C'est en parcourant l'excellent blog de Fromageplus que je suis tombé sur cette perle, fruit des amours interdites et maudites, non pas de blonds jumeaux teutons et mythologiques, mais d'hommes de cinéma bien réels, et ceci pose des questions angoissantes quant à leur niveau intellectuel si cette vidéo devait être prise au premier degré :
Ma première réaction fut de penser que le coprolithe hypnotique qui nous était ainsi dévoilé était en fait une parodie acide des mouvements politiques chargés de nous imposer le bonheur, de force s'il le faut. Bref de l’écossais pur jus. Seulement en jetant un coup d’œil au CV des responsables de l'objet du délit, il apparaît que les thèmes qu'il y développent est dans la droite ligne de leurs productions précédentes.
Ainsi bonnes gens égarés par mégarde sur ce blog obscur et destiné à le rester, ne cherchez pas derrière ces dix minutes de trou noir abyssal un facétieux auteur à même de faire rire aux dépends de nos joyeux drilles à drapeaux rouges. Non, tout cela est sérieux et reflète la bêtise crasse pensée profonde de leurs géniteurs, concentrée dans dix minutes de discussion affligeante à même de donner un orgasme multiple à Trotsky (on a les boules de geishas qu'on peut...).
Mais trêve de ce bavardage navrant dont j'ai hélas pris l'habitude, et rentrons dès maintenant dans une analyse détaillée de cette vidéo fascinante si vous préférez vous éviter ces dix minutes de niaiserie.
Le court métrage nous plonge dans la France de 2044 après la prise du pouvoir par les comités anti-capitalistes (les gentils) suite à divers événements qui nous sont comptés par des cartons insérés régulièrement au fil de l'action. Nous faisons ainsi connaissance avec le nouvel “ordre présent” dans lequel, entre autres mesures symboliques, l’assemblée n'est plus constituée de députés somnolents et ventripotents élus par le bon peuple, mais de simples citoyens tirés au sort, et siégeant pour un mandat de cinq ans non renouvelable, et ce afin de représenter toutes les franges de la population. On nous précise d'ailleurs que chacun doit se tenir prêt à occuper cette fonction.
Dites donc, c'est censé être un progrès cette participation obligatoire et au petit bonheur la chance? Imaginons un instant un individu, Rodolphe, ne s’intéressant aucunement à la politique, et n'y ayant d'ailleurs aucune compétence. Un matin il reçoit le message suivant : “Ceci n'est pas une blague! Tu as été tiré au sort parmi des millions d'autres pour siéger à l’assemblée petit filou! Envoie vite un texto à ce numéro pour savoir précisément ce que tu as gagné (2,50 euro le sms)!”, et Rodolphe de découvrir avec stupeur qu'il hérite d'un bureau de député avec les émoluments et la secrétaire pulpeuse qui vont avec. Cela peut sembler intéressant au premier abord, mais si Rodolphe ne connaît rien aux arcanes complexes de la politique, aux textes de loi, aux procédures juridiques et s'y ennuie comme un rat mort je doute que le pays y gagne. Et si Rodolphe est un grand nom de la chirurgie, spécialiste mondialement connu et qu'il doit illico rejoindre le Palais Bourbon dans l’hypothèse où les désistements ne sont pas possibles, que vont dire ses patients? Vont-ils accepter de stagner tranquillement dans leur sang avec leurs tripes à l'air pour le bien de la Nation, faute de remplaçant pour Rodolphe? Et mettons que Rodolphe souffre de problèmes d'addiction à certaines substances toxiques comme l'alcool, est-ce une bonne idée de lui confier le destin du pays s'il risque de se retrouver plus souvent que de coutume dans un état second?
Non vraiment, même si l'ancien système est loin d’être parfait il me semble qu'il y a malgré tout un vague intérêt à demander à des citoyens de choisir parmi des candidats volontaires, histoire qu'ils ne se retrouvent pas représentés n'importe comment et par n'importe qui. Mais je dois être trop bourgeois.
Je préfère passer sur les divers événements rocambolesques qui nous sont narrés pour me focaliser sur le cœur de l'« action » : un comité de zone chargé de statuer sur le sort à réserver à des policiers ayant participé à des répressions violentes juste avant le changement de régime, et nous allons voir que les différents personnages composant ce groupe et donnant leur avis sur la question sont, comment dire... pittoresques.
Nous faisons tout d'abord connaissance avec celui qui semble présider la réunion, un jeune homme vêtu d'un seyant marcel et que nous nommerons Raoul. Raoul se demande visiblement ce qu'il fait là et j'ose supputer que c'est de nouveau un tirage au sort qui l'a propulsé à la tête de la petite organisation tant il semble peu à l'aise avec la notion d'animation. Car il faut bien le dire, notre personnage a le charisme d'une moule (il est connu que les bivalves ne savent pas s'imposer et souffrent de leur manque d’autorité, d'ailleurs les psychologues pour animaux commencent à se pencher sur le problème et il n'est pas rare d'en croiser un avec un masque et un tuba dans un parc à huîtres pour une thérapie de groupe). C'est d'ailleurs d'une petite voix hésitante qu'il se débarrasse de sa tâche en passant le témoin à sa voisine chargée d'expliquer le fond du problème. Merci Raoul...
Marie-Jo, tel est le nom de la guillerette voisine en question, offre un contraste saisissant avec Raoul puisqu'elle semble tout droit échappée d'un goulag perdu au fin fond de la Sibérie (mais plutôt comme surveillante que comme détenue). Elle se définit d'ailleurs en tant qu'officier de police, ce que nous n'avons aucun mal à croire, et c'est sur un ton d’autorité qu'elle développe la question à l'ordre du jour sur laquelle chaque participant va devoir donner son avis, souvent inintéressant d'ailleurs, ce qui nous donne droit à un brillant débat de société. A ce titre, l'intervention d'un certain Régis, qui évoque timidement les « dérapages » de l’État par le passé (ce qui pourrait s’interpréter comme une dénonciation des erreurs d'un ordre ancien acceptable à l'origine), nous vaut une formidable intervention de Marie-Jo qui, sentant l’hérésie de son petit nez aiguisé de Torquemada en jupons, ne peut s’empêcher de faire part de son inquiétude en constatant que quelqu'un, dans cette assemblée, n'est pas complètement convaincu que le capitalisme est le mal absolu (Ho ! Ce système a tout de même produit les 2Be3 entre autres horreurs, hein, il ne faudrait pas l'oublier!). Il me faut toutefois préciser que Régis proposait de condamner les politiciens responsables aux travaux forcés, comme quoi sa « modération » était toute relative...
C'est étrange mais Marie-Jo me fait penser à la fameuse chambre 101, dans le roman 1984, censée contenir la plus grande phobie du prisonnier condamné à y pénétrer (ainsi pour Winston, le personnage principal, il s'agit de rats dont il a une sainte horreur), et il me semble que si je devais également y subir pareille épreuve j'y trouverais justement Marie-Jo, nue avec des porte-jarretelles, m'ordonnant de résoudre des problèmes algébriques de classes préparatoires (et je me demande bien pourquoi je vous raconte tout cela...).
Une jeune fille d'origine africaine, et que nous appellerons Lulu, prend ensuite la parole. Lulu nous annonce tout de go, sans aucun rapport avec le thème de la réunion, une nouvelle révoltante : sous l’ancien régime (donc le nôtre) les étrangers n’étaient pas traités à égalité avec les français… non Lulu, tu… tu plaisantes n’est-ce-pas ? Et notre sympathique héroïne de citer ses grand-parents arrivés clandestinement du Mali et n’ayant pas droit à un travail officiel (La Palice, si tu me lis…). Cette nouvelle était tellement ébouriffante, du moins pour elle, que je m’attendais presque à ce qu’elle nous déclare « et d’ailleurs savez-vous que mon voisin de palier, Monsieur Grinchard, est mort en léguant toute sa fortune à ses petits-enfants sans rien me donner, sous prétexte que je n’étais pas de sa famille et que nous nous connaissions à peine, non mais sérieux vous vous rendez compte ? ». Toutefois, dans un élan de magnanimité bouleversant Lulu déclare vouloir tourner la page et oublier le passé. Merci Lulu…
Bon, ma petite, je vais t’expliquer quelque chose rapidement… il se trouve que chaque culture, chaque groupe humain fait la distinction entre « nous » et « les autres » par une sorte d’instinct de conservation propre à toute société qui se veut pérenne. Autrement dit aucun peuple ne met au même niveau un de ses individus et un quidam venu d’ailleurs, et cette vérité élémentaire (que l’on pourrait assimiler à de la préférence nationale) était universellement reconnue, jusqu'à ce qu’un groupe d’hurluberlus méchamment amputés de la boîte crânienne se mette à déclarer subitement il y a quelques décennies de cela qu’il était moralement impensable de continuer ainsi et qu’il fallait instaurer l’égalité pour tous, quelles que soient les circonstances, et le droit absolu à la libre circulation. Si tu lis Lévi-Strauss tu sauras de quoi je veux parler, et tu pourras toujours demander, par exemple aux Japonais (qui se sont pris de sacrés tsunamis sur le coin de la figure mais ont tout de même eu la chance d’échapper aux catastrophes « progressistes », certes peu naturelles), ou aux Indiens Jivaros, de te considérer comme l’une des leurs. Cela les fera rigoler très fort tu vas voir...
Mais c’est le propre des hurluberlus dont je parlais plus haut de faire passer pour incongru ce qui tombe sous le sens et vice-versa. Ainsi tu n’as pas besoin de te montrer généreuse en « pardonnant » ce que nous avons fait à tes grands-parents car nous n’avons justement rien à nous reprocher, surtout vis-à-vis de personnes qui se sont installées sur notre sol sans nous demander l’autorisation parce qu’elles ne sont pas fichues de développer leur pays d’origine. Allez, Lulu, à plus tard peut-être…
Bon je ne vais pas faire tous les personnages, histoire de ne pas lasser mes rares lecteurs qui parviennent péniblement jusque là (je les salue au passage...), mais certains d'entre eux méritent bigrement le détour :
Ainsi Anna (je la baptise ainsi) nous venant de Pologne. Anna est en réalité une réfugiée politique ayant fui, je cite, « un pays capitaliste » pour rejoindre un état anti-capitaliste (la France, ou du moins ce qu’il en reste)… attendez, je… qui a écrit ça ??? Je veux bien croire qu'il s'agit d'un court métrage sérieux mais il y a quand même des limites, parce que le personnage incarné par la pauvre comédienne est à peu près aussi crédible qu’un joueur de premier plan ayant quitté la Juventus pour signer avec le club des poussins de St Félicien-les-hameaux, comme nous l’ont d’ailleurs fort bien montré les événements de la guerre froide…
Il est ainsi reconnu que le mur de Berlin a été érigé pour empêcher les citoyens d’Europe de l’ouest de se ruer sur les paradis de l’est. Qui ne se souvient d’ailleurs de ces hordes d’affamés fuyant les magasins capitalistes vides en bravant les féroces milices de RFA pour aller chercher un peu d’espoir dans l’opulence socialiste distraitement surveillée par les agents de la Stasi, ces sympathiques et débonnaires lurons ? Comment oublier ces soulèvements tragiques des peuples anglais, français, italien, hollandais réprimés dans le sang par les chars du grand-frère américain ou le désespoir du printemps de Paris lors duquel le jeune Jean Palachet s’est immolé par le feu pour protester contre l’invasion de son pays par les Big Mac de l’Oncle Sam ? Et plus près de nous dans le temps, comment passer sous silence ces naufragés de Floride embarquant sur des yachts de fortune pour aller tenter leur chance vers la lointaine Havane ? Non vraiment, cette vidéo m’aura ouvert les yeux…
Hélène, elle, nous annonce qu’elle est sans emploi (on précise bien entendu « par choix » car il va sans dire qu’il ne peut y avoir de problème de chômage, ni de problème tout court, dans une société anti-capitaliste qui est parfaite par définition, cependant allez défendre dans un véritable état anti-capitaliste votre droit à coincer la bulle, et n’oubliez pas de filmer votre tête en même temps, histoire que je rigole bêtement), et la joviale demoiselle en profite d’ailleurs pour affirmer qu’elle est contre toute idée de devoir être utile à la société. « Ouais je suis une rebelle, et comme tout rebelle bien conformiste je défèque sur le système, et rien ne m’arrêtera, pas même l’oubli regrettable de papier triple épaisseur ! Tremblez bourgeois, c’est ainsi que je marque ma différence (et accessoirement mon territoire) !» Bref nous avons affaire à l’un de ces enfant gâtés comme la génération de mai 68 en a produits à la chaîne et qui estiment que tout leur est dû sans qu’ils aient de compte à rendre à personne.
Fort bien Hélène, je respecte parfaitement ton choix de vie. Aussi si un jour je te croise sur un trottoir en sang, suite à une agression, en train d’appeler désespérément à l’aide, tu comprendras parfaitement que je t’envoie balader en t’expliquant que par conviction je suis opposé à toute idée d’être utile aux grosses truies à l’agonie qui refusent de lever le petit doigt en contrepartie de tout ce que la société fait pour elles, comme l’accès aux soins ou à l’éducation par exemple.
Allez, merci Hélène…
A la toute fin de la vidéo Raoul (vous savez, celui qui « préside » la réunion… ah vous l’aviez oublié aussi hein ?) intervient pour déclarer que le débat va commencer… euh mais dis-moi Raoul, ce qui vient de se dérouler durant plus de huit minutes ne ressemblait pas déjà furieusement à un débat ? Tu parles de quelle autre discussion en fait ? S’il s’agit toujours de celle à propos du sort à réserver aux policiers alors il y a un problème. Tu faisais quoi durant tout ce temps pour n’avoir rien remarqué ? Tu dormais (ça ne m’étonnerait pas, remarquez…) ? Tu faisais les mots croisés du journal de Mickey (il devait être bloqué à « liquide transparent qui lave et se boit » en trois lettres) ? Tu essayais désespérément d’échapper aux œillades enamourées de Marie-Jo, les mêmes qu’elle lance à ses instruments de torture chéris dans la chambre 101, comme la « vierge de fer » à pointes roses (son petit côté féminin qui ressort) ?
Et puis franchement Raoul, quel débat ? Parce qu'au vu de la diversité des opinion des participants cela revient à peu près à organiser une table ronde sur l’intérêt des émissions culturelles avec une assemblée composée exclusivement de producteurs de TV-Réalité... je n'ose d'ailleurs imaginer ce que sont devenus les opposants au nouvel ordre qui nous est présenté ; il n'y est fait mention nulle part.
Ah si, une jeune femme à l'air candide évoque des personnes voulant « perpétuer des régimes capitalistes » (diantre ! Des gens avec des idées politiques différentes... des terroristes donc!) et se demande benoîtement si pour défendre la jeune révolution il ne faudrait pas accoucher de lois « strictes », voire « un peu injustes ».
Ah ben d'accord, je vois ! Elle est belle la liberté d'opinion dans la France de 2044 (tiens, cent ans exactement après la Libération, les règlements de compte et les exactions contre ceux accusés parfois à la va-vite de collaboration... coïncidence?) ! C'est curieux, mais il flotte soudainement dans l'air comme un parfum de Comité de Salut Public et de loi des « suspects »... étrange !
Ainsi, voilà ce que peuvent nous pondre des individus sous influence quand des irresponsables leur confient une camera. Toutefois, je n'arrive pas à me faire à l’idée que des êtres humains éduqués considèrent ce cauchemar aberrant comme un idéal politique, et dans un réflexe d’espérance un brin naïf je me surprends à penser que ceci n'est peut-être qu'une tentative de mise en garde des mouvements altermondialistes contre les tentations totalitaires qui guettent ceux qui ne méditent pas suffisamment les leçons de l'Histoire.
Une sorte d'auto-critique salutaire en quelque sorte.
Mais sans-doute suis-je trop optimiste...
« Prisonnier 2309! Démontre-moi le théorème de Bolzano-Weierstrass, et après tu me feras l'amour comme une bête! »
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