vendredi 25 novembre 2011

Coupez! Bon, on va la refaire!


Pas plus tard que dimanche dernier, alors que l’abbé Timonde et moi-même, votre humble serviteur, prenions le frais après l'office du matin, nous vîmes venir à nous mon vieil ami Mhoussan, rabbin de son état, qui semblait dans un état d'excitation tel que je sus tout de suite qu'un événement particulier était sur le point de se produire.

- Cher évêque Sécrable, me dit-il tout de go, vite, il faut que vous veniez assister à notre petite fête! Emmenez votre ami aussi, il est évidemment le bienvenu!
- C'est que, répondit l’abbé Timonde, je ne sais pas si je peux... j'ai encore beaucoup à faire aujourd'hui : préparer le cours de catéchisme, les sermons de la semaine...
- Mais ce ne sera pas long! Et puis ça nous ferait tellement plaisir de voir des amis!
- Je dois également donner des consignes aux frères pour les vêpres
- Mais c'est un moment de recueillement unique, de haute spiritualité...
- En plus il faut que je fasse répéter les enfants de chœur!
- Un moment de communion intense, pour la gloire du Très Haut, vous ne pouvez pas laisser passer cela...
- Il faut aussi que finisse de préparer les bûchers pour les hérétiques du week-end...
- Et il y a un buffet gratuit, avec service à volonté...
- Je viens...! fit sobrement l’abbé Timonde avant d’emboîter le pas à notre hôte...

Nous nous aperçûmes alors que la cérémonie à laquelle nous conviait mon ami n’était autre que la réunion célébrant la circoncision de son petit dernier...
Nous fîmes ainsi solennellement notre entrée dans une grande salle de la synagogue du quartier dans laquelle étaient regroupées, devant une sorte d'autel, des connaissances du Rabbin Mhoussan, alors qu'un peu à l’écart nous aperçûmes un homme en train de préparer divers instruments de chirurgie. Il s'agissait ni plus ni moins du Mohel, le religieux chargé de la délicate opération...
Timonde et moi prîmes place sur un banc à côté d'une charmante jeune femme à l’éblouissante chevelure châtain, et dont les rondeurs exquises, parfaitement localisées, constituaient un argumentaire « de poids » en faveur de la conversion. C'est du moins ce que je crus lire dans les yeux de l’abbé, malgré la propension certaine de mon compagnon à loucher sur sa voisine.
Mais je n'eus que peu de temps pour jauger des goûts de Timonde, car déjà le jeune enfant, tout juste âgé de huit jours, était présenté à l'homme de l'art, après les quelques prières rituelles... le souffle coupé et les mains moites, tous les hommes de la salle (les femmes étant étrangement bien plus détendues...) regardèrent le Mohel se pencher sur le petit garçon encore endormi, le couteau à la main.
Un cri retentit...
Tous se retournèrent vers nous pour constater que l’abbé Timonde massait sa joue endolorie tandis que sa voisine, visiblement furieuse, se levait pour changer de place.
Lorsque le public porta de nouveau son attention vers l'enfant, tous purent se rendre compte que celui-ci venait de se rendormir, et que le Mohel rangeait ses outils.
L'acte était terminé...

Nous prîmes ensuite place dans une grande salle à manger pour le repas promis par mon ami rabbin. A cette occasion les yeux de l’abbé Timonde s’illuminèrent soudain, mais je crus lire une pointe de déception lorsque celui-ci eut l'occasion de goûter au fameux Gefilte fish, sorte de plat traditionnel à base de poisson, improprement appelé “carpe farcie” en bon français, et qui répand une odeur disons... caractéristique.
C'est ainsi que je fus le témoin de cette conversation entre le rabbin Mhoussan et l’abbé Timonde, dont la couleur du visage virait au vert pâle à vue d’œil (ce qui présentait un contraste fort intéressant avec le bleu de sa joue meurtrie) :

- Cher Timonde! Je vois que vous venez de découvrir notre savoureuse spécialité de Gefilte fish!
- Hein? Ah euh... oui oui
- Savez-vous qu'en 1967, lors de la guerre dite “des six jours”, ce plat a sauvé la vie de mon père alors qu'il était soldat dans le désert ?
- Comment cela?
- Hé bien il avait été séparé de son unité et seul, errant dans le Sinaï, il n'a eu la vie sauve que grâce à ses provisions de Gefilte fish qui lui ont permis de tenir et de retrouver ses camardes de régiment
- Vous voulez dire qu'il... les a mangées?
- Ben oui...
- C'est curieux mais... je me disais qu'elles lui auraient été plus utiles pour se défendre, comme en balancer sur les positions ennemies par exemple... ça doit être radical !
- Ah mais comment croyez-vous que nous avons fait pour gagner la guerre en seulement six jours...?

Le reste du repas se passa sans histoire, et Timonde et moi prîmes bientôt congé de nos sympathiques hôtes, non sans jeter un coup d’œil ému aux farandoles d'enfants qui s’égayaient dans la salle, à la grande joie des adultes présents.
Notre dernier regard fut d'ailleurs pour une ronde de ces charmants bambins qui entouraient l'auguste religieux ayant pratiqué le rituel, en lui chantant une petite comptine qu'ils lui avaient spécialement dédiée, sur un air étrangement familier :

« Petit Papa Mohel,
Quand tu viendras d’Israël
Avec tes joujoux aiguisés
N'oublie pas de m’anesthésier... »

 Méfiez-vous des Mohels suisses quand même...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire