lundi 30 mai 2011

Bande-annonce : "Supermusulman begins"

Le cirage de pompes interne : le petit « + » de Canal
 
Vous avez aimé les films sur Spiderman et Batman sortis ces dernières années (ne vous inquiétez pas, ce n’est pas grave) ? Alors ne manquez pas la nouvelle production des Studios Canal : « Supermusulman begins » !

Au tout début la petite Rokhaya Diallo était une chroniqueuse insignifiante, sans idée, sans inventivité, bref, bien à sa place dans le paysage médiatique français :

Rokhaya : et alors… euh… la France a été une méchante puissante colonisatrice, et euh… elle a réduit en esclavage les gentils africains, et euh… les français sont très racistes, et euh… c’est pas bien quoi !

A tel point qu’elle fut vite remarquée par les décideurs de Canal + qui sont tout de même de remarquables dénicheurs de talents, tels les « Robins des bois » par exemple (quoi, de l’ironie dans ma phrase, vous êtes sûr?).

Agent de Canal + : Rokhaya, tu es trop cool et branchée ! Viens travailler avec des gens cool et branchés comme nous ! Nous sommes tous vachement sympas et intéressants et drôles et impertinents et… et cool et branchés et… attends tu peux me prêter ta main là, j’ai encore une crampe aux deux poignets… là oui… c’est bon, oh oui… continue… mmmmm… VAS-Y OH OUAIS QU’EST-CE QU’ON EST BON !!!!!

Mais un jour, lors d’un voyage d’ « études » aux Etats-Unis…

Responsable politique : mon dieu, qu’est-il arrivé à cette femme ???
Conseiller : elle a été mordue par une araignée monsieur, une épeire vert-diadème très venimeuse originaire du Moyen-Orient que nous avons laissé traîner exprès par mégarde et qui tisse sa toile partout en menaçant l’équilibre et la diversité des écosystèmes qu’elle envahit. Je crains que nous devions l’achever pour abréger ses souffrances et arrêter nos expérimentations douteuses
Responsable politique : attendez, elle se réveille !
Rokhaya : Lafrancedoitchangeretabandonnersestraditionsséculairespourfairedelaplaceauxnouveauxarrivantsquisontautantdechancespourcevieuxpaysrancietracisteetilnefautpasquejoubliemonrendezvouschezlecoiffeurtoutàlheure… !
Responsable politique : mon dieu ! Elle est devenue… une autre !
Conseiller (déçu) : ca veut dire qu’on ne l’achève plus ?

En effet sous l’effet de la morsure Rokaya était devenue « Supermusulman », un être étrange venu d’ailleurs doté de pouvoirs extraordinaires comme la faculté d’assommer quiconque avec un débit de poncifs proprement effarant. Cette arme redoutable ne fonctionnait toutefois pas sur les esprits faibles et les animateurs de télévision (n’y voyez là aucune relation de cause à effet…) :

Ardisson : alors quoi de neuf ma petite Rokayya ?
Rokhaya : lemondeseraitquandmêmevachementmieuxsilesgensétaientplusgentilsetaujourdhuiilpleuvrasurlilleetsurlamajeurepartiedelamoitiénorddelafrancealorsquelesoleilbrillerasurlaprovenceetlecarrédelhypothenuseestégalàlasommedescarrésdesdeuxautrescôtésetestcequeejevaismarrêterunjourdedébiterautantdeconneries?… !
Ardisson (dans un état second) : … j’adore ce que tu dis Rokayya… c’est tellement profond… surtout pour mon émission…

Nombreux étaient ceux qui avaient tenté de l’arrêter, mais ils essuyaient tous un échec cuisant :

Zemmour : MAIS TU VAS LA FERMER UN JOUR TA GRANDE G… !!!!!
Rokhaya : Ha ha, Zemmour, tueslacaricaturedetoimêmeettespropossontnauséabondsetdignesdesdesheureslesplussombresdelhistoiredailleurstuvasencoreteprendreunprocèsdanslapoireetilyaunepromotionsurlesdescentesdelitetlespeignoirsdebainchezikeaetlelecteurferaitmieuxderetournerbosseraulieudeperdresontempsàliretoutça… !
Zemmour : mon dieu, mes oreilles, c’est insupportable !

Jusqu’au jour où un homme eut enfin la révélation…

Dr House : mais bien-sûr ! Je sais ce qui peut sauver cette femme : une greffe de cerveau, c’est sa seule chance ! Le venin de l’arachnide a modifié le métabolisme de son foie en lui faisant produire du fiel qui attaque directement ses cellules nerveuses, autrement dit ses neurones  ! Il faut faire vite sinon le poison va détruire toutes ses facultés cérébrales et la transformer en morte-vivante hagarde, ou pire, en journaliste des « Inrocks » ! Chaque seconde compte... !
Infirmière : Oh que vous êtes fort monsieur… !
Dr House : C’est pour cela que je suis docteur et toi infirmière… au fait petite, tu as déjà vu un chirurgien tout nu ?

La greffe prendra-t-elle ? Rokhaya échappera-t-elle à son funeste destin ?

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Oui bon en fait tout le monde s'en fout, alors...

jeudi 26 mai 2011

Nouvelle : “2011, une satire nauséabonde” - CHAPITRE VIII

Martin avait achevé sa journée de travail, et comme à l'accoutumée il rentrait directement chez lui, à pied. Comme il débouchait sur la grand-place de son quartier, il remarqua un attroupement qui le fit soudain sortir de ses pensées.
C’était en fait deux groupes de manifestants qui se faisaient face, criant et s’insultant. Martin s’approcha pour s’informer de l’objet de la discorde.
Il apprit par l’un des badauds que le premier groupe était en fait constitué de bénévoles d’une association qui distribuait gratuitement de la soupe aux sans-abris du voisinage. Le problème, toutefois était que l’un des ingrédients principaux de cette soupe était de la viande, ce qui choquait les militants de plusieurs partis et organisations de défense des droits de l’homme qui y voyaient une manifestation d'intolérance à l’encontre des végétariens.
C’est ainsi que quelques courageux activistes tentaient d'empêcher la distribution de cette soupe qui rappelait à beaucoup les heures les plus sombres de la diététique : Martin aperçut tout-a-coup une poignée de ces courageux résistants qui se ruèrent sur un clochard assis à même le trottoir. Ils lui arrachèrent son assiette de soupe des mains et déversèrent son contenu dans le caniveau, sous les cris indignés de l’homme qui, ingrat, ne pensa même pas à les remercier de s'être souciés de son cholestérol.
Hypnotisé par ce qu'il venait de voir, le jeune homme ne remarquait pas l'équipe de télévision qui filmait la scène d'émeute et diffusait son reportage, en direct, sur l’une des plus importantes chaînes française.
En effet, à quelques kilomètres de là, dans une haute tour de verre, le film de la soirée venait d'être projeté au public qui faisait face à l'un des présentateurs de la chaîne, le truculent Ange Fugati.
Celui-ci avait interrogé trois journalistes (travaillant respectivement pour le Canard Libéré, le Nouveau Rapporteur et Panorama), et au cours d'un débat approfondi, ceux-ci s'étaient mis d'accord pour déclarer, dans un élan de lyrisme particulièrement original, que tout cela était « terriblement nauséabond ».
Mais un incident avait soudainement éclaté...
En effet, le malheureux Ange, profitant d'une page de publicité, avait innocemment proposé à ses invites une assiette de fromage destinée à les initier aux saveurs de sa Corse natale. Nos trois courageux reporters, hélas, plus doués pour résister à la bête immonde qu'aux effluves particulières des produits du terroir, avaient dû battre en retraite vers le lieu d'aisance le plus proche, sous les yeux d'un Ange éberlué...

Ange : Et bien, ça va en surprendre plus d'un dans mon village, mais je crois que même la Corse c'est trop français pour eux! 
Technicien : Euh... qu'est-ce qu'on fait maintenant, monsieur? 
Ange : Tant pis, il faut combler... appelle le prochain invité!

L’homme en question n’était autre que Jean-Paul Tarte, le plus grand penseur à peu près vivant que comptait le pays. Ayant réussi le tour de force de révolutionner la philosophie en passant ses journées au café, il constituait véritablement un pilier, sinon de bar, du moins de la vie intellectuelle de son époque, et nul n’osait contester sa prééminence :

Jean-Paul Tarte : Respectez mon autoritéééééééééééééé !!!

Merci Popaul…. Donc le grand homme fit son entrée, tenant d'une main son déambulateur et de l'autre une étrange machine bardée de diodes multicolores.

Ange : Bonjour Jean-Paul, j'espère que vous au moins n'êtes pas réfractaire à mes fromages !
Jean-Paul : Pas du tout, j’adore le Pays Basque ! D’ailleurs tous les étés je passe mes vacances à Rimini ! (posant la machine) Ce que j’ai à vous montrer est la dernière production du centre de recherche en ingénierie de la philosophie progressiste : le nauséabondomètre ! Vous savez comme moi que notre époque croule sous les propos détestables, qui vous donnent la nausée – à ce propos, avez-vous lu mon dernier livre ? Il est génial comme il se doit - si bien que nous ne sommes plus à même de trier le bon grain de l’ivraie, et par manque de temps on peut laisser passer des déclarations scandaleuses en se focalisant sur des paroles qui n’en valent pas la peine, comme par exemple « sale blanc ». Mais avec notre nauséabondomètre plus d'inquiétude à avoir ! Branché sur toutes les chaînes de France et même sur le réseau Internet, cette machine révolutionnaire est à même de détecter immédiatement tout propos hors de propos et de vous indiquer dans la seconde le niveau d’indignation que vous devez adopter. Ainsi plus de problème pour gérer vos priorités ! Imaginez le temps gagné et, si vous êtes le président d’une association anti-raciste, le nombre de procès juteux que vous pouvez intenter grâce à ceci !
Ange : Alors justement Jean-Paul, tous les spectateurs se demandent avec moi : comment s’utilise cette magnifique machine ?
Jean-Paul : Et bien c’est très simple Ange, grâce à ceci, l'écran principal, qui indique, par une lecture aisée, le niveau d’acceptation de toute parole détectée par la machine. Vous constatez qu’il s’agit en fait d’une échelle régulièrement graduée, allant de « Cali » à « Petit moustachu caractériel avec ses ragnagnas ». Vous avez bien entendu des échelons intermédiaires comme par exemple « Heures les plus sombres de l’histoire ». L’avant-dernier palier est « Antiparlementaire grande gueule bouffeur de spaghettis ». Et cerise sur le gâteau, il fait aussi thermomètre médical (pensez tout de même à bien le laver après utilisation), réveil-matin et plat à tajine !
Ange : Tout de même Jean-Paul, pourquoi ces périphrases ridicules, alors que l’on pourrait dire par exemple « facho » ou « naz… »
Jean-Paul : Mais Ange, vous savez bien qu’il n’est pas possible d’utiliser ces termes n’importe comment sans risquer des poursuites pénales ! Il y a un copyright dessus voyons !

Effectivement, les termes « fachoTM » et « naziTM » étaient des marques déposées par la multinationale « Benito » (produits nauséabonds de qualité depuis 1922). Cette entreprise qui avait jadis conquis d’immenses parts de marché aux quatre coins du monde présentait un éventail de produits des plus divers, principalement dans le textile (sa célèbre chemise noire n'était plus à présenter, tant elle avait influencé la mode en Europe dans les années trente, avec ce fameux slogan « Uniform color of Benito »). L'ensemble de la collection était d’ailleurs disponible dans son catalogue de « La déroute » édité pour la première fois en 1945.
La société avait connu son heure de gloire quelques décennies plus tôt en faisant le pari de l’international, ouvrant de nombreuses succursales dans des pays comme l’Espagne, l’Argentine, le Chili etc… mais depuis le fascismeTM bête et borné de grand-papa n’était plus tellement tendance. Les principaux centres avaient fait faillite et la gamme peinait à se renouveler.
L’entreprise avait beaucoup souffert de son principal concurrent, le maoïsmeTM, qui pratiquait la délocalisation de masse avant l’heure en faisant fabriquer ses principaux produits par des petits chinois. Malgré leur piètre qualité ses produits séduisaient, en partie grâce aux campagnes de publicité agressives des représentants de commerce du maoïsmeTM en Occident, appelés « intellectuels » dans le jargon de la profession.
Toutefois, l’entreprise « Benito » avait mis à profit ce répit pour s’implanter au Moyen-Orient au prix d’un restylage complet de sa gamme, remise à neuf avec un coloris vert du plus bel effet. Le fascismeTM du 21eme siècle (nouvelle formule plus concentrée, fraîcheur thé à la menthe) présentait des allures plus « hype », et s’offrait même le luxe de séduire certains descendants des générations de son vieux rival, le maoïsmeTM, lui aussi déclinant, et qui avait de son côté tenté un retour en force en se revendant sous le label « altermondialismeTM ». Ainsi donc les deux anciens concurrents relookés étaient sur le point de se rapprocher afin de créer le numéro un mondial du fascismeTM prêt-à-porter. La fusion était d’autant plus aisée qu’ils n’avaient jamais au fond été très différents l’un de l’autre.
Déjà leurs produits s’arrachaient dans les banlieues chaudes d'Europe où les populations jeunes sont généralement attirées par les grandes marques.

Ange : … très intéressant Jean-Paul, et donc pour le reportage de ce soir, quel est le diagnostic de la machine?

L'immense homme copia rapidement le film de la soirée sur le disque dur de l'appareil qui se mit alors à clignoter et à vibrer. Enfin on put voir l'aiguille se déplacer et s'arrêter sur la graduation « Heures les plus foncé-clair de l'histoire ».

Jean-Paul : Voilà, nous sommes donc au niveau juste en dessous de « heures les plus sombres », pas encore assez nauséabond pour être complètement obscur, mais tout de même, on commence à se débarrasser des allogènes. Le traitement sera donc relativement simple et classique : un ou deux procès, quelques pétitions lancées par l'un ou l'autre philosophe à la mode, une déclaration bouleversée d'une quelconque comédienne engagée (c'est un très bon exercice de préparation pour les rôles de composition), et les choses devraient reprendre leur cours normal!

mercredi 25 mai 2011

lundi 23 mai 2011

De l’art moderne

Il existe au sein de nos sociétés hautement civilisées une race d’êtres extrêmement nuisibles.
Attendez… on me souffle à l’instant que pour les humains, contrairement aux autres espèces animales, il n’y a pas de races, juste des différences morphologiques (de même qu’il n’y a pas de « chats », mais « des animaux qui miaulent », ignorants que vous êtes… !), mais comme je parle d’individus qui n’ont rien de commun avec Homo Sapiens, je saute le pas allégrement et d’un cœur léger. Inutile donc de me dénoncer à la Stasi la Licra, au MRAP et autre glorieuse invention de nos temps modernes.
Je disais donc, avant d’ouvrir une énième parenthèse sans intérêt, que nous sommes menacés par des créatures d’un autre monde, peu nombreuses, mais particulièrement douées pour nous faire perdre tout sens commun et nous transformer en épaves aux cerveaux liquéfiés tels des auditeurs de Skyrock.
On les rencontre généralement au sein des milieux culturels où ils règnent en maîtres, semant ça et le mauvais goût et la niaiserie avec un entrain et une jubilation qui forcent l’admiration. On pourrait certes parler d’aristocrates de la bêtise tant la morgue avec laquelle ils toisent l’homme ordinaire qui a l’affront de ne pas les juger géniaux rappelle une certaine forme de condescendance des castes privilégiées de l’Ancien Régime, et ce ne sont probablement pas les panégyriques affligeants à leur gloire que l’on trouve dans les magazines de bobos prétentieux Télérama ou les Inrockuptibles qui les feront un jour descendre du petit monticule fangeux qui leur tient lieu de piédestal.

L’une de leurs passions est de « réinterpréter les œuvres classiques et figées pour en extraire une nouvelle forme de questionnement du spectateur » en clair, de saloper notre patrimoine artistique, au point d’en être étrangement fiers.
Je me souviens ainsi d’une représentation du « Parsifal » de Wagner il y a quelques années de cela pour laquelle le metteur en scène, issu de cette engeance délétère, avait imaginé une réalisation particulièrement délirante. On nous gratifiait ainsi du plaisir de contempler à l’acte trois un garçonnet en train d’arroser méticuleusement des plantes en plastique au moyen de lavabos trônant en plein milieu d’une forêt, et ce sans le moindre rapport avec le thème de la scène. De plus la confrérie des chevaliers du Graal siégeant au sein du domaine de Montsalvat était purement et simplement remplacée par des étudiants dans un amphithéâtre de médecine. Absolument fabuleux. Et encore je vous passe la projection d’extraits des films « 2001 : l’odyssée de l’espace » et « Allemagne : année zéro ». Le lecteur qui saura trouver le lien entre ces œuvres cinématographiques et le thème de l’opéra gagne une journée à Eurodisney avec Buren (en même temps je ne risque pas grand-chose vu le nombre d’internautes qui errent en ces lieux en recherchant surtout la sortie… ha ha ! Genre que j’ai des lecteurs !).
Quand l’un de ces êtres aussi sinistres et malfaisants qu’un cuisinier anglais ne peut exercer son « talent » sur une œuvre dramatique, il se console en « explorant » d’autres domaines artistiques, ce qui lui vaut généralement de rester en extase devant son propre travail, tel un facétieux équipage de B-17 au-dessus d’une riante et paisible ville japonaise un beau matin d’août 1945. L’anecdote ci-dessous peut ainsi donner une idée de l’anomalie que représentent ces amoureux du saccage et de la coprophagie lorsqu’ils ont la possibilité d’exposer ce qu’ils ont accompli dans un cadre prestigieux :

La scène se passe dans un célèbre musée parisien jouxtant le jardin des Tuileries et la rue de Rivoli. Un quidam (que nous nommerons « Gugusse ») erre en silence dans les multiples galeries ornées des plus beaux trésors de l’humanité alors que le soleil couchant les baigne d’une chaude lumière crépusculaire. En quittant une salle entièrement consacrée aux peintures de Rubens, son regard est soudain attiré par une scène des plus étranges ; devant lui se dressent deux jeunes gens, un homme et une femme, visiblement possédés, en pleine contemplation d’un tas de pierres informe au milieu des Rembrandt. En s’approchant, Gugusse s’aperçoit que l’objet de leur intense discussion est en réalité un amoncellement de pierres tombales anonymes parmi lesquelles gît un ver de terre géant en caoutchouc auquel on a greffé une tête humaine.

- Magnifique pièce de Raoul, n'est-ce pas?

Gugusse sursaute ; c’est le jeune homme qui lui a parlé. Ce dernier ressemble à un étudiant sous l’effet d’un stupéfiant particulièrement puissant :

- Raoul par cette sculpture cherche à rappeler que chaque artiste se nourrit de ceux qui l’ont précédé. C’est ainsi qu’il s’est représenté sous les traits d’un lombric errant dans un cimetière et se nourrissant de cadavres : chaque tombe représente un peintre, un musicien ou un écrivain bien précis qui constitue ainsi une influence majeure pour Raoul. C’est un hommage émouvant à tous ceux qui lui ont permis de devenir le maître qu’il est!
- Magnifique ! lance la guillerette jeune fille, visiteuse vraisemblablement perdue au milieu des toiles de maîtres et qui semble soulagée et ravie de découvrir soudain une œuvre à son niveau.

 

Gugusse recule, quelque peu interloqué. Il se souvient qu’effectivement dans le hall du vénérable bâtiment il a aperçu une affiche à propos d’une exposition temporaire des œuvres d’un certain Raoul au sein même du musée, afin de « permettre le dialogue des œuvres d’art au travers des siècles ». Alors qu’il est sur le point de demander à son guide improvisé si le sculpteur a justement utilisé des matériaux recyclés, son œil est attiré par un écran géant sur lequel est diffusée une scène étrange : dans une cage de verre un homme vêtu d’un plastron d’armure médiévale en plastique agite des morceaux de viande éparpillés sur le sol. L’étonnement de Gugusse n’échappe pas à l’étudiant qui poursuit, sérieux comme un pape devant un arrivage tout frais d’enfants de chœur premier choix : 

- Vous voyez là une vidéo où Raoul s’est filmé lui-même. Une interprétation possible est que le grand homme a voulu interroger notre rapport à la vie et à la mort, deux thèmes symbolisés par la dualité de la viande. En jouant avec, Raoul fait mine de faire voler en éclats cette cage qui nous étouffe tous et représente notre peur face à notre impossibilité de comprendre et dépasser ces phénomènes qui font de nous des hommes prisonniers de leurs angoisses existentielles. 
- Magnifique ! rétorque de nouveau la jeune fille au bord de l’extase pour qui la découverte des œuvres de Raoul représente visiblement une alternative intéressante à l’élevage intensif de canards en plastique. 

Le petit groupe poursuit ainsi sa visite au milieu des œuvres diverses que l’admirateur zélé de Raoul s’empresse de commenter avec la passion de DSK pour tout ce qui étrenne une robe et un aspirateur passion. Gugusse remarque bientôt une plaque de béton nue, une sorte de piédestal posé au milieu d’un grand escalier de marbre.

- Il s’agit d’une des productions maîtresses et révolutionnaires de Raoul, déclare son encombrant compagnon, anticipant la question de l’ingénu. Ce socle, apparemment vide, contient en fait toutes les œuvres du monde. Raoul a eu l’idée de faire voler en éclat notre conception traditionnelle de la sculpture où un artiste dévoile le fruit figé de son travail à un public. Dans notre cas Raoul, par cette provocation sublime, rappelle à chacun d’entre nous que nous ne sommes pas uniquement des spectateurs, mais également des acteurs, et force notre imagination à remplir cet espace vide. Il s’agit d’un concept très original qui permet à chacun de combler ce manque par ses idées et fantasmes forcément différents d’un être à l’autre, d’où le caractère unique de ce projet, éternellement réinventé… 

Gugusse reste un instant coi tant sa surprise est forte.

- Et… et il a réussi à obtenir d’un musée connu dans le monde entier d’être ainsi exposé ? 
- Oh la gloire de Raoul ne s’arrête pas là, savez-vous qu’il est question de débaptiser un lieu de Paris, qui porte d’ailleurs actuellement le nom d’un autre sculpteur, pour lui donner celui de Raoul ? 
- Ah bon… et lequel ? 
- Pigalle, pourquoi ? 
- Magnifique ! lança entre deux gémissements la jeune fille avant de s’écrouler sur le parquet, secouée de spasmes et hoquetant de plaisir.

 
Amis dragueurs et autres amateurs de galipettes, sachez-le : les artistes modernes emballent secs. Voyez Christo…

vendredi 20 mai 2011

Un jour à la Poste de Combray

Employée : Oui monsieur, c'est pour quoi?
Usager de la Poste : Je viens pour me saisir, dans les dernières vapeurs du soir, quand la lumière rasante diffuse son aura de douce clarté que Swann retrouvait souvent dans certains recoins des peintures de Vermeer, en particulier dans les nappes calmes et diffuses de la langoureuse vue de Delft, vernie, polie comme un saphir l'est par les caresses du temps séculaire, songeant à toute cette polyphonie des sens qui se manifeste dans les plus grands chefs-d’œuvre de Wagner, à commencer par cette étrange et onirique pièce de musique, si mystérieuse et si spirituelle, qui constitue le prélude de Lohengrin, quand l'esprit du Graal se répand comme la dite lumière et embrase l'horizon de sa pâleur bleutée, lointaine, éphémère et éternelle à la fois, cette résurgence mystique des temps médiévaux remplis du tumulte des chevaliers en arme, d'un paquet que je dois récupérer séance tenante, et dont voici le récépissé.
Employée : Euh, je suis désolée monsieur, mais la file vient de s'allonger derrière vous, je vais devoir servir les autres clients sans plus attendre!

L'homme qui inventa coup sur coup les queues interminables aux guichets et le temps perdu

mardi 17 mai 2011

Nouvelle : “2011, une satire nauséabonde” - CHAPITRE VII

Un appel résonna dans les haut-parleurs du bâtiment au moment même où Martin finissait la dernière bouchée de son sandwich :

Haut-parleur : A tout le personnel de l'établissement, à tout le personnel de l'établissement, la minute d'éducation citoyenne va commencer, je répète, la minute d'éducation citoyenne va commencer ! Veuillez tous vous rendre en salle D2 !

La minute d'éducation citoyenne, qui avait lieu cinq fois par jour dans toutes les administrations, était destinée à aider les employés à combattre leurs préjugés nauséabonds. Elle consistait en une série de phrases que les salariés, serrés en rang, devaient répéter inlassablement.
Quand Martin arriva dans la salle, presque tous ses collègues étaient déjà là, les uns à côté des autres, tous tournés dans la même direction, celle de l'écran de contrôle qui affichait les phrases à répéter tandis qu’elles résonnaient dans le haut-parleur. C’était comme une séance de karaoké en groupe, mais avec toujours le même morceau lassant.

Haut-parleur : L’immigration est une chance pour la France !
Employés : L’immigration est une chance pour la France !

Haut-parleur : Il n’y a pas de délinquance, il n’y a qu’un sentiment d'insécurité !
Employés : Il n’y a pas de délinquance, il n’y a qu’un sentiment d'insécurité !

Haut-parleur : Les seules causes de la délinquance sont le racisme et la misère !
Employés : Les seules causes de la délinquance sont le racisme et la misère !

Haut-parleur : Les racines de l’Europe sont autant chrétiennes que musulmanes !
Employés : Les racines de l’Europe sont autant chrétiennes que musulmanes !

Haut-parleur : L’Islam est en France depuis trois mille ans !
Employés : L’Islam est en France depuis trois mille ans !

Haut-parleur : Euh... le propriétaire de la voiture bleue immatriculée en Irak avec des bâtons de dynamite sur la banquette arrière est prié de déplacer son véhicule de devant l'entrée principale et d'utiliser le parking « Service après vente & Réclamations » prévu à cet effet, merci!
Employés : Le propriétaire de la voiture bleue immatriculée en Irak avec des bâtons de dynamite sur la banquette arrière est prié de déplacer son véhicule de devant l'entrée principale et d'utiliser le parking « Service après vente & Réclamations » prévu à cet effet, merci!

Une fois la cérémonie achevée, un film était projeté sur l'écran représentant des images en noir et blanc des années trente. On pouvait y voir des portraits d’Hitler et de Mussolini et le personnel était sommé d’exprimer sa rage et hurler. C’était à celui qui poussait les plus hauts cris d’orfraie, et à cet exercice épuisant les plus jeunes, pour la plupart d’entre eux des lycéens stagiaires et des étudiants embauchés pour l’été, étaient les plus talentueux.
On faisait bien comprendre aux hommes et aux femmes rassemblés que quiconque émettait le moindre doute quant au bien-fondé des paroles récitées dans le haut-parleur était parfaitement assimilable aux personnages affichés sur l'écran. Ceux qui hurlaient le plus fort avaient l’espoir de se faire remarquer des chefs car ils savaient que c’était la voie d’ascension la plus rapide dans l’administration.
Martin, lui, n’avait jamais vraiment réussi à se faire remarquer par ses cris d’indignation. Il se contentait d’exprimer sa rage distraitement, attendant patiemment l’heure de la pause (lors de laquelle la seule boisson autorisée était le café au lait).

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Quelques jours plus tard, dans la classe de CM1 mentionnée au chapitre précédant :

Instituteur : Aujourd’hui les enfants nous allons parler de mythologie grecque. Voila un sujet passionnant, n’est-ce-pas Monsieur Toc ?
Cortex : Hé j'étudie pas ça, moi c’est pas hallal !
Instituteur : Cortex, quand j’aurai besoin d’un neuneu pour animer le spectacle de fin d'année je te sonnerai, mais pour l’instant tu la boucles, ok ?
Stan : Hé ! Je pensais pas qu’un jour on regretterait Cartman !
Kyle : Ouais, je pensais pas qu’il existait pire !
Instituteur : Alors concrètement les enfants les anciens grecs étaient des gens qui aimaient bien se balader en jupette en se tenant par la main, et ils avaient des dieux qui passaient leur temps à se foutre sur la gueule vu qu’à l'époque la télévision et les boîtes de nuit n’existaient pas et qu’on s’em « BIP » grave !
Cortex : Mais fils de « BIP » j’veux pas entendre ça, c’est offensant pour ma religion ! Et puis c'étaient des « BIP » de pédés !
Instituteur : Cortex, à part ta religion y a-t-il un sujet que tu ne trouves pas offensant ???
Cortex : Bah… euh
Instituteur : Alors Cortex si tu continues à ne jamais écouter parce que tu trouves ça offensant ou contraire aux préceptes de ta religion je te jure que tu finiras comme un demeuré de première aussi inculte qu’un chanteur de rap avec trente mots de vocabulaire !!!
Kyle : Et encore, si Cortex arrive à connaitre trente mots de vocabulaire c’est déjà un exploit !
Cortex : Hé toi, le « BIP » de « BIP » de juif, j’te prends, j’te « BIP » !
Instituteur : Cortex ! Combien de fois t’ai-je dit de ne pas traiter ton petit camarade de juif ?
Kyle : Hé mais je suis juif !
Instituteur : Ah ? Bon désolé Cortex je n’ai rien dit !
Kyle : HEEEE !!!!
Instituteur : Bon les enfants je reprends. Le plus important des dieux grecs s’appelait Zeus. Outre le fait qu’il était immortel il avait aussi comme avantage sur les mortels de ne pas avoir de belle-mère, vu que sa femme était sa sœur et qu’il était de ce fait le gendre de sa mère, vous suivez ?
Élèves : Non !
Cortex : Ouais, fastoche !
Instituteur : Cortex, tu… tu as réussi à comprendre quelque chose que les autres n’ont pas saisi ?
Cortex : Ben ouais, c’que t’as dit c’est comme au bled, j’vois pas c’qui est compliqué !
Instituteur : Je me disais aussi… alors donc les enfants je disais que Zeus était immortel et qu’il n’avait pas de vraie belle-mère, mais revers de la médaille il avait une femme très chiante, comme quoi même les dieux n’ont pas toujours du bol !
Cortex : C’est pass’que c’était une « BIP » sérieux ! Les meufs tu les « BIP » et tu les « BIP » dans leur « BIP » et elles ferment leurs « BIP » de « BIP »
Stan : Hé Kenny, ça veut dire quoi « BIP » et « BIP » ?
Kenny : MMmmmMMMmmMMMM !
Instituteur : Kenny si tu veux t’exprimer tu te lèves et tu viens le dire devant toute la classe que tout le monde en profite !
Kenny (se levant et se mettant à la place du professeur) : MmmmmmMmmmmm !
Instituteur : Mon dieu, Kenny il ne faut pas dire des choses pareilles !
Monsieur Esclave : Pourquoi, d’habitude ça vous plait Monsieur Garrison !
Instituteur : Monsieur Esclave ! Ce n’est pas encore le moment de la séance de travaux pratiques de culture et civilisation de la Grèce antique, alors pourquoi intervenez-vous ??
Cortex : Il connaît rien le petit « BIP » là  ! Regarde, « BIP » et « BIP » ça veut dire ça…

Cortex se lève alors, se saisit de Kenny, se met en position et… c’est le drame !

Monsieur Esclave : Oh seigneur Dieu !
Stan : Oh mon dieu, il a encore tué Kenny !
Kyle : Espèce d'enfoiré !
Instituteur : Cortex ! Tu n’as aucun respect pour les femmes de ménage ! je te signale que ce sont elles qui vont devoir nettoyer tes saletés !
Cortex : Bah euh, j’ai pas fait exprès, c’est lui qu’est pas assez solide, c’est tout !
Kyle : Moi j’ai appris un truc aujourd’hui ! Cartman n’était pas si insupportable que ça ! D’accord il était con, intolérant, agressif, manipulateur, raciste et branleur, mais au moins ce n’était pas un « BIP » de rapeur !
Stan : Oui, si ce gros con de Cartman était à la place de Cortex, Kenny ne serait pas mort… enfin pas cette fois !

dimanche 15 mai 2011

Femmes fatales


Danse dans mon esprit, ma tragique beauté,
Salomé puisses-tu envelopper mon âme,
Tu es, après l’hiver, la vague d’un été
Qui souffle ses ardeurs comme un rire de femme.

Que tes hanches drapées de lumière et de chair
Caressent mon désir de leur grâce troublée ;
Comme un trois-mâts bercé sur le manteau des mers
Il vogue au rythme lent de ta valse lassée.

De ta jambe gracile un parfum tendre et fort
Pénètre les cerveaux tel un vin qui enivre
Et leur verse l’espoir dans un baiser de mort ;

Les rois délaisseront tout ce qui les fait vivre
Sur tes seins nonchalants qui sont, comme les pleurs,
Des tombeaux pour l’amour et ses pâles douleurs.


 


Nuit et Aube enlacés dans un amour voilé,
Baisers de feu lointains qu'enlace le silence,
Et la brume de mer aux parfums étoilés
Entrouvrent leur sillage au navire qui danse.

Passe comme un fantôme au berceau de l'été,
Sirène langoureuse à la vague indolente;
Mon âme a retrouvé ton rire et ta beauté,
Le cristal éthéré de ta voix lancinante.

Dans ta robe océan et ton lit de corail,
Plus belle qu'Ophélie sur son fleuve de roses,
Tu gis comme la blonde et triste Lorelei

Qu'un ténébreux rayon de lumière ocre et rose
Recouvre d'un soupir caressant et serein
Avant de s'endormir à l'ombre de ses reins.

vendredi 13 mai 2011

Souvenirs, souvenirs

 
10 mai 2011 – séance cinéma au siège du Parti Socialiste.
A l’affiche : 
  • La nuit des morts-vivants (1981) 
  • Le retour des morts-vivants (1988)
  • Les morts-vivants III : Résurrection (1997)
NB : « Les morts-vivants IV : Résignation » (2002) n’était pas programmé.

Le premier film de zombis français qui terrifia l’Amérique

De l’inconvénient de la réincarnation

Il m’arrive parfois d’être victime de certaines angoisses existentielles (si si !).

La vie éternelle n’est-elle pas en fin de compte plus insupportable que l’idée de mort définitive ? Si le paradis existe et est tel qu’on nous le décrit avec sa porte dorée et ses petits nuages, n’éprouverait-on pas à la longue une sorte de lassitude à arpenter les mêmes lieux et à croiser les mêmes personnes (et surtout sans jamais exprimer la moindre pensée lubrique … évitez d’ailleurs de vous faire enterrer avec vos DVD de spectacles de Jean-Marie Bigard, ce n’est pas ainsi que vous vous ferez des amis dans l’au-delà)?

Et si en définitive nous sommes condamnés aux grills chauffés à blanc et aux diablotins, sommes-nous sûrs que l’ennui ne nous guettera pas non plus à force d’endurer les mêmes tortures ? Pouvons-nous au moins espérer un renouvellement des pratiques inhumaines destiné à apporter un peu de gaîté dans cette vie de souffrances ? Verrons-nous ainsi se constituer dans l’antre luciférienne une centrale syndicale CGT (Confédération Générale des Trépassés) exigeant par exemple que, le vendredi, le barbant et routinier bûcher soit remplacé par un riant écorchement à vif, une joyeuse pendaison par les boyaux, un désopilant éventrement par lame rouillée ou une rediffusion de l’intégrale des sketchs des « Robin des bois » (encore que je ne suis pas certain que l’on y gagne dans ce dernier cas) ? Cela mettrait du baume aux cœurs meurtris - car relativement morts - des damnés en attendant les supplices de la fin de semaine (consistant généralement en une traque à l’homme par des bêtes féroces suivie d’une sympathique crucifixion en bonne et due forme, le fameux « chassé-croisé » du week-end).
Mais je doute que de telles revendications puissent aboutir, d’une part parce que Satan n’est pas connu pour sa sensibilité syndicale (on le voit assez peu à la fête de l’Huma… on le comprend, les merguez grillées partout ça doit lui rappeler le boulot), mais aussi parce que l’enfer n’a pas officiellement le statut de sévisse service public avec monopole d’État. Du coup les possibilités de faire chier le monde par ses caprices faire pression sur le vil exploiteur ont moins de chance d’aboutir.
Et oui, ce taquin de Satan est gérant de boite privée, privilégie ses actionnaires, roule en voiture de sport, fréquente les carrés VIP des discothèques branchées, nomme son rejeton à la tête de l'EPAD et urine consciencieusement sur les revendications du petit personnel. Salaud !

Mais le pire est peut-être l’idée même de réincarnation, c’est-a-dire selon certaines cultures la transmission de l’âme vers un autre corps, le plus souvent animal. Ainsi, il serait possible que jamais nous ne puissions quitter cette terre imparfaite pour un endroit meilleur, ou du moins préservé de la bêtise navrante des hommes et des émissions de TF1.
Imaginons un instant un quidam quelconque, au hasard un obscur aquarelliste autrichien, méchu autant que moustachu, ayant exercé par pure étourderie quelques responsabilités politiques au sein de l’Europe de la première moitié du vingtième siècle, et que nous appellerons, je ne sais pas moi, Alfonse.
Alfonse n’a pas le moral, car il sait que, bizarrement, le monde ne l’aime pas. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé de le changer en mieux, mais ses idées politiques valant ses goûts picturaux, il se trouve que tout ce qu’il a entrepris s’est mué en catastrophe. De plus il est sur le point de perdre la finale du championnat mondial de « Risk » sur plateau géant, et comble de malheur, tous moquent son sens de l’esthétisme capillaire. Fichu destin !
Alfonse sent confusément que ce monde ne le comprend pas, ne le mérite pas. Un jour, peut-être, ses tableaux empreints d’un doux charme poétique comme « Panzer au klair de lune » ou « Goering à sa toilette » seront considérés à leur juste valeur, et son influence reconnue, mais pour le moment il n’est que vague à l’âme.
Il hait ce qui n’est pour lui qu’une vallée de larmes, il ne peut plus la supporter, il le sait. Il veut quitter cet univers ignoble, définitivement.
Il lorgne de plus en plus vers son Mauser favori (le cadeau de sa grand-mère pour sa première communion), son seul ami désormais, et presse lentement le canon de l’arme contre sa tempe, bien décidé à en finir lui-même, tel un auguste Néron injustement rejeté.
Déjà il se voit délivré de tout, heureux, drapé d’une simple toge et flottant dans l’azur éthéré en jouant délicatement du Wagner sur sa harpe ciselée. Déjà il prépare son cercueil dans lequel son corps passera l’éternité en un lieu secret. Ses DVD favoris de Bigard y sont soigneusement rangés dans un coin.
Et puis subitement un doute l’assaille… et si tout cela n’était que mensonges, si en fin de compte il revenait sous une autre forme, pour ne plus jamais quitter ce monde honni…
Alfonse tremble, il hésite… il sait que, malchanceux comme il est, il ne peut que se retrouver dans le corps d’un être méprisable et ridicule, comme un morpion, un ténia ou un admirateur de Diam’s.
Mais il est trop tard, le coup part…


Ach ! Che suis refenu… !

Californie, 1946

Le docteur Stevens achève sa journée dans le cabinet de sa petite clinique vétérinaire de Los Angeles. Dans quelques minutes il sera débarrassé de cette pétasse cliente un peu irritante et de son insupportable caniche nain qui aboie sans arrêt après tout ce qui passe à sa portée. Il a beau aimer les bêtes, il ne comprend décidément pas que l'on puisse s'enticher de telles erreurs de la nature.
« Votre best … euh … chien souffre d’hémorroïdes, mademoiselle. Ce n’est rien mais par précaution je vais lui prescrire des suppositoires »
Ce faisant il ouvre un tiroir et en sort une plaquette argentée.
« A administrer trois fois par jour, matin, midi et soir, dès maintenant »
En extirpant l’un des médicaments fuselés et luisants de son emballage il a un geste de recul ; il jurerait que le petit objet gras et poisseux a bougé dans sa main gantée, comme si, mû par la panique et animé d’un mouvement de volonté propre, il se débattait désespérément contre son sort, il est vrai peu enviable.
Le docteur examine la boîte qu’il vient d’ouvrir « Alfonsene 500, made in Berlin, Germany » lit-il simplement.
« Bah, ce doit être le surmenage… » laissa-t-il échapper en agrippant fermement le hideux animal.


lundi 9 mai 2011

Nouvelle : "2011, une satire nauséabonde" - CHAPITRE VI

La pauvre ( !?) Houria n’était pas la seule à connaitre certaines difficultés. En effet dans une classe de CM1 d’une petite école primaire de la région :

Instituteur : Bonjour les enfants, aujourd’hui j’ai deux nouvelles ! Une mauvaise et une bonne ! Pour commencer Cartman va nous quitter provisoirement !
Élèves : OUAIS !!!!!!!!!!!!!!!!!!
Instituteur : Un peu de silence s’il vous plait ! Oui Kyle ?
Kyle : Et c’est quoi la mauvaise nouvelle, monsieur Garrison ?
Instituteur : Euh en fait Kyle c’était censé être la mauvaise, mais en y réfléchissant tu as peut-être raison, et la bonne, enfin censée être bonne, c’est que nous recevons un autre élève à sa place, dans le cadre d’un échange entre établissements scolaires !
Stan : Ben c’est sympa ça ! De toutes façons il ne peut pas être pire que Cartman!
Instituteur : Oui mais … euh … comment dire… cet élève là est un peu particulier. Il vient bien d’une école primaire mais il a … euh … vingt-neuf ans !
Élèves : Hein !!!!
Nouveau : Salut les « BIP » ! C’est Cortex Essonne 91 Pyramides cousins !
Stan : Mais … c’est un gorille !!!
Instituteur : Oui les enfants ! Le rectorat a décidé de nous envoyer durant quelques mois un élève présentant quelques … difficultés ! Nous accueillons donc Cortex, et je vous demande d'être très très gentils avec lui les enfants, car il a vécu une histoire tragique! N’est-ce-pas Monsieur Toc ?

Et Monsieur Garrison raconta l’histoire tragique de Cortex aux enfants…
Il était une fois un méchant savant fou, blanc, tortionnaire, ancien nazi (et sans doute aussi favorable à l’augmentation de l’age de la retraite) qui capturait des individus issus de la diversité pour mener dans son laboratoire clandestin des expériences épouvantables sur eux. Il avait en effet pour ignoble habitude de priver ses sujets d’un organe bien précis pour étudier leurs conditions de survie. Comble de l’horreur et de la perfidie, cet homme les appelait et les étiquetait par le nom du membre qu’il leur avait ôté, les déshumanisant un peu plus. C’est ainsi que la police avait retrouvé sur les lieux des malheureux comme « Orteil », « Duodénum », ou « Nez » (ce dernier avait réussi à mettre discrètement les enquêteurs au parfum de ce qui se tramait, permettant dès lors l’intervention des forces de l’ordre).
Il y avait parmi les malheureuses victimes du scientifique un certain « Cortex », ainsi que plusieurs des membres de sa famille (surtout des cousins en fait), et l'infâme amputation qu’il avait subie avait justifié son internement dans un établissement spécialisé afin de lui fournir les soins appropriés. Il avait là-bas fait la connaissance d’autres patients lourdement handicapés comme Florian Zeller ou Guy Bedos, et il avait pu sympathiser avec certains d’entre eux.
Malgré ses difficultés bien compréhensibles, ses progrès grâce aux traitements étaient indéniables, et les médecins chargés de le suivre avaient l’espoir que le petit Cortex parviendrait un jour à formuler des phrases correctes, sans grossièretés, avant ses quatre-vingt printemps
Il avait également eu l'opportunité de monter un groupe de rap avec deux de ses anciens compagnons de misère qu’il avait retrouvés par hasard, « Colon » et « Bijoux de famille », leurs handicaps respectifs constituant paradoxalement autant d’atouts précieux dans cette pittoresque forme d’expression.

Instituteur : Voilà les enfants, vous savez tout, et vous comprenez maintenant pourquoi il faut être gentil et patient avec lui !
Stan : La vache, c’est pas un cadeau ! On aurait peut-être dû garder Cartman finalement !
Instituteur : Sans doute Stan, mais dis-toi pour te consoler que Cartman n’est pas à la fête lui non plus ! (avec un grand sourire) N’est-ce-pas Monsieur Toc ?

En effet dans la cour de récréation d’un établissement scolaire « spécialisé » :

Cartman : Mais bordel ! Pourquoi on m’a mis ici !!! J’suis un mec normal ! J’suis ni black ni juif !
Guy Bedos : Hé, Éric, tu veux être mon ami ? Regarde, j’ai un ballon !
Florent Pagny : Tu viens chanter Éric ? J’ai écrit une nouvelle chanson !
Jamel Debbouze : Non, viens écouter mon nouveau sketch, Éric !
Cartman : quelle merde… !

Mais laissons Cartman tout à la joie de se faire de nouveaux camarades et revenons sans plus attendre à notre cher Cortex :

Instituteur : Bon… euh… Cortex, tu vas t’assoir a la place d'Éric, là, à coté de Kenny
Kenny : Mmm !!!
Kyle : Ouais, un mec à capuche ça va pas le dépayser !
Cortex (à Kenny) : Hé toi, fils de « BIP », pourkoi tu m’regardes comme ça, t’es raciste ? Va t’faire « BIP » !
Kenny : MmmmmMMMMmmmMMMMmmMMMMMMmmmm !!!
Cortex : Mais arrête de stresser pauvre « BIP », j’te f’rai rien ! (sortant un revolver de son sac) Tu vois, ça cousin, c’est mon gun, et j’ai pas d’autre arme, j’le mets là, bien en vue, pour que tu vois qu’j’y touche pas, t’es rassuré maintn’ant, sale « BIP » ?
Kenny (tout blanc) : …
Cortex : Hé il est space vot’pote, bande de « BIP » !
Instituteur : Cortex, veux-tu ranger ton pistolet à eau tout de suite ? Ce n’est pas encore la récréation !
Cortex : Hé tu m’parles pas comm’ça cousin ! Tu m’donnes pas des ordres ! Et c’est un vrai gun, j’peux tuer avec ça, alors vous m’respectez tous bande de « BIP » ou j’vous « BIP » !
Stan : Je me demande comment c’est quand il ne veut pas être rassurant…
Instituteur : Cortex, range-cela tout de suite, ou tu risques de blesser quelqu’un ! je te préviens si cela arrive, tu sera collé !
Cortex : Mais calmos, sale « BIP » ! J’assure avec ça, y a pas de blème ! J’sais comment l’manier, les guns ça me connaît ! R’garde !

Bruit de détonation

Cortex : Il était chargé ??
Stan : Oh mon dieu il a tué Kenny !
Kyle : Espèce d'enfoiré !
Instituteur : Cortex ! C’est ton premier jour de classe et tu as déjà tué un de mes élèves ! Félicitations, ça aurait pu tomber sur moi ! Tu tiens à te retrouver au piquet ?
Cortex : Mais vazy, sale « BIP » ! C’est la faute à la société !
Instituteur : Ouais, ouais , ouais !Et qui c’est qui va encore avoir des problèmes avec ses parents, hein ? Ils viennent sans cesse m’enquiquiner pour un oui ou pour un non ! Tu crois que ça m’amuse ?
Cortex : Hé c’est bon, pauv’ « BIP », j’l’ai pas tué tant que ça, il bouge encore !
Instituteur (soupirant) : Ce sont ses nerfs Cortex !

Il existe hélas des handicaps sévères que l'on ne pourra jamais traiter correctement