mercredi 30 novembre 2011

Mise au point



 - M'sieur Hollande, alors comme ça c'est vrai, le PS va laisser tomber la rose pour adopter l'orange comme emblème ?
- Euh... comment le savez-vous ?
- Ben... c'est écrit derrière vous !
- Ah oui euh... bon je ne peux plus le taire plus longtemps, c'est vrai, c'est officiel, l'orange est le nouveau symbole du PS !
- Mais pourquoi l'orange ?
- Ecoutez, la rose ça faisait un peu tape... euh... je veux dire vieux jeu, donc on a cogité pour renouveler un peu l'image du parti, en cherchant à mettre en lumière notre identité propre, et on a longtemps opté pour le pissenlit !
- Le... le pissenlit ???
- Oui, mais manque de chance, l'UMP l'avait déjà choisi comme emblème
- Ah bon ? Où ça, je n'en ai pas vu... vous ne confondez pas avec le parti Europe-Alcoolemie-Les Verres plutôt ?
- Mais si, voyez la tronche que tire Sarkozy sur toutes ses affiches... bon je vous l'accorde, ça marche également avec Efa... pardon, Eva Joly... (et même Arthaud, Poutou et Le Pen quand y pense... mais!? Tout le monde nous a piqué le concept en fait!!!)
- Ah oui en effet, maintenant que vous le dites... mais pourquoi l'orange ?
- Pour deux très bonnes raisons, l'une culturelle, l'autre plus populaire. Vous connaissez sans doute la célèbre phrase « On presse l'orange et on jette l’écorce » attribuée à Frederic II de Prusse en parlant de Voltaire, et bien nous trouvions au PS que cela résumait fort bien la position des socialistes vis-à-vis des contribuables français...
- Ah...
- Mais la véritable raison est plutôt celle-ci : vous savez que longtemps on a promis aux enfants monts et merveilles pour les faire tenir tranquilles jusqu'à Noël, alors qu'au jour dit ils s'apercevaient qu'on les avait méchamment entu... euh... trompés avec une pauvre orange pour tout cadeau... ?
- Oui, et... ?
- Et bien comment pensez-vous que le PS fera pour être élu, et surtout que pensez-vous qu'il fera, une fois au pouvoir... ?


Solidarité


- Monseigneur ce… c’est affreux !

Je levai les yeux de mon écran d’ordinateur, où je passais en revue la dernière collection printemps-été de monokinis présentée par Jessica Alba (je cherchais désespérément une idée de cadeau de Noël destiné à sœur Angélique), pour voir débouler dans mon bureau de l’évêché la silhouette massive et voûtée du Père Klus de Sertitude.

- Tiens Père Klus, quel euh… bon vent vous amène, fis-je en tentant de dissimuler ma grimace
- Monseigneur, dit-il en reprenant péniblement son souffle, les… les fidèles musulmans de la commune, ce n’est plus possible, il faut faire quelque chose !
- Quoi les fidèles musulmans, que se passe-t-il ?
- Monseigneur, ils n’ont pas le chauffage dans la salle de prière qui leur a été octroyée par la mairie !
- Et alors ?
- Alors nous ne pouvons pas rester ainsi les bras croisés tandis que nos prochains sont dans le besoin ! L’hiver arrive !
- Et que proposez-vous donc ?
- C’est déjà fait, je leur ai donné les radiateurs électriques que nous avons à la petite chapelle du village. Bon, nos paroissiens auront un peu froid durant les offices, mais c’est pour une bonne action
- Mmmmm… , fis-je simplement en tirant sur mon cigare qui continuait de se consumer dans ma main.
- Mais il y a plus grave en fait, Monseigneur, savez-vous qu’ils n’ont pas les moyens d’achever la construction de la mosquée-cathédrale qu’ils avaient prévu d’inaugurer l’an prochain ?
- Ah… c’est ballot. L’Arabie Saoudite serait donc elle aussi touchée par la crise ?
- En conséquence de quoi, Monseigneur, j’ai décidé, avec votre consentement, d’organiser une quête auprès de nos paroissiens pour aider à réunir les fonds nécessaires. On ne peut pas les laisser sans lieu de culte décent !
- Mmmmmm
- Sinon en attendant, comme les fidèles musulmans sont trop nombreux pour la salle de prière en question, j’ai eu l’idée de prêter notre église pour que le surplus vienne y prier. Ils se sont d’ailleurs montrés ravis de cette initiative. Bien sûr ils ont exigé que tous les symboles chrétiens, comme les croix, disparaissent, mais au fond cela est bien compréhensible, il ne faut pas qu’ils se sentent offensés les pauvres…
- Mmmmmmm
- Oui, Monseigneur, je voulais vous voir pour obtenir votre accord et aussi parce que je crois fermement que, sauf votre respect, le clergé doit donner l’exemple de la tolérance et de l’ouverture à l’autre, à commencer par sa sainteté Benoît…
- Benoît ?
- Oui, le Pape !
- Tiens ce n’est plus Jean Paul ?
- Euh non… Jean Paul II nous a quittés il y a bientôt sept ans de cela…
- Ah, parce qu’il y en a eu un deuxième… ???

Il va vraiment falloir que je mette sérieusement mes papiers à jour… me dis-je en jetant un œil résigné sur l’immense pile de courriers non encore ouverts, dans un coin de la pièce, et que recouvraient un certain nombre de toiles d’araignée.

- Oui… euh… bref, reprit le Père Klus de Sertitude, donc au sujet des musulmans de la commune, je crois pouvoir les aider efficacement. Par contre nous avons un autre problème.
- Ah, et lequel cette fois, répondis-je en étouffant un bâillement.
- Les réfugiés africains du canton, il faut savoir que plusieurs d’entre eux sont polygames, comme ce sympathique Mamadou avec lequel je discutais l’autre jour. Mais je refuse de les juger pour cela, le Seigneur nous demande de les accepter tels qu’ils sont, et de plus je crois fermement que…
- Oui bon, d’accord, mais où est le problème ?
- Et bien parmi ceux-ci beaucoup sont trop pauvres pour entretenir toutes leurs épouses et leurs enfants. J’ai bien demandé à la mairie d’essayer de trouver une solution pour loger ces familles par exemple, mais ces incapables ont prétexté un manque de moyens et n’ont donné aux femmes de Mamadou que des appartements individuels éloignés les uns des autres, ce qui fait que Mamadou doit faire des kilomètres pour aller honorer toutes ses conjointes, et encore une fois ces racistes de la mairie prétendent qu’ils ne peuvent subventionner sa carte de transport… !
- Voilà qui est en effet fort triste, mais je ne vois pas où nous pouvons intervenir.
- En vérité j’aide Mamadou à titre personnel, mais compte tenu du nombre élevé de familles polygames dans la commune je ne peux pas tout faire moi-même et…
- Vous voulez dire que vous conduisez votre ami Mamadou chez ses différentes épouses pour qu’il puisse les honorer ?
- Euh… non ce n’est pas tout à fait cela, Monseigneur… disons que… comme je ne peux le conduire nulle part, car je n’ai pas de voiture, je vais chez Mamadou pour euh… enfin vous… euh… vous comprenez, fit le Père Klus de Sertitude en rougissant fortement, mais je sais que le Seigneur me pardonne car je le fais pour mon prochain !
- …
- Heureusement d’ailleurs que j’ai toujours avec moi un peu de sainte huile destinée à l’extrême onction pour que ce soit mieux l…
- JE NE VEUX PAS LE SAVOIR !!! Mais enfin Père Klus, ne pensez-vous pas que vous en faites un petit peu trop… ?
- Pardonnez-moi Monseigneur, mais on nous a dit d’aimer notre prochain comme nous-mêmes, et de tendre la joue gauche si nous étions frappés sur la joue droite, ce que je fais !
- Je vois, je vois… votre dévouement vous honore, Père Klus, mais qu’attendez-vous de moi au juste ?
- Et bien Monseigneur, j’aimerais un geste d’encouragement venant de votre part, pour montrer que l’Eglise ne fait qu’un dans ce combat noble qu’est l’aide à notre prochain. Bon je ne vous dérange pas plus longtemps Monseigneur, je dois me rendre à une manifestation réclamant la régularisation de tous les sans-papiers du département… !
- Père Klus, un petit moment je vous prie !
- Oui Monseigneur ?
- Père Klus, votre intervention m’a fait prendre conscience de certaines choses, et c’est pourquoi j’ai décidé de réagir… Timonde, fis-je en claquant des doigts à l’attention de l’abbé qui nous écoutait silencieusement depuis le début, assis sur une chaise dans un coin de la pièce, allez donc donner « un coup de main » au Père Klus… !

Quelques minutes plus tard je regardais pensivement les boucles de cheveux blancs que l’abbé Timonde avait laissé tomber sur le parquet en tondant le Père Klus de Sertitude.

- Tout de même je ne sais pas ce qui leur prend, lança soudain l’abbé, voila le douzième prêtre ce mois-ci qui nous fait le coup des bondieuseries et compagnies envers le prochain, surtout quand il vient de très loin… on dirait une épidémie !
- Oh il ne faut pas trop leur en vouloir, Timonde, ils sont très fragiles psychologiquement, et cette époque folle exerce une pression impitoyable sur ces esprits faibles qui croient agir pour le Vrai et le Bien. Tenez, il y a quelques jours de cela l’un d’eux, le Père Hamptoire, a absolument insisté pour que l’on prête l’église aux musulmans qui pratiquaient les sacrifices de l’Aïd ! Bon, je ne lui en veux pas, il m’a ainsi involontairement fourni une très belle moumoute pour le prochain mardi gras…
- Ah oui je me souviens, répondit mon ami en finissant de balayer… au fait c’est amusant mais… toutes ces mèches blanches sur le sol comme ça… on dirait vraiment de la laine de mouton, vous ne trouvez pas ?

dimanche 27 novembre 2011

Opéra et euh... humour


Le monde de l’opéra est, comme tout univers bien défini, marqué par ses traditions et rites propres qui semblent plus ou moins confus pour un béotien.
A ce titre l'un des domaines que l'on peut le plus difficilement appréhender se trouve certainement au niveau de l'humour, car sachez-le, nobles lecteurs (il faut savoir flatter son public), les amateurs d’opéra ont leurs blagues, comme les informaticiens, et comme les informaticiens eux seuls sont capables de les trouver drôles...
Ainsi, si pour les informaticiens l'humour se base essentiellement sur la gueguerre entre les partisans des Mac ou des PC (et les avanies de ces deux systèmes), pour les amateurs d'art lyrique il s'agit le plus souvent de piques contre les partisans de Verdi, de Puccini ou de Wagner, ou bien contre telle ou telle catégorie de chanteurs ou de musiciens d'un grand orchestre. Quoi qu'il en soit seuls les avertis peuvent comprendre (et surtout apprécier... quoique...) le genre de boutades que de fieffés galopins imaginent dans les coulisses des théâtres, à l'entracte, dans la longue queue qui mène aux lieux d'aisance...

Voici un exemple de ce genre d'humour si particulier, ce qui ravalera les blagues d'informaticiens au rang des aimables plaisanteries (presque) supportables :

Cela se passe dans une école primaire. Un jeune professeur de musique, fraîchement diplômé s’apprête à donner son premier cours à des élèves qu'il n'a jamais côtoyés, ce qui le rend quelque peu nerveux.
Il a néanmoins l’idée de commencer par la présentation de Puccini, en se disant que ses œuvres, assez faciles d’accès, sont sans doute les plus à même d’intéresser des marmots au monde mystérieux de l’opéra...

 Giacomo Puccini, blasé, qui se demande ce qu'il a fait pour mériter d'apparaître dans cette lamentable histoire... 

    - Bien les enfants, fait notre jeune dévoué à l'art de Sainte Cécile, je vais vous parler aujourd'hui d'un grand monsieur qui s'appelle Puccini, mais d'abord quelqu'un peut-il me dire s'il a déjà entendu ce nom quelque part?
    - …
    - Allons, les enfants, je suis sûr que l'un d'entre vous a au moins une petite idée de ce qu'a fait ce monsieur. Personne ne peut me citer une de ses œuvres?
    - ......
    - Bon euh... alors c'est un monsieur qui a écrit des opéras originaux dont l'action se déroule dans des pays exotiques, comme le Japon ou la Chine...
    - …......
    - Et euh... il a même écrit un opéra qui se déroule au Far West
    - ….........
    - Vous connaissez le Far West les enfants, j'en suis sûr, vous savez, avec les cowboys
    - ................
    - Et euh... les indiens...
C'est alors que Toto, qui doit tout de même avoir des parents mélomanes, sort soudain de sa torpeur et lance, d'une petite voix timide :

Vous pouvez ainsi constater que les informaticiens, geeks et autres no-life ne sont pas les seuls à mériter l'opprobre publique du fait de leur humour, disons, particulier...

A quand la réouverture des bagnes pour nous débarrasser de tels individus... ?

 Au fait, combien faut-il de chanteurs d’opéra pour changer une ampoule électrique?

vendredi 25 novembre 2011

Coupez! Bon, on va la refaire!


Pas plus tard que dimanche dernier, alors que l’abbé Timonde et moi-même, votre humble serviteur, prenions le frais après l'office du matin, nous vîmes venir à nous mon vieil ami Mhoussan, rabbin de son état, qui semblait dans un état d'excitation tel que je sus tout de suite qu'un événement particulier était sur le point de se produire.

- Cher évêque Sécrable, me dit-il tout de go, vite, il faut que vous veniez assister à notre petite fête! Emmenez votre ami aussi, il est évidemment le bienvenu!
- C'est que, répondit l’abbé Timonde, je ne sais pas si je peux... j'ai encore beaucoup à faire aujourd'hui : préparer le cours de catéchisme, les sermons de la semaine...
- Mais ce ne sera pas long! Et puis ça nous ferait tellement plaisir de voir des amis!
- Je dois également donner des consignes aux frères pour les vêpres
- Mais c'est un moment de recueillement unique, de haute spiritualité...
- En plus il faut que je fasse répéter les enfants de chœur!
- Un moment de communion intense, pour la gloire du Très Haut, vous ne pouvez pas laisser passer cela...
- Il faut aussi que finisse de préparer les bûchers pour les hérétiques du week-end...
- Et il y a un buffet gratuit, avec service à volonté...
- Je viens...! fit sobrement l’abbé Timonde avant d’emboîter le pas à notre hôte...

Nous nous aperçûmes alors que la cérémonie à laquelle nous conviait mon ami n’était autre que la réunion célébrant la circoncision de son petit dernier...
Nous fîmes ainsi solennellement notre entrée dans une grande salle de la synagogue du quartier dans laquelle étaient regroupées, devant une sorte d'autel, des connaissances du Rabbin Mhoussan, alors qu'un peu à l’écart nous aperçûmes un homme en train de préparer divers instruments de chirurgie. Il s'agissait ni plus ni moins du Mohel, le religieux chargé de la délicate opération...
Timonde et moi prîmes place sur un banc à côté d'une charmante jeune femme à l’éblouissante chevelure châtain, et dont les rondeurs exquises, parfaitement localisées, constituaient un argumentaire « de poids » en faveur de la conversion. C'est du moins ce que je crus lire dans les yeux de l’abbé, malgré la propension certaine de mon compagnon à loucher sur sa voisine.
Mais je n'eus que peu de temps pour jauger des goûts de Timonde, car déjà le jeune enfant, tout juste âgé de huit jours, était présenté à l'homme de l'art, après les quelques prières rituelles... le souffle coupé et les mains moites, tous les hommes de la salle (les femmes étant étrangement bien plus détendues...) regardèrent le Mohel se pencher sur le petit garçon encore endormi, le couteau à la main.
Un cri retentit...
Tous se retournèrent vers nous pour constater que l’abbé Timonde massait sa joue endolorie tandis que sa voisine, visiblement furieuse, se levait pour changer de place.
Lorsque le public porta de nouveau son attention vers l'enfant, tous purent se rendre compte que celui-ci venait de se rendormir, et que le Mohel rangeait ses outils.
L'acte était terminé...

Nous prîmes ensuite place dans une grande salle à manger pour le repas promis par mon ami rabbin. A cette occasion les yeux de l’abbé Timonde s’illuminèrent soudain, mais je crus lire une pointe de déception lorsque celui-ci eut l'occasion de goûter au fameux Gefilte fish, sorte de plat traditionnel à base de poisson, improprement appelé “carpe farcie” en bon français, et qui répand une odeur disons... caractéristique.
C'est ainsi que je fus le témoin de cette conversation entre le rabbin Mhoussan et l’abbé Timonde, dont la couleur du visage virait au vert pâle à vue d’œil (ce qui présentait un contraste fort intéressant avec le bleu de sa joue meurtrie) :

- Cher Timonde! Je vois que vous venez de découvrir notre savoureuse spécialité de Gefilte fish!
- Hein? Ah euh... oui oui
- Savez-vous qu'en 1967, lors de la guerre dite “des six jours”, ce plat a sauvé la vie de mon père alors qu'il était soldat dans le désert ?
- Comment cela?
- Hé bien il avait été séparé de son unité et seul, errant dans le Sinaï, il n'a eu la vie sauve que grâce à ses provisions de Gefilte fish qui lui ont permis de tenir et de retrouver ses camardes de régiment
- Vous voulez dire qu'il... les a mangées?
- Ben oui...
- C'est curieux mais... je me disais qu'elles lui auraient été plus utiles pour se défendre, comme en balancer sur les positions ennemies par exemple... ça doit être radical !
- Ah mais comment croyez-vous que nous avons fait pour gagner la guerre en seulement six jours...?

Le reste du repas se passa sans histoire, et Timonde et moi prîmes bientôt congé de nos sympathiques hôtes, non sans jeter un coup d’œil ému aux farandoles d'enfants qui s’égayaient dans la salle, à la grande joie des adultes présents.
Notre dernier regard fut d'ailleurs pour une ronde de ces charmants bambins qui entouraient l'auguste religieux ayant pratiqué le rituel, en lui chantant une petite comptine qu'ils lui avaient spécialement dédiée, sur un air étrangement familier :

« Petit Papa Mohel,
Quand tu viendras d’Israël
Avec tes joujoux aiguisés
N'oublie pas de m’anesthésier... »

 Méfiez-vous des Mohels suisses quand même...

dimanche 20 novembre 2011

Message de prévention


Hier matin, alors que j'errais tranquillement sur Internet en mâchant distraitement mes biscottes, mon œil torve, quoique relativement peu ouvert du fait de l'heure matinale, fut soudain frappé par une nouvelle étonnante qui, l'espace d'un instant, me fit oublier les drames et catastrophes divers qui ponctuaient une fois de plus la marche du monde.
Depuis son avènement, un beau jour de mai de cette année, ce blog venait tout juste de passer la barre symbolique des mille visites...!

Oui lecteur (presque) en nombre, je sens ta stupeur à cet instant précis en lisant cette information incroyable : mille fois des personnes d'horizons divers ont trouvé le chemin vers ce lieu de débauche aux relents méphitiques et méphistophéliques, dont près de quatre-vingt dix pour cent, il faut bien le dire, par pur accident, ces derniers ayant très vite décampé une fois leur erreur comprise.

Ce qui nous donne tout de même environ dix pour cent d'inconscients, ce que je trouve plutôt inquiétant...

J'imagine volontiers que ces dix pour cent de lecteurs réguliers se sont échoués un beau jour sur ces rivages virtuels tels de majestueux cadavres de baleines dégageant une forte odeur de musc et de chair en décomposition. Au départ, chers lecteurs, vous étiez l'heureux propriétaire d'un cœur pur, d'une âme d'enfant, vous aviez des étoiles plein les yeux, vos lèvres renvoyaient l’écho d'un rire blond d'adolescent qui sait qu'il a toute la vie devant lui, et puis tout a changé à cause de ce que vous avez trouvé sur ce blog nauséeux.

Le monde vous est alors apparu laid, sans saveur, rempli de personnages aux actes et aux pensées navrants. Comble de l'horreur, quelques-uns d'entre vous ont même ri à mes blagues pitoyables, ce qui est typique d’âmes perverses sur la voie de la chute et de la perdition (en clair à votre place je m’inquiéterais...). Vous avez en outre été plusieurs à lire, à mesure qu'ils se publiaient sous vos yeux ébahis puis incrédules, les différents chapitres de ma nouvelle « 2011, une satire nauséabonde », et pire, certains d'entre vous l'ont aimée...

Il existe ainsi des êtres totalement égarés dans cet univers lugubre et dément, et qui se raccrochent au mince espoir matérialisé par ce blog, car sinon comment expliquer que j'ai des visiteurs revenant sans cesse comme des épaves à la dérive en mal de paradis artificiels ? Mais rassure-toi ami lecteur, ce mal insidieux qui te pousse à venir consulter mes articles sans intérêt peut se guérir. Non ce n'est pas une fatalité que de lire les délires insipides de l’évêque Sécrable, et tu n'as pas à en avoir honte. Ce n'est pas sale, tu peux m'en parler...

Malheureusement je ne connais pas de remède miracle, sinon cela fait longtemps que j'aurais arrêté ce blog (et oui je me lis également, pauvre lecteur désœuvré, et comme toi je me demande comment il est possible de publier un tel amas d’insanités, mais j'y reviens toujours, tel un junky condamné à se rapprocher toujours de l'objet de ses tourments). Mais accroche-toi, lecteur en quête de vérité et d'absolu, et un jour toi aussi tu pourras décrocher, et jamais plus tu n'entreras dans ton moteur de recherche favori les mots-clefs maudits menant à mon antre. Avec un peu de chance tu pourras même trouver des blogs de substitution qui ont déjà fait leur preuve, et qui te soutiendront sur le chemin semé d’embûches de la délivrance.

Oui, un jour tu seras en paix...

En attendant ce jour béni, promesse d'une nouvelle naissance et d'une nouvelle virginité pour ton âme désespérée, je tiens à te remercier, ami lecteur, pour ta dépendance à mon blog, car c'est bien ce qui me donne l'impression de ne pas prêcher dans le désert, ce qui est toujours quelque peu rébarbatif pour un évêque digne de ce nom.

Allez mon enfant, tu peux maintenant aller vaquer à de plus saines occupations, le jour de ta délivrance approche...

 Internaute en perdition surpris en train de lire le blog de l’évêque Sécrable

lundi 14 novembre 2011

« Don Giovanni » de Mozart


Oui cher lecteur fidèle à ce blog malgré son inanité et ses parti-pris, évoquer le chef-d’œuvre de Mozart est à peu près aussi original que citer “Citizen Kane” dans la catégorie “films de légende”, “la Joconde” dans celle des plus grandes œuvres picturales de tous les temps, ou les clips de Lady Gaga dans celle des bouses musicales les plus consternantes de ce début de siècle, tant nous parlons ici d'incontournables... en effet cet opéra, l’opéra des opéras, le Graal de l'art lyrique, compte parmi les joyaux de l’humanité, et pourtant c'est à la tâche éprouvante d’écrire un article à son sujet que je m'attelle aujourd'hui ; c'est dire si je vais devoir me battre pour tenter de donner un certain intérêt à ma prose dont le thème a déjà été traité en de maintes occasions, et souvent brillamment.

Bien entendu sous le nom italianisé de Don Giovanni se cache le mythique personnage de Don Juan, le sulfureux séducteur dont la soif de liberté et la lutte contre les entraves de toute morale ont fasciné les plus grands écrivains, de Tirso de Molina à Byron en passant par Molière (excusez du peu...), ce qui a eu pour effet de donner à cette légende de multiples visages, parfois opposés. L’œuvre de Mozart, dont Da Ponte a écrit le livret, constitue en quelque sorte un condensé de toutes les influences littéraire qui ont fait Don Juan lorsque l’opéra a vu le jour en 1787.

Mais tout d'abord qui est Don Giovanni, alias Don Juan? Il s'agit, dans la production qui nous occupe ici d'un jeune noble pourvu de tous les vices, ou presque. En plus d’être un séducteur sans scrupule il est vil, menteur, tricheur, manipulateur, amoureux du luxe, exploiteur des classes subalternes, il aurait bien aimé voter DSK et entre la veuve et l'orphelin son choix est vite fait...

Il nous faut toutefois reconnaître que le Don Juan de Da Ponte, le librettiste de Mozart, est proche de la caricature et ne revêt pas l’épaisseur et la complexité du Don Juan de Molière qui se révèle plus troublant, plus humain (on citera ainsi la scène du mendiant qu'il oblige sans succès à blasphémer avant de lui faire grâce de l’aumône (« pour l'amour de l’humanité »), et surtout celle du jeune homme qu'il sauve d'une attaque de bandits, épisode durant lequel il se montre sous un jour noble et désintéressé). Au contraire le Don Juan de l'opéra est présenté sous un jour sans cesse lâche et trompeur, sauf peut-être dans la fameuse scène de sa confrontation avec la statue du commandeur. Mais assez de bavardage et “déflorons” (le sujet s'y prête bien) dès maintenant l'intrigue...

Tout d’abord l’ouverture, l’une des plus belles et des plus audacieuses, assurément, jamais composées pour un opéra, et qui donne une idée du destin tragique qui attend ce personnage particulièrement picaresque :


 Le premier acte s'ouvre sur une habitation espagnole cossue devant laquelle Leporello, le valet de Don Giovanni, monte la garde. Leporello (Sganarelle chez Molière) est un serviteur complexe, à la fois fasciné et révulsé par le comportement de son maître. Certains commentateurs y ont vu un Don Juan raté, par excès de lâcheté ou de morale, vivant par procuration la vie trépidante de son inquiétant patron. Toujours est-il que profitant d’être seul, l'homme se plaint de l'existence besogneuse qu'il doit vivre dehors, dans le froid et la pluie, tandis que Don Giovanni reste au chaud à courtiser les belles.

Justement en parlant du loup, le vert galant fait son entrée, seulement vêtu d'une serviette de bain Sofitel et poursuivant une femme de chambre le visage caché par un masque, et à la poursuite de Donna Anna, la jeune femme qui habite les lieux, visiblement peu intéressée par la perspective de jouer au docteur avec le bel hidalgo, la médecine en ce temps là n’étant que peu développée. Mais alors que le jeune pervers la rattrape, il est dérangé dans le « plan B » de sa tentative de séduction (il doit ainsi passer du « hé mam’zelle, mam’zelle, vous avez euh… plein d'étoiles dans vos yeux… hé Mouloud c’est bien comme ça qu’on dit ? » au « hé vas-y, fais pas ta tepu, je suis directeur du FMI un grand d'Espagne, allez t'as un 06? » comme dans maintenant 80% des cas en banlieue : Don Juan, un séducteur moderne…) le père de la demoiselle, que nous nommerons « le commandeur » apparaît et le défie à l’épée. Mal lui en prend car le patriarche finit embroché par la lame acérée (et pas autre chose) de Don Giovanni, ce qui donne l'occasion aux deux larrons de s’éclipser discrètement, tandis que la pauvre Donna Anna pleure son défunt géniteur en compagnie de son soupirant, Don Ottavio.

Nous retrouvons le duo Don Giovanni-Leporello errant un peu plus loin, alors que le valet se décide à révéler à son maître combien il trouve sa conduite scandaleuse (surtout qu'il ne lui laisse jamais les « miettes »), mais il s’aperçoit rapidement que son employeur ne fait aucunement attention à ses dires, tous ses sens étant mis en alerte par l’arrivée impromptue d'une femme, que bien entendu Don Giovanni s'empresse de courtiser... erreur ! La nouvelle venue, il s'en rend compte trop tard, n'est autre que... son ancienne femme, Donna Elvira, qu'il a abandonnée bien lâchement (mais quelle était la probabilité qu'il tombe ainsi, par hasard, justement sur elle???). Pris au dépourvu, notre Bill Clinton espagnol ne trouve rien de mieux que de laisser à Leporello le soin de distraire l'attention de son épouse en colère (on le serait pour moins que cela) afin de bénéficier du temps nécessaire pour détaler, tâche dont le malheureux serviteur s'acquitte à merveille en montrant à Donna Elvira un ouvrage volumineux contenant le nom de toutes les conquêtes de son maître dans les pays qu'il a visités. C'est le fameux « air du catalogue », l'un des plus beaux morceaux de l’art lyrique pour baryton, dans lequel nous apprenons entre autres que Don Giovanni a déjà séduit mille et trois femmes rien qu'en Espagne, l’Italie et la France étant quant à elles soumises à la concurrence féroce de Berlusconi et de DSK (et c'est à ce moment là qu'une angoisse saisit le spectateur mâle en songeant au troupeau innombrable des belles-mères acariâtres parties à la poursuite de Don Giovanni... la solidarité masculine, que voulez-vous).

 
Tout à leur fuite éperdue, Leporello et son maître se retrouvent au beau milieu d'une fête villageoise qui célèbre les noces de Masetto et Zerlina, deux paysans du coin qui pour leur malheur croisent ainsi le chemin du vil séducteur, car le noble espagnol n'a de cesse, dès qu'il l'a vue, d’éloigner la jeune ingénue de son fiancé pour en profiter bassement lui ouvrir les yeux (non mais où va-t-on si on laisse les belles s'unir à de sales pauvres...???). Leporello quant à lui, voyant que l’assemblée est pleine de ravissantes jeunes filles en fleur à l'ombre desquelles il aimerait bien perdre un peu de bon temps (coucou Marcel!) tente sa chance auprès d'une des petits campagnardes, en tentant d'imiter son employeur dans l'art délicat de la séduction... las, sa technique rappelle davantage la subtilité d'un Delanoë tentant de draguer l'électorat musulman, et le pauvre valet a tôt fait de se prendre une gifle bien sentie. Mais il retrouve bientôt ses esprits quand Don Giovanni lui demande de distraire toute l’assemblée avec moult vins et chansons pendant que lui sera seul avec la belle Zerlina...

 
Mais alors que le jeune hidalgo s’apprête à lui montrer sa euh... richesse (superbe duo « la ci darem la mano ») voilà que débarque Donna Elvira qui sauve la naïve jeune fille des griffes du satyre ne songeant qu’a se « divertir ». Déçu et furieux Don Giovanni s’éloigne, la queue entre les jambes, mais à peine a-t-il fait quelques pas qu'il tombe sur Donna Elvira et Don Ottavio qui, heureusement pour lui, ne le reconnaissent pas. Il entame donc la conversation avec eux, comme si de rien n’était, mais c'est sans compter sur l’arrivée de Donna Elvira (une fois de plus... je crois comprendre pourquoi Don Giovanni l'a abandonnée) qui révèle au couple combien son volage de mari est un homme bas et haïssable. C'est l'occasion pour Mozart de composer un fantastique quatuor. Notre obsédé de service réussit tant bien que mal à se débarrasser, une fois de plus, de son ancienne femme (mais il n'ose toujours pas la faire passer de vie à trépas ce qui aurait pour avantage de la calmer définitivement... tssss petit joueur!) mais il se trahit en saluant la compagnie, car sa voix et ses expressions rappellent celles de son agresseur à Donna Anna... dès lors la jeune femme comprend tout et, racontant la terrible nuit à Don Ottavio, demande à ce dernier de la venger (superbe air « Or sai chi l'onore »).

 
Don Giovanni quant à lui retrouve Leporello et lui fait part de son projet de donner le soir même une grande fête en sa demeure pour les convives du mariage de Masetto et Zerlina, afin de profiter de la présence de la jeune fille (c'est le célèbre air dit « du champagne »)


Alors que les préparatifs de la soirée battent leur plein, Zerlina retrouve Masetto et lui demande de lui pardonner sa conduite, mais Don Giovanni, le maître des lieux, les aperçoit et les fait entrer, coupant court à toute discussion. Au même moment Don Ottavio, Donna Anna et Donna Elvira, qui ont tous les trois revêtu des costumes de bal masqué s'invitent incognito à la fête sans que Leprello ou son patron puissent les reconnaître. Le piège semble se refermer sur Don Giovanni …

Ainsi, alors que ce dernier ne se doute de rien, il invite Zerlina à danser et, se montrant particulièrement pressant, tente de l’écarter du groupe des invites, mais la jeune femme appelle à l'aide, incitant par la même Don Ottavio et ses deux compagnes à passer à l'action. Don Giovanni, éberlué, tente de s’échapper en utilisant la plus basse des excuses de celui pris la main dans le sac, la fameuse défense dite du « Zyva hé m'sieur c'est pas moi, hé sale bâtard tu m'accuses pas j'ai rien fait ! » en faisant porter le chapeau à Leporello, ce qui lui donne le temps d'échapper à la vindicte populaire...


A noter que ce final est l’un des plus étourdissants qu’a écrit Mozart, digne de celui du deuxième acte des « Noces de Figaro » (et ce n’est pas peu dire…).


Le rideau se relève sur un duo à un rythme effréné entre Don Giovanni et son valet, lequel n’apprécie visiblement pas de servir de bouclier humain dans les situations désespérées (il aime se plaindre pour un rien… un bon coup de bastonnade à la mode de l’Ancien Régime le calmerait quelque peu), mais ses réticences à servir de nouveau l’objet de ses tourments sont vite calmées lorsque son maître lui offre une prime pour l’aider de nouveau, car il a repéré une nouvelle proie qui n’est autre que la femme de chambre de Donna Elvira (les femmes de chambre constituent bien des cibles de choix pour les séducteurs de toutes les époques), et pour arriver à ses fins, Don Giovanni a concocté un plan particulièrement subtil, sachant qu’il cherche à éloigner son ancienne femme pour pouvoir compter plus facilement fleurette à la demoiselle…

Et toi lecteur (et surtout lectrice) esbaudi, en état de transe admirative passionnée devant ce blog digne d’une des sept ou huit, je ne sais plus, merveilles du monde (youhou il y a quelqu’un ??) qui lit cela, à la place de Don Giovanni, de quel stratagème userais-tu pour te débarrasser de Donna Elvira ? On pourrait par exemple imaginer Leporello lui portant un message de la part de son patron, lui demandant de se rendre à l’instant, pour une affaire urgente, dans un endroit fort éloigné, ce qui aurait pour avantage de rendre Leporello disponible pour monter la garde devant la maison de la dame pendant que le jeune noble « s’affaire » à l’intérieur… et bien non, pas de cela ici, Don Giovanni est bien plus malin que toi, lecteur (ou lectrice) esbaudi, il va profiter de l’obscurité de la nuit pour … échanger son costume avec celui de son serviteur et demander à ce dernier d’imiter sa voix et ses gestes pour occuper Donna Elvira… le genre de « ruse » qui n’a pas une chance sur mille de réussir dans la vraie vie, car je crois que même parmi les membres du fan-club de Yannick Noah il n’est pas possible de trouver une gourde assez cruche pour ne pas savoir distinguer, y compris en pleine nuit, un ancien amant avec lequel elle a tout de même partagé une partie de sa vie, de son homme de main. C’est là l’une des grandes faiblesses des opéras que Mozart a composés avec Da Ponte ; le recours à une ficelle scénaristique grosse comme un câble d’ascenseur pour arriver à l’épilogue, et c’est un stratagème que nous retrouvons également dans « les Noces de Figaro » et « Cosi fan tutte »… mais Da Ponte, le librettiste, n’est pas l’unique responsable de ce type de coup de théâtre foireux. Il faut plutôt remettre ce genre d’histoire dans la tradition de la littérature picaresque de l’époque qui multipliait les péripéties les plus incongrues, pourvu que le récit contienne son lot de scènes bouffonnes ou palpitantes.

Donc passons sur ce stratagème proprement consternant et poursuivons, d’autant plus qu’il nous faut bien avouer que la musique de Mozart rattrape largement les faiblesses du livret…

Nous retrouvons ainsi Don Giovanni et Leporello, grimés l’un en l’autre, occupés à tromper la pauvre Donna Elvira. Ainsi Leprello s’éloigne avec celle qui fut l’épouse de son patron, tandis que notre obsédé de compétition chante une fort belle sérénade à la servante (ça c’est la classe, prenez-en de la graine, vous qui galérez dans l’art bien difficile de la séduction, c’est quand même autre chose qu’une 206 tunée, hein…)


C’est alors que Masetto et quelques-uns de ses amis font leur apparition, armés de fourches et de bâtons, histoire de montrer à l’indélicat libertin comment s’amuser de façon plutôt virile avec ces charmants instruments. Prenant le noble espagnol pour son valet, Masetto lui demande naïvement de le renseigner sur l’endroit où son maître pourrait se cacher. Don Giovanni parvient habilement à éloigner la menaçante compagnie et, prenant prétexte d’examiner les armes de Masetto, le désarme et lui fait subir le sort qu’il voulait lui réserver. Ainsi jeunes gens candides qui me lisez peut-être, sachez vous méfier de l’importun qui vous dirait « Quoi ? Tu possèdes un Magnum 357 pour te défendre contre un agresseur éventuel qui voudrait te délester des cinq mille euros cash que tu transportes actuellement ? Comme tu as raison, mais donne-moi tout de même ton arme histoire que je vérifie qu’elle est bien chargée, on n’est jamais trop prudent… ». Les personnages d’opéra sont souvent d’une naïveté touchante…

Don Giovanni parti, Masetto, donc, gît par terre, bien amoché, mais son calvaire ne dure pas longtemps car Zerlina l’aperçoit et court à sa rescousse… s’ensuit une scène au cours de laquelle la jeune paysanne, bien moins innocente qu’il n’y paraît, use de paroles fort bien imagées pour réconforter son pauvre Masetto, en lui faisant miroiter ce qui l'attend lorsque les deux tourtereaux seront enfin tranquilles…


Pendant ce temps Leporello, toujours occupé à tromper Donna Anna sur sa véritable identité, voit arriver à lui Don Ottavio et Donna Anna qui le prennent pour son maître. Le pauvre Leporello, se voyant menacé de toutes parts, est obligé de se démasquer pour sauver sa vie, mais devant le refus de ses adversaires de lui pardonner, parvient à s’enfuir sans être rattrapé. Oui dans cet opéra, Don Giovanni et Leporello maîtrisent parfaitement l’art de l’esquive et des accélérations soudaines, au contraire de leurs ennemis qui semblent tous être de pathétiques tétraplégiques ou de simples feignasses tant la perspective de devoir courir trente secondes après les deux gredins semble représenter pour eux un effort surhumain.

Don Ottavio et Donna Elvira s’éloignent à leur tour, méditant leur vengeance, laissant Donna Elvira seule. C’est l’occasion pour elle, dans un somptueux air, sans doute l’un des plus beaux pour soprano (le fameux « Mi tradi quell’alma ingrata »), de s’avouer que, malgré toutes ses turpitudes, elle aime toujours Don Giovanni, passionnément, et tremble à l’idee qu’il pourrait lui arriver « un accident regrettable » (genre le frein à main de sa Punto qui cède « mystérieusement », le faisant plonger dans le bassin du port de St Martin-sur-mer alors qu’il était justement occupé sur la banquette arrière en charmante compagnie. C’est ce qui s’appelle disparaître avec classe…).


 Mais comme nous parlions de Don Giovanni justement, nous le retrouvons avec Leporello, caché dans un cimetière. Alors qu’il narre sur un ton hilare à son éternel souffre-douleur ses dernières aventures, il est coupé net par une voix d’outre-tombe qui affirme qu’il aura cessé de rire au lever du soleil… mmmmh une voix d’outre-tombe… dans un cimetière… la nuit… sans doute quelque fieffé nécrophile qui leur font une blague en contemplant le ciel étoilé avec sa nouvelle conquête fraîchement déterrée, se dit Don Giovanni. Mais non… la voix, ils s’en rendent bientôt compte, provient en réalité de la statue du commandeur que Don Giovanni a tué en duel au tout début de l’opéra. Partagé entre la surprise et la crainte, le libertin trouve toutefois assez de morgue pour inviter la statue à dîner chez lui, par l’entremise de Leporello qui manque de s’évanouir.

Pendant ce temps, un peu plus loin, Don Ottavio, qui commence à perdre patience, explique à Donna Anna que, d’accord elle vient de perdre papa, tué sous ses yeux par un gredin qui a manqué de la violer, et tout cela il y a à peine quelques heures, mais que bon, lui il est là, plein de sève et d’énergie, que la vie continue, tout ça… et qu’il aimerait bien que sa fiancée consente enfin à l’épouser, histoire qu’il puisse se taper autre chose que des déconvenues en série dans cette regrettable histoire. Peine perdue, Donna Anna, pour ne pas avouer qu’elle est en fait terriblement frigide, prétexte le deuil de son père dont le cadavre est encore relativement tiède (le chat continue de faire sa sieste dessus), et que tant que ce dernier ne sera pas vengé, pas question de fricoter en bon uniforme avec la bénédiction de monsieur le curé (les femmes ne savent plus quoi inventer pour échapper à leurs devoirs, je vous jure…). Pour la petite histoire, sachez que l’air que chante le personnage de Donna Anna à cet instant précis a été particulièrement critiqué par Berlioz qui lui reprochait ses vocalises outrancières et gratuites. Cela ne me choque pas pour ma part, et tout en reconnaissant que nous ne nous trouvons pas là devant la plus belle partie de l’œuvre, je dois dire que le morceau passe plutôt bien.


Mais trêve de bavardage faussement érudit, car nous arrivons à la grande scène de l’opéra, celle du repas final… en effet Don Giovanni fait une entrée princière dans la salle à manger de sa demeure, alors que de nombreuses femmes sont accrochées à ses bras, et demande à ce qu’on le serve sans plus attendre, tandis que les musiciens jouent des airs plaisants pour accompagner le dîner (on reconnaîtra d’ailleurs au passage l’un des airs des « Noces de Figaro », le « non piu andraï, farfallone », petit clin d’œil de Mozart à lui-même).

Alors que le libertin savoure son repas, tout un dialogue en aparté (je précise « en aparté » parce que chacun des deux protagonistes commente l’action au lieu de s’adresser directement à son interlocuteur) a lieu entre lui et son valet, Leporello faisant part de son ahurissement devant l’appétit pantagruélique de Don Giovanni qui ne lui laisse rien. On comprendra aisément qu’ici la nourriture désigne en réalité indirectement les femmes dont Don Giovanni fait une consommation effrénée, ce qui constitue un moyen imagé de montrer que les demoiselles ne sont, pour notre libertin, qu’une source de plaisirs au même titre que la bonne chère et le vin. Mais alors que Don Giovanni est tout à son engloutissement de victuailles, qu’elles aient arboré, il fut un temps, plumage, pelage, ou jupons, l’inévitable Donna Elvira (oui, encore elle… quand je disais que notre homme aurait dû s’en débarrasser une bonne fois pour toutes) fait son entrée pour supplier son ancien mari, une dernière fois, de renier sa vie de débauche et de retourner avec elle. Tentative vouée à l’échec, et c’est sous les railleries de Don Giovanni que Donna Elvira, penaude, se sauve. Mais son cri résonne soudain sous les voûtes de la grande salle, et tous de s’enfuir, terrifiés. Don Giovanni demande à Leporello d’aller voir qui est à l'origine de tout ce raffut, mais le pauvre valet revient bientôt, vert de peur, affirmant qu’un imposant homme en blanc s’avance, et effectivement la statue du commandeur apparaît devant le libertin incrédule.

Nous voici donc à la fameuse scène de la confrontation entre Don Giovanni et la statue de l’homme qu’il a tué. Elle est très brève chez Molière, mais chez Mozart et Da Ponte elle dure une bonne dizaine de minutes et représente l’une des pages les plus saisissantes de tout l’art lyrique. Je dirais même que si parmi toutes les œuvres qui ont été composées pour la scène il ne fallait en choisir qu’un seul extrait, c’est sans doute ce fameux morceau de génie qu’il faudrait sélectionner…

La statue fait donc son apparition, dans la stupeur générale, et propose à son tour à Don Giovanni de se repentir et de venir dîner avec elle. J’écrivais plus haut que le Don Juan de Mozart était moins complexe et plus caricatural que celui de Molière, tant il semble collectionner les défauts, sans rien pour le racheter, mais il faut toutefois lui reconnaître un certain courage, et c’est en avançant la tête haute que Don Giovanni accepte enfin son destin, au lieu de fuir comme à son habitude. Il serre donc la main de la statue en signe d’accord, celui d’un homme libre et que nul ne peut soumettre, et se voit instantanément projeté dans les flammes de l’enfer, sous l’œil terrifié de Leporello…


Alors que tout est fini, les autres protagonistes de l’opéra font leur entrée sur la scène, évoquant la disparition du noble à la vie dissolue. Chacun révèle ce qu’il compte faire, maintenant que l’objet de ses tourments n’est plus : Donna Elvira annonce qu’elle va entrer au couvent, comprenant que décidément plus aucun homme ne veut d’elle, Masetto et Zerlina vont finir de se marier, Leporello va pointer à l’ANPE, et alors que Don Ottavio s’élance, la braguette déjà ouverte, sur Donna Anna, celle-ci lui annonce tout de go que dis-donc, cette affaire l’a fortement remuée, aussi préfère-t-elle attendre encore un an avant d’épouser qui que ce soit…

L’opéra se clôt sur nos personnages se réjouissant de la disparition du vil malandrin et du triomphe de la morale (à l’exception toutefois de Don Ottavio, parti se jeter sous un métro, ce qui, avouons-le, représente une certaine gageure dans l’Espagne du dix-huitième siècle…).

Il y aurait encore beaucoup à dire sur cet opéra, sa richesse musicale exceptionnelle, la psychologie de ses personnages, en particulier, bien entendu, Don Giovanni, qui représente en quelque sorte l'homme libre de toute emprise morale, jusqu'au dénouement fantastique face à l'imposante statue, symbole de la loi divine écrasante (superbe scène philosophique quand on y pense, très prométhéenne...).

Quoi qu'il en soit, comment ne pas comprendre que cette œuvre représente, pour des milliers d'amateurs à travers le monde, l'une des plus belles œuvres de l'art lyrique ? Comment ne pas voir que Mozart a composé là l'un de ses plus grands chefs-d’œuvre, et surtout comment, lecteur admiratif, comment en suis-je réduit à écrire une conclusion aussi pourrie... ???

mercredi 9 novembre 2011

Révolutions

 

- Alors François, tu la résorbes la dette?
- Oui ben si tu dépensais moins que j'arrive à récolter comme recettes ce serait plus facile...
- Comment ça?
- Ben ton avion là , « Sarko one », il coûte une fortune... tu avais vraiment besoin d'un monstre pareil? Et ta grosse voiture? Et ta grosse monstre? Et ton gros stylo? C'est pas possible, tu as besoin de compenser quelque chose ou quoi???
- Qu... quoi, qu'est-ce-tu veux dire?
- J'ai lu un article écrit par un grand psychologue, même que c’était dans une revue de référence comme “Science”, “Nature” ou “FHM”, je ne sais plus, et bien il disait que ceux qui éprouvent le besoin de posséder de gros véhicules, comme des voitures ou des avions, le font pour compenser un défaut physique, mais je ne sais plus quoi...
- Mais... mais c'est pas vrai! Demande à Carla d'abord! Elle te dira que ma... euh bon enfin bref, tu la résorbes la dette alors?
- Minute, minute... alors une taxe sur les boissons sucrées, une taxe sur les perruques en poil de lama... non c’était pour une raison bien particulière, mais ça va me revenir... une taxe sur les poitrines siliconées, une autre sur les poitrines en fibre de carbone, une taxe sur les nains de jardin... un problème physique bien précis... une taxe sur les déclarations d’impôt, une taxe sur la taxe sur la déclaration d’impôt...
- Non mais euh... c'est... c'est.... euh... c'est passke quand j’étais gosse j'adorais les grands manèges, alors euh... les gros avions, les grosses voitures, les grosses motos devant et derrière, les gros hélicos tout ça en même temps, ça me manquait.... hein, tu vois, pas d'disgrâce physique à compenser, hein... hein !
- … une taxe sur l’élevage de vers solitaires en appartement... ah oui, d'accord, ça expliquerait pas mal de choses dans ce cas... une taxe sur les culottes de cheval...
- Hein!? Mais quelles choses???
- … une taxe sur les slips kangourous… oh rien, juste la sensation que depuis plus de quatre ans, avec toi comme président, on n’arrête pas de tourner en rond...

lundi 7 novembre 2011

Des prénoms, des costumes et des hommes


Oui je n'ai pas trouvé de titre plus pompeux et moins original, mais je cherche, ne désespérez pas...

Ce petit mot pour parler de ce qui est, à mes yeux, une belle hypocrisie progressiste de notre époque bien bordélique complexe.
Ainsi, combien de fois entends-je, ou lis-je dans les média ou les journaux à grand tirage qu'il est scandaleux de faire encore une distinction entre les français dits « de souche » et les descendants d’immigrés de la troisième ou quatrième génération, sous prétexte que ceux-ci s'appellent Mohamed ou Mamadou ?
Bon d'accord, mais à qui la faute?
Il est certes très facile de se plaindre de discriminations plus (ou moins) fantaisistes, mais quand tout dans son attitude ou l’identité que l'on affiche revendique une différence, et même une séparation assumée, comment s'en étonner?
Je m'explique : lorsqu'au bout de la troisième génération on continue à étrenner un prénom qui sent bon le terroir africain, aussi harmonieux soit-il, ou à se promener en voile, en boubou ou en kami dans les rues de Paris ou d'ailleurs, vous croyez que c'est gratuit et qu'il n'y a pas de signification derrière (autre que religieuse)? En fait ces prénoms, certes non choisis mais donnés par les parents (qui ont également leur part de responsabilité) et ces vêtements “exotiques”, aussi ravissants et colorés qu'ils soient, portent le même message, qui est le suivant : “Je m'installe chez toi, occidental, mais je refuse de partager tes valeurs et tes coutumes parce que je les méprise ou au mieux n'en ai absolument rien à faire. Ainsi ton pays, son histoire et ses traditions je m'en balance, et je préfère te montrer que je vis en opportuniste car je ne veux en aucun cas te ressembler ; je n'ai aucun égard pour toi, mon hôte, qui pourtant m'accueille et m'offre même sa nationalité, et de ce fait je me fiche de t'offenser par mon comportement. En revanche je n'accepterai aucune offense de ta part...”

Oui, cela peut paraître exagéré, agressif, mais c'est exactement ce que cela signifie. C'est exactement ce que l’hôte ressent, de façon inconsciente ou non, devant un « compatriote » qui affiche ainsi une différence revendiquée.
Je n'ai pas employé le mot “mépris” par hasard. En effet quand on s’intéresse aux relations que les communautés entretiennent entre elles dans un même pays occidental, on se rend compte que souvent c'est un cloisonnement qui y règne, sans être toujours imposé, comme on pourrait le croire, par la culture dominante. Cet hermétisme naît aussi, souvent, du refus des nouveaux venus, ou de leurs descendants, de voir l'un des leurs s’éloigner des traditions du clan pour épouser le mode de vie occidental. D’où des tensions qui peuvent parfois déboucher sur des drames comme les crimes d'honneur sur notre propre sol. Si cela n'est pas une marque du plus haut mépris pour les occidentaux, qu'est-ce...?

Alors si vous vivez sur notre sol et que vous voulez vous faire respecter, montrez que vous avez à cœur de vous assimiler (oui j’écris bien “assimiler”, ce mot si nauséabond...).

On est en France bordel! Appelez vos enfants Brenda ou Kevin comme tout le monde...!