Ce samedi là
je déambulais dans les couloirs du Toledo Musem of Art, dans l'Ohio,
alors qu'une remarquable exposition était dédiée à
l'art de Manet. J'ai ainsi eu l'occasion de voir devant moi certaines
des toiles les plus célèbres du maître (mais je déplore toutefois
l'absence de la fameuse Olympia et de ses lolos de rêve
sa composition picturale éblouissante), dont le fameux portrait de
Zola :
Celui de la grande Berthe Morisot, magnifique :
ainsi que ce
tableau fascinant et douloureux représentant la maîtresse de
Baudelaire, la fameuse Jeanne Duval :
Devant cette œuvre qui
peut mettre le spectateur mal à
l'aise, je n'ai pu m’empêcher de penser à
ces vers somptueux que le grand poète avait jadis dédiés à
cette « muse malade » :
Je te donne
ces vers afin que si mon nom
Aborde
heureusement aux époques lointaines
Et fait rêver
un soir les cervelles humaines,
Vaisseau
favorisé par un grand aquilon,
Ta mémoire,
pareille aux fables incertaines,
Fatigue le
lecteur ainsi qu'un tympanon,
Et par un
fraternel et mystique chaînon,
Reste comme
pendu à mes rimes
hautaines
Être maudit
à qui, de l’abîme
profond
Jusqu'au plus
haut du ciel, rien, hors moi, ne répond.
Ô
toi qui comme une ombre à
la trace éphémère
Foules d'un
pied léger, et d'un regard serein
Les stupides
mortels qui t'ont jugée amère,
Statue aux
yeux de jais, grand ange au front d'airain!
Je me retrouvais ainsi en
un lieu qui faisait revivre devant moi le Paris de la deuxième
moitié du dix-neuvième
siècle, ainsi qu'une certaine idée de la France, la véritable
France, celle, authentique, qui n’était pas encore souillée par
une diversité haineuse et avide de destruction, celle qui n'endurait
pas encore les actes de nos collabos modernes, et je fus pris d'un
certain sentiment de nostalgie.
Devant moi, sur un mur,
s’étalait une immense carte du Paris d'autrefois, après les
grands travaux haussmanniens, et je m'amusais à
repérer sur celle-ci les lieux que Manet avait fréquentés, tout
autour de la gare St Lazare : la rue de St Petersbourg, la
petite Athènes... quartier que je connais par ailleurs assez bien.
La gare St Lazare |
Tout à mon émerveillement
de me voir, par la magie du talent du grand peintre, transporté dans
cette France du Second Empire, puis de la Belle Époque, en ces temps
non encore troublés par le poison du politiquement correct, je
m’aperçus soudain que je venais de recevoir un texto d'une amie,
celle avec qui j’étais venu voir l'exposition, et qui
m'avertissait ainsi qu'elle m'attendait à
la sortie. Alors que je rangeais mon blairophone (c'est sous ce
vocable qu'une de mes connaissances appelait ainsi les « téléphones
portables »), je fus interpellé par un gardien qui me demanda
de but en blanc, avec son accent du Midwest :
- Is it the score of
the game ?
Totalement éberlué par
la question je lui répondai :
- Sorry ? Which
score ? What are you talking about ?
- The score of the
football game, today ! Oh I wish I could watch it, but I'm
stuck here ! So, do you have the score ?
- Er... how can I
say... the fact is I'm not interested at all in football, so don't
expect me to get such an info !
Et oui, un gardien de
musée venait de m'adresser la parole, non pas pour m’écraser la
gueule contre le mur parce que je me tenais trop près des peintures
(j'ai des souvenirs douloureux du Louvre ou du musée de la Reine
Sofia de Madrid alors que j'examinais Guernica d'un peu trop
près...), mais pour me demander le résultat d'un match de football
américain, moi qui me fous royalement de ce genre de sport !
Du coup mon sentiment
d’évasion se brisa net.
Oh, mon pauvre Manet, tu
n'as décidément pas mérité cela... !
« … ces vers somptueux que le grand poète avait jadis dédié » : dédiÉS (accord avec le participe passé antéposé, qui n'est autre que le pronom relatif « que »).
RépondreSupprimerVotre blog est très intéressant. J'y reviendrai.
C'est corrigé! Merci de m'avoir signalé cette faute alors que je m'efforce de respecter la langue française, et merci pour le compliment (même si ceblog est arrêté depuis longtemps), cela fait toujours plaisir.
RépondreSupprimerBonne lecture!