Je sens s'élargir dans mon être
Un abîme béant; cet abîme est mon coeur!

Brûlant comme un volcan, profond comme le vide!
Rien ne rassasiera ce monstre gémissant
Et ne rafraîchira la soif de l'Euménide
Qui, la torche à la main, le brûle jusqu'au sang.

Que nos rideaux fermés nous séparent du monde,
Et que la lassitude amène le repos!
Je veux m'anéantir dans ta gorge profonde,
Et trouver sur ton sein la fraîcheur des tombeaux!»

— Descendez, descendez, lamentables victimes,
Descendez le chemin de l'enfer éternel!
Plongez au plus profond du gouffre, où tous les crimes
Flagellés par un vent qui ne vient pas du ciel,

Bouillonnent pêle-mêle avec un bruit d'orage.
Ombres folles, courez au but de vos désirs;
Jamais vous ne pourrez assouvir votre rage,
Et votre châtiment naîtra de vos plaisirs.

Jamais un rayon frais n'éclaira vos cavernes;
Par les fentes des murs des miasmes fiévreux
Filtrent en s'enflammant ainsi que des lanternes
Et pénètrent vos corps de leurs parfums affreux.

L'âpre stérilité de votre jouissance
Altère votre soif et roidit votre peau,
Et le vent furibond de la concupiscence
Fait claquer votre chair ainsi qu'un vieux drapeau.

Loin des peuples vivants, errantes, condamnées,
À travers les déserts courez comme les loups;
Faites votre destin, âmes désordonnées,
Et fuyez l'infini que vous portez en vous!