mercredi 4 mai 2011

Nouvelle : "2011, une satire nauséabonde" - INTRODUCTION


« They had to choose between war and dishonor.
They chose dishonor. They will have war »
Churchill

Martin Dupont rentrait chez lui, on était au mois de novembre et il se hâtait de retrouver la chaleur toute relative de son minuscule appartement. En pénétrant dans le hall dégradé de son immeuble il ne jeta qu’un coup d’œil furtif à l’affiche qui trônait là, immense, au-dessus des boites au lettres dévastées. On y voyait un homme assez jeune au teint basané, l’air fier et déterminé, et au-dessous ces simples mots : « The MRAP is watching you ».
Martin contempla la ville immense et sale de la fenêtre de son logement. On pouvait voir, au loin, les quatre gigantesques pyramides, chacune dévolue à un ministère particulier. Il y avait celui de l’antiracisme, celui de la laïcité, celui de la liberté d’expression, et celui de l’éducation. Martin travaillait au ministère de la liberté d’expression, et il y était chargé de traquer toutes les manifestations d’idées qui exprimaient une pensée non conforme à la doctrine officielle vantant les mérites du multiculturalisme. A vrai dire son travail se cantonnait uniquement aux recherches sur Internet, les livres et magazines que l’on trouvait dans les kiosques ou chez les buralistes s’étant depuis longtemps déjà conformés à la pensée dominante, en particulier les journaux d’opinion. Il était donc inutile de les surveiller.
Le jeune homme avait un unique ami travaillant au ministère de l’éducation. Il était chargé de superviser l’écriture du dictionnaire de la novlangue, ainsi que des manuels d’histoire pour les collèges et les lycées. L’équipe chargée de la rédaction de la toute dernière version du dictionnaire avait déjà purgé de l’ouvrage les mots « race », remplacé par « ethnie », et « identité ». Il lui avait également été demandé d’inventer des synonymes à « immigration », « diversité », et « noir » en faisant en sorte que ces néologismes plaisent à l’oreille et soient chargés d’une connotation positive.
Le travail sur les manuels d’histoire de France était du même ordre. Il s’agissait d’effacer progressivement toute mention à une souche originelle et mythique du peuple français, que ce soit par ses monuments, ses chefs d’état ou ses écrivains, et d’insister sur l’apport positif des immigrés au cours de son histoire récente. C’est ainsi que Napoléon et Louis XIV disparaissaient progressivement des programmes, remplacés par des chapitres entiers sur les cultures d’Afrique subsaharienne. Les gaulois avaient été purement et simplement éliminés (ce qui se refletait sur les resultats de vente en chute libre de la bande-dessinee « Asterix », que de moins en moins de lecteurs comprenaient). Quant au Moyen Age, si on hésitait encore à faire figurer la bataille de Poitiers, ou à l’évoquer sous un angle négatif, il était clair que toute la civilisation européenne était présentée comme attardée et rétrograde en regard de la culture arabe. Les croisades y étaient analysées, montrant comment les cruels chrétiens avaient massacré les paisibles musulmans tolérants, mais le sujet qui prenait le plus de place dans les livres scolaires était sans doute celui de la colonisation, pour lequel les documents et photographies abondaient afin que l’étudiant put concevoir a quel point cette entreprise fomentée par l’Occident avait été atroce et sans équivalent aucun dans l’histoire.
Le chapitre sur l’esclavage était en cours de finalisation, et afin de ne pas saturer la mémoire des élèves avec un trop plein d’information il n’avait été décidé d’aborder que le commerce triangulaire, la traite interafricaine ou par les arabes ayant été jugée trop peu digne d’intérêt. D’ailleurs on ne disposait que de peu d’informations sur ce sujet, les universitaires assermentés n’étudiant plus, et depuis longtemps, cette partie de l’Histoire.
Pour les mêmes motifs on évoquait les croisades sans traiter des guerres de conquête musulmanes des septième et huitième siècles, et le chapitre sur l’invasion de l’Algérie par la France ne mentionnait aucunement le problème des pirates barbaresques en Méditerranée.
Tout le monde se félicitait d’un programme qui parvenait à se montrer a la fois concis et complet.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire