- M'sieur
Hollande, alors comme ça c'est vrai,
le PS va laisser tomber la rose pour adopter l'orange comme emblème ?
- Euh...
comment le savez-vous ?
- Ben...
c'est écrit derrière vous !
- Ah oui
euh... bon je ne peux plus le taire plus longtemps, c'est vrai, c'est
officiel, l'orange est le nouveau symbole du PS !
- Mais
pourquoi l'orange ?
- Ecoutez,
la rose ça faisait un peu tape... euh... je veux dire vieux jeu,
donc on a cogité pour renouveler un peu l'image du parti, en
cherchant à
mettre en lumière notre identité propre, et on a longtemps opté
pour le pissenlit !
- Le... le
pissenlit ???
- Oui, mais
manque de chance, l'UMP l'avait déjà choisi comme emblème
- Ah bon ?
Où
ça, je n'en ai pas vu... vous ne confondez pas avec le parti
Europe-Alcoolemie-Les Verres plutôt ?
- Mais si,
voyez la tronche que tire Sarkozy sur toutes ses affiches... bon je
vous l'accorde, ça marche également avec Efa... pardon, Eva Joly... (et même Arthaud, Poutou et Le Pen quand y pense... mais!? Tout le monde nous a piqué le concept en fait!!!)
- Ah oui en
effet, maintenant que vous le dites... mais pourquoi l'orange ?
- Pour deux
très bonnes raisons, l'une culturelle, l'autre plus populaire. Vous
connaissez sans doute la célèbre phrase « On presse l'orange
et on jette l’écorce » attribuée à
Frederic II de Prusse en parlant de Voltaire, et bien nous trouvions
au PS que cela résumait fort bien la position des socialistes
vis-à-vis
des contribuables français...
- Ah...
- Mais la
véritable raison est plutôt celle-ci : vous savez que
longtemps on a promis aux enfants monts et merveilles pour les faire
tenir tranquilles jusqu'à Noël, alors qu'au jour dit ils
s'apercevaient qu'on les avait méchamment entu... euh... trompés
avec une pauvre orange pour tout cadeau... ?
- Oui,
et... ?
- Et bien comment pensez-vous que le PS fera pour être
élu, et surtout que pensez-vous qu'il fera, une fois au pouvoir... ?
Je
levai les yeux de mon écran d’ordinateur,
où je passais en revue la dernière collection printemps-été de
monokinis présentée par Jessica Alba (je cherchais désespérément
une idée de cadeau de Noël destiné à sœur Angélique), pour voir
débouler dans mon bureau de l’évêché la silhouette massive et
voûtée du Père Klus de Sertitude.
- Tiens
Père Klus, quel euh… bon vent vous
amène, fis-je en tentant de dissimuler ma grimace
- Monseigneur,
dit-il en reprenant péniblement son
souffle, les… les fidèles musulmans de la commune, ce n’est plus
possible, il faut faire quelque chose !
- Quoi
les fidèles musulmans, que se passe-t-il ?
- Monseigneur,
ils n’ont pas le chauffage dans la salle de prière qui leur a été
octroyée par la mairie !
- Et alors ?
- Alors
nous ne pouvons pas rester ainsi les bras croisés tandis que nos
prochains sont dans le besoin ! L’hiver arrive !
- Et que
proposez-vous donc ?
- C’est
déjà fait, je leur ai donné les radiateurs électriques que nous
avons à la petite chapelle du village. Bon, nos paroissiens auront
un peu froid durant les offices, mais c’est pour une bonne action
- Mmmmm…
, fis-je simplement en tirant sur mon cigare qui continuait de se
consumer dans ma main.
- Mais
il y a plus grave en fait, Monseigneur, savez-vous qu’ils n’ont
pas les moyens d’achever la construction de la mosquée-cathédrale
qu’ils avaient prévu d’inaugurer l’an prochain ?
- Ah…
c’est ballot. L’Arabie Saoudite serait donc elle aussi touchée
par la crise ?
- En
conséquence de quoi, Monseigneur, j’ai
décidé, avec votre consentement, d’organiser une quête auprès
de nos paroissiens pour aider à réunir les fonds nécessaires. On
ne peut pas les laisser sans lieu de culte décent !
- Mmmmmm
- Sinon
en attendant, comme les fidèles musulmans sont trop nombreux pour la
salle de prière en question, j’ai eu l’idée de prêter notre
église pour que le surplus vienne y prier. Ils se sont d’ailleurs
montrés ravis de cette initiative. Bien sûr ils ont exigé que tous
les symboles chrétiens, comme les croix, disparaissent, mais au fond
cela est bien compréhensible, il ne faut pas qu’ils se sentent
offensés les pauvres…
- Mmmmmmm
- Oui,
Monseigneur, je voulais vous voir pour
obtenir votre accord et aussi parce que je crois fermement que, sauf
votre respect, le clergé doit donner l’exemple de la tolérance et
de l’ouverture à l’autre, à commencer par sa sainteté Benoît…
- Benoît ?
- Oui, le
Pape !
- Tiens
ce n’est plus Jean Paul ?
- Euh
non… Jean Paul II nous a quittés il y a bientôt sept ans de cela…
- Ah,
parce qu’il y en a eu un deuxième… ???
Il va
vraiment falloir que je mette sérieusement mes papiers à jour… me
dis-je en jetant un œil résigné sur l’immense pile de courriers
non encore ouverts, dans un coin de la pièce, et que recouvraient un
certain nombre de toiles d’araignée.
- Oui…
euh… bref, reprit le Père Klus de
Sertitude, donc au sujet des musulmans de la commune, je crois
pouvoir les aider efficacement. Par contre nous avons un autre
problème.
- Ah, et
lequel cette fois, répondis-je en étouffant un bâillement.
- Les
réfugiés africains du canton, il faut savoir que plusieurs d’entre
eux sont polygames, comme ce sympathique Mamadou avec lequel je
discutais l’autre jour. Mais je refuse de les juger pour cela, le
Seigneur nous demande de les accepter tels qu’ils sont, et de plus
je crois fermement que…
- Oui
bon, d’accord, mais où est le problème ?
- Et
bien parmi ceux-ci beaucoup sont trop pauvres pour entretenir toutes
leurs épouses et leurs enfants. J’ai bien demandé à la mairie
d’essayer de trouver une solution pour loger ces familles par
exemple, mais ces incapables ont prétexté un manque de moyens et
n’ont donné aux femmes de Mamadou que des appartements individuels
éloignés les uns des autres, ce qui fait que Mamadou doit faire des
kilomètres pour aller honorer toutes ses conjointes, et encore une
fois ces racistes de la mairie prétendent qu’ils ne peuvent
subventionner sa carte de transport… !
- Voilà
qui est en effet fort triste, mais je ne vois pas où nous pouvons
intervenir.
- En vérité j’aide Mamadou à titre personnel,
mais compte tenu du nombre élevé de familles polygames dans la
commune je ne peux pas tout faire moi-même et…
- Vous
voulez dire que vous conduisez votre ami Mamadou chez ses différentes
épouses pour qu’il puisse les honorer ?
- Euh…
non ce n’est pas tout à fait cela, Monseigneur… disons que…
comme je ne peux le conduire nulle part, car je n’ai pas de
voiture, je vais chez Mamadou pour euh… enfin vous… euh… vous
comprenez, fit le Père Klus de Sertitude en rougissant fortement,
mais je sais que le Seigneur me pardonne car je le fais pour mon
prochain !
- …
- Heureusement
d’ailleurs que j’ai toujours avec moi
un peu de sainte huile destinée à l’extrême onction pour que ce
soit mieux l…
- JE NE
VEUX PAS LE SAVOIR !!! Mais enfin Père
Klus, ne pensez-vous pas que vous en faites un petit peu trop… ?
- Pardonnez-moi
Monseigneur, mais on nous a dit d’aimer notre
prochain comme nous-mêmes, et de tendre la joue gauche si nous
étions frappés sur la joue droite, ce que je fais !
- Je
vois, je vois… votre dévouement vous
honore, Père Klus, mais qu’attendez-vous de moi au juste ?
- Et
bien Monseigneur, j’aimerais un geste d’encouragement venant de
votre part, pour montrer que l’Eglise ne fait qu’un dans ce
combat noble qu’est l’aide à notre prochain. Bon je ne vous
dérange pas plus longtemps Monseigneur, je dois me rendre à une
manifestation réclamant la régularisation de tous les sans-papiers
du département… !
- Père
Klus, un petit moment je vous prie !
- Oui
Monseigneur ?
- Père
Klus, votre intervention m’a fait prendre
conscience de certaines choses, et c’est pourquoi j’ai décidé
de réagir… Timonde, fis-je en claquant des doigts à l’attention
de l’abbé qui nous écoutait silencieusement depuis le début,
assis sur une chaise dans un coin de la pièce, allez donc donner
« un coup de main » au Père Klus… !
Quelques
minutes plus tard je regardais pensivement les boucles de cheveux
blancs que l’abbé Timonde avait laissé tomber sur le parquet en
tondant le Père Klus de Sertitude.
- Tout
de même je ne sais pas ce qui leur prend, lança soudain l’abbé,
voila le douzième prêtre ce mois-ci qui nous fait le coup des
bondieuseries et compagnies envers le prochain, surtout quand il
vient de très loin… on dirait une épidémie !
- Oh il
ne faut pas trop leur en vouloir, Timonde, ils sont très fragiles
psychologiquement, et cette époque folle exerce une pression
impitoyable sur ces esprits faibles qui croient agir pour le Vrai et
le Bien. Tenez, il y a quelques jours de cela l’un d’eux, le Père
Hamptoire, a absolument insisté pour que l’on prête l’église
aux musulmans qui pratiquaient les sacrifices de l’Aïd ! Bon,
je ne lui en veux pas, il m’a ainsi involontairement fourni une
très belle moumoute pour le prochain mardi gras…
- Ah oui
je me souviens, répondit mon ami en finissant de balayer… au fait
c’est amusant mais… toutes ces mèches blanches sur le sol comme
ça… on dirait vraiment de la laine de mouton, vous ne trouvez
pas ?
Le monde de l’opéra
est, comme tout univers bien défini, marqué par ses traditions et
rites propres qui semblent plus ou moins confus pour un béotien.
A ce titre l'un des
domaines que l'on peut le plus difficilement appréhender se trouve
certainement au niveau de l'humour, car sachez-le, nobles lecteurs (il faut savoir flatter son public),
les amateurs d’opéra ont leurs blagues, comme les informaticiens,
et comme les informaticiens eux seuls sont capables de les trouver
drôles...
Ainsi, si pour les
informaticiens l'humour se base essentiellement sur la gueguerre
entre les partisans des Mac ou des PC (et les avanies de ces deux
systèmes), pour les amateurs d'art lyrique il s'agit le plus souvent
de piques contre les partisans de Verdi, de Puccini ou de Wagner, ou
bien contre telle ou telle catégorie de chanteurs ou de musiciens
d'un grand orchestre. Quoi qu'il en soit seuls les avertis peuvent
comprendre (et surtout apprécier... quoique...) le genre de boutades
que de fieffés galopins imaginent dans les coulisses des théâtres,
à l'entracte, dans la
longue queue qui mène aux lieux d'aisance...
Voici un exemple de ce
genre d'humour si particulier, ce qui ravalera les blagues
d'informaticiens au rang des aimables plaisanteries (presque)
supportables :
Cela se passe dans une
école primaire. Un jeune professeur de musique, fraîchement diplômé
s’apprête à donner son
premier cours à des
élèves qu'il n'a jamais côtoyés, ce qui le rend quelque peu
nerveux.
Il a néanmoins l’idée
de commencer par la présentation de Puccini, en se disant que ses
œuvres, assez faciles d’accès, sont sans doute les plus à
même d’intéresser des marmots au monde mystérieux de
l’opéra...
Giacomo Puccini, blasé,
qui se demande ce qu'il a fait pour mériter d'apparaître dans cette lamentable
histoire...
- Bien les enfants, fait
notre jeune dévoué à
l'art de Sainte Cécile, je vais vous parler aujourd'hui d'un grand
monsieur qui s'appelle Puccini, mais d'abord quelqu'un peut-il me
dire s'il a déjà entendu ce nom quelque part?
- …
- Allons, les enfants, je
suis sûr que l'un
d'entre vous a au moins une petite idée de ce qu'a fait ce
monsieur. Personne ne peut me citer une de ses œuvres?
- ......
- Bon euh... alors c'est un
monsieur qui a écrit des opéras originaux dont l'action se déroule
dans des pays exotiques, comme le Japon ou la Chine...
- …......
- Et euh... il a même
écrit un opéra qui se déroule au Far West
- ….........
- Vous connaissez le Far
West les enfants, j'en suis sûr,
vous savez, avec les cowboys
- ................
- Et euh... les indiens...
C'est alors que Toto, qui
doit tout de même avoir des parents mélomanes, sort soudain de sa
torpeur et lance, d'une petite voix timide :
Vous pouvez ainsi
constater que les informaticiens, geeks et autres no-life ne sont pas
les seuls à mériter
l'opprobre publique du fait de leur humour, disons, particulier...
A quand la réouverture
des bagnes pour nous débarrasser de tels individus... ?
Au fait, combien faut-il
de chanteurs d’opéra pour changer une ampoule électrique?
Pas plus tard que dimanche
dernier, alors que l’abbé Timonde et moi-même, votre humble
serviteur, prenions le frais après l'office du matin, nous vîmes
venir à nous mon vieil
ami Mhoussan, rabbin de son état, qui semblait dans un état
d'excitation tel que je sus tout de suite qu'un événement
particulier était sur le point de se produire.
- Cher évêque
Sécrable, me dit-il tout
de go, vite, il faut que vous veniez assister à
notre petite fête! Emmenez votre ami aussi, il est évidemment le
bienvenu!
- C'est que, répondit
l’abbé Timonde, je ne sais pas si je peux... j'ai encore beaucoup
à faire aujourd'hui :
préparer le cours de catéchisme, les sermons de la semaine...
- Mais ce ne sera pas
long! Et puis ça nous ferait tellement plaisir de voir des amis!
- Je dois également
donner des consignes aux frères pour les vêpres
- Mais c'est un moment
de recueillement unique, de haute spiritualité...
- En plus il faut que
je fasse répéter les enfants de chœur!
- Un moment de
communion intense, pour la gloire du Très Haut, vous ne pouvez pas
laisser passer cela...
- Il faut aussi que
finisse de préparer les bûchers pour les hérétiques du
week-end...
- Et il y a un buffet
gratuit, avec service à
volonté...
- Je viens...! fit
sobrement l’abbé Timonde avant d’emboîter le pas à
notre hôte...
Nous nous aperçûmes
alors que la cérémonie à
laquelle nous conviait mon ami n’était autre que la réunion
célébrant la circoncision de son petit dernier...
Nous fîmes ainsi
solennellement notre entrée dans une grande salle de la synagogue du
quartier dans laquelle étaient regroupées, devant une sorte
d'autel, des connaissances du Rabbin Mhoussan, alors qu'un peu à
l’écart nous aperçûmes un homme en train de préparer divers
instruments de chirurgie. Il s'agissait ni plus ni moins du Mohel, le
religieux chargé de la délicate opération...
Timonde et moi prîmes
place sur un banc à côté
d'une charmante jeune femme à
l’éblouissante chevelure châtain, et dont les rondeurs exquises,
parfaitement localisées, constituaient un argumentaire « de
poids » en faveur de la conversion. C'est du moins ce que je
crus lire dans les yeux de l’abbé, malgré la propension certaine
de mon compagnon à
loucher sur sa voisine.
Mais je n'eus que peu de
temps pour jauger des goûts de Timonde, car déjà le jeune enfant,
tout juste âgé de huit jours, était présenté à
l'homme de l'art, après les quelques prières rituelles... le
souffle coupé et les mains moites, tous les hommes de la salle (les
femmes étant étrangement bien plus détendues...) regardèrent le
Mohel se pencher sur le petit garçon encore endormi, le couteau à
la main.
Un cri retentit...
Tous se retournèrent vers
nous pour constater que l’abbé Timonde massait sa joue endolorie
tandis que sa voisine, visiblement furieuse, se levait pour changer
de place.
Lorsque le public porta de
nouveau son attention vers l'enfant, tous purent se rendre compte que
celui-ci venait de se rendormir, et que le Mohel rangeait ses
outils.
L'acte était terminé...
Nous prîmes
ensuite place dans une grande salle àmanger pour le repas promis par mon ami rabbin. A cette
occasion les yeux de l’abbé Timonde s’illuminèrent soudain, mais je
crus lire une pointe de déception lorsque celui-ci eut l'occasion de
goûter au fameux Gefilte fish, sorte de plat traditionnel à
base de poisson, improprement appelé “carpe farcie” en bon
français, et qui répand une odeur disons... caractéristique.
C'est ainsi que je fus le témoin de cette conversation entre le rabbin
Mhoussan et l’abbé Timonde, dont la couleur du visage virait au
vert pâle à
vue d’œil (ce qui présentait un contraste fort intéressant avec
le bleu de sa joue meurtrie) :
- Cher Timonde! Je vois
que vous venez de découvrir notre savoureuse spécialité de
Gefilte fish!
- Hein? Ah euh... oui
oui
- Savez-vous qu'en
1967, lors de la guerre dite “des six jours”, ce plat a sauvé
la vie de mon père alors qu'il était soldat dans le désert ?
- Comment cela?
- Hé bien il avait été
séparé de son unité et seul, errant dans le Sinaï, il n'a eu la
vie sauve que grâce à ses provisions de Gefilte fish qui lui ont permis de tenir et de
retrouver ses camardes de régiment
- Vous voulez dire
qu'il... les a mangées?
- Ben oui...
- C'est curieux mais...
je me disais qu'elles lui auraient été plus utiles pour se
défendre, comme en balancer sur les positions ennemies par
exemple... ça doit être radical !
- Ah mais comment
croyez-vous que nous avons fait pour gagner la guerre en seulement
six jours...?
Le reste du repas se passa
sans histoire, et Timonde et moi prîmes
bientôt congé de nos sympathiques hôtes, non sans jeter un coup
d’œil ému aux farandoles d'enfants qui s’égayaient dans la
salle, à la grande joie
des adultes présents.
Notre dernier regard fut
d'ailleurs pour une ronde de ces charmants bambins qui entouraient
l'auguste religieux ayant pratiqué le rituel, en lui chantant une
petite comptine qu'ils lui avaient spécialement dédiée, sur un
air étrangement familier :
Hier matin, alors que
j'errais tranquillement sur Internet en mâchant distraitement mes
biscottes, mon œil torve, quoique relativement peu ouvert du fait de
l'heure matinale, fut soudain frappé par une nouvelle étonnante
qui, l'espace d'un instant, me fit oublier les drames et catastrophes
divers qui ponctuaient une fois de plus la marche du monde.
Depuis son avènement, un
beau jour de mai de cette année, ce blog venait tout juste de passer
la barre symbolique des mille visites...!
Oui lecteur (presque) en
nombre, je sens ta stupeur à
cet instant précis en lisant cette information incroyable : mille
fois des personnes d'horizons divers ont trouvé le chemin vers ce
lieu de débauche aux relents méphitiques et
méphistophéliques, dont près de quatre-vingt dix pour cent, il
faut bien le dire, par pur accident, ces derniers ayant très vite
décampé une fois leur erreur comprise.
Ce qui nous donne tout de
même environ dix pour cent d'inconscients, ce que je trouve plutôt
inquiétant...
J'imagine volontiers que
ces dix pour cent de lecteurs réguliers se sont échoués un beau
jour sur ces rivages virtuels tels de majestueux cadavres de baleines
dégageant une forte odeur de musc et de chair en décomposition. Au
départ, chers lecteurs, vous étiez l'heureux propriétaire d'un
cœur pur, d'une âme d'enfant, vous aviez des étoiles plein les
yeux, vos lèvres renvoyaient l’écho d'un rire blond d'adolescent
qui sait qu'il a toute la vie devant lui, et puis tout a changé à
cause de ce que vous avez trouvé sur ce blog nauséeux.
Le monde vous est alors
apparu laid, sans saveur, rempli de personnages aux actes et aux
pensées navrants. Comble de l'horreur, quelques-uns d'entre vous ont
même ri à mes blagues
pitoyables, ce qui est typique d’âmes perverses sur la voie de la
chute et de la perdition (en clair à
votre place je m’inquiéterais...). Vous avez en outre été
plusieurs à lire, à
mesure qu'ils se publiaient sous vos yeux ébahis puis incrédules,
les différents chapitres de ma nouvelle « 2011, une satire
nauséabonde », et pire, certains d'entre vous l'ont aimée...
Il existe ainsi des êtres
totalement égarés dans cet univers lugubre et dément, et qui se
raccrochent au mince espoir matérialisé par ce blog, car sinon
comment expliquer que j'ai des visiteurs revenant sans cesse comme
des épaves à la dérive
en mal de paradis artificiels ? Mais rassure-toi ami lecteur, ce
mal insidieux qui te pousse à
venir consulter mes articles sans intérêt peut se guérir. Non ce
n'est pas une fatalité que de lire les délires insipides de
l’évêque Sécrable, et
tu n'as pas à en avoir
honte. Ce n'est pas sale, tu peux m'en parler...
Malheureusement je ne
connais pas de remède miracle, sinon cela fait longtemps que
j'aurais arrêté ce blog (et oui je me lis également, pauvre
lecteur désœuvré, et comme toi je me demande comment il est
possible de publier un tel amas d’insanités, mais j'y reviens
toujours, tel un junky condamné à
se rapprocher toujours de l'objet de ses tourments). Mais
accroche-toi, lecteur en quête de vérité et d'absolu, et un jour
toi aussi tu pourras décrocher, et jamais plus tu n'entreras dans
ton moteur de recherche favori les mots-clefs maudits menant à
mon antre. Avec un peu de chance tu pourras même trouver des blogs de substitution qui ont déjà fait leur preuve, et qui te soutiendront sur le chemin semé d’embûches de la délivrance.
Oui, un jour tu seras en paix...
En attendant ce jour béni,
promesse d'une nouvelle naissance et d'une nouvelle virginité pour
ton âme désespérée, je tiens à
te remercier, ami lecteur, pour ta dépendance à
mon blog, car c'est bien ce qui me donne l'impression de ne pas
prêcher dans le désert, ce qui est toujours quelque peu rébarbatif
pour un évêque digne de ce nom.
Allez mon enfant, tu peux maintenant aller vaquer à de plus saines occupations, le jour de ta délivrance approche...
Internaute en perdition surpris en train de lire le blog de
l’évêque Sécrable
Oui
cher lecteur fidèle à
ce blog malgré son inanité et ses parti-pris, évoquer le
chef-d’œuvre de Mozart est à
peu près aussi original que citer “Citizen Kane” dans la
catégorie “films de légende”, “la Joconde” dans celle des
plus grandes œuvres picturales de tous les temps, ou les clips de
Lady Gaga dans celle des bouses musicales les plus consternantes de
ce début de siècle, tant nous parlons ici d'incontournables... en
effet cet opéra, l’opéra des opéras, le Graal de l'art lyrique,
compte parmi les joyaux de l’humanité, et pourtant c'est à
la tâche
éprouvante d’écrire un article à
son sujet que je m'attelle aujourd'hui ; c'est dire si je vais devoir
me battre pour tenter de donner un certain intérêt à
ma prose dont le thème a déjà été traité en de maintes
occasions, et souvent brillamment.
Bien
entendu sous le nom italianisé de Don Giovanni se cache le mythique
personnage de Don Juan, le sulfureux séducteur dont la soif de
liberté et la lutte contre les entraves de toute morale ont fasciné
les plus grands écrivains, de Tirso de Molina à
Byron en passant par Molière (excusez du peu...), ce qui a eu pour
effet de donner à
cette légende de multiples visages, parfois opposés. L’œuvre de
Mozart, dont Da Ponte a écrit le livret, constitue en quelque sorte
un condensé de toutes les influences littéraire qui ont fait Don
Juan lorsque l’opéra a vu le jour en 1787.
Mais
tout d'abord qui est Don Giovanni, alias Don Juan? Il s'agit, dans la
production qui nous occupe ici d'un jeune noble pourvu de tous les
vices, ou presque. En plus d’être un séducteur sans scrupule il
est vil, menteur, tricheur, manipulateur, amoureux du luxe,
exploiteur des classes subalternes, il
aurait bien aimé voter DSK et
entre la veuve et l'orphelin son choix est vite fait...
Il
nous faut toutefois reconnaître que le Don Juan de Da Ponte, le
librettiste de Mozart, est proche de la caricature et ne revêt pas
l’épaisseur et la complexité du Don Juan de Molière qui se
révèle plus troublant, plus humain (on citera ainsi la scène du
mendiant qu'il oblige sans succès à
blasphémer avant de lui faire grâce de l’aumône (« pour
l'amour de l’humanité »), et surtout celle du jeune homme
qu'il sauve d'une attaque de bandits, épisode durant lequel il se
montre sous un jour noble et désintéressé). Au contraire le Don
Juan de l'opéra est présenté sous un jour sans cesse lâche et
trompeur, sauf peut-être dans la fameuse scène de sa confrontation
avec la statue du commandeur. Mais assez de bavardage et “déflorons”
(le sujet s'y prête bien) dès
maintenant l'intrigue...
Tout
d’abord l’ouverture, l’une des plus belles et des plus
audacieuses, assurément, jamais composées pour un opéra, et qui
donne une idée du destin tragique qui attend ce personnage
particulièrement picaresque :
Le
premier acte s'ouvre sur une habitation espagnole cossue devant
laquelle Leporello, le valet de Don Giovanni, monte la garde.
Leporello (Sganarelle chez Molière) est un serviteur complexe, à
la fois fasciné et révulsé par le comportement de son maître.
Certains commentateurs y ont vu un Don Juan raté, par excès de
lâcheté ou de morale, vivant par procuration la vie trépidante de
son inquiétant patron. Toujours est-il que profitant d’être seul,
l'homme se plaint de l'existence besogneuse qu'il doit vivre dehors,
dans le froid et la pluie, tandis que Don Giovanni reste au chaud à
courtiser les belles.
Justement
en parlant du loup, le vert galant fait son entrée, seulement
vêtu d'une serviette de bain Sofitel et poursuivant une femme de
chambre le visage caché par un
masque, et à
la poursuite de Donna Anna, la jeune femme qui habite les lieux,
visiblement peu intéressée par la perspective de jouer au docteur
avec le bel hidalgo, la médecine en ce temps là
n’étant que peu développée. Mais alors que le jeune pervers la
rattrape, il est dérangé dans le « plan B » de sa
tentative de séduction (il doit ainsi passer du « hé
mam’zelle, mam’zelle, vous avez euh… plein d'étoiles dans vos
yeux… hé
Mouloud c’est bien comme ça qu’on dit ? » au « hé
vas-y, fais pas ta tepu, je suis directeur
du FMI un grand d'Espagne, allez t'as un 06? »
comme dans maintenant 80% des cas en banlieue : Don Juan, un
séducteur moderne…) le père de la demoiselle, que nous nommerons
« le commandeur » apparaît et le défie à
l’épée. Mal lui en prend car le patriarche finit embroché par la
lame acérée (et pas autre chose) de Don Giovanni, ce qui donne
l'occasion aux deux larrons de s’éclipser discrètement, tandis
que la pauvre Donna Anna pleure son défunt géniteur en compagnie de
son soupirant, Don Ottavio.
Nous
retrouvons le duo Don Giovanni-Leporello errant un peu plus loin,
alors que le valet se décide à
révéler à
son maître combien il trouve sa conduite scandaleuse (surtout qu'il
ne lui laisse jamais les « miettes »), mais il s’aperçoit
rapidement que son employeur ne fait aucunement attention à
ses dires, tous ses sens étant mis en alerte par l’arrivée
impromptue d'une femme, que bien entendu Don Giovanni s'empresse de
courtiser... erreur ! La nouvelle venue, il s'en rend compte
trop tard, n'est autre que... son ancienne femme, Donna Elvira, qu'il
a abandonnée bien lâchement (mais quelle était la probabilité
qu'il tombe ainsi, par hasard, justement sur elle???). Pris au
dépourvu, notre Bill Clinton espagnol ne trouve rien de mieux que de
laisser à
Leporello le soin de distraire l'attention de son épouse en colère
(on le serait pour
moins que cela) afin de bénéficier
du temps nécessaire pour détaler, tâche
dont le malheureux serviteur s'acquitte à
merveille en montrant à
Donna Elvira un ouvrage volumineux contenant le nom de toutes les
conquêtes de son maître dans les pays qu'il a visités. C'est le
fameux « air du catalogue », l'un des plus beaux morceaux
de l’art lyrique pour baryton, dans lequel nous apprenons entre
autres que Don Giovanni a déjà séduit mille et trois femmes rien
qu'en Espagne, l’Italie et la France étant quant à
elles soumises à
la concurrence féroce de Berlusconi et de DSK (et c'est à
ce moment là qu'une angoisse saisit
le spectateur mâle
en songeant au troupeau innombrable des belles-mères acariâtres
parties à
la poursuite de Don Giovanni... la solidarité masculine, que
voulez-vous).
Tout à
leur fuite éperdue, Leporello et son maître se retrouvent au beau
milieu d'une fête villageoise qui célèbre les noces de Masetto et
Zerlina, deux paysans du coin qui pour leur malheur croisent ainsi le
chemin du vil séducteur, car le noble espagnol n'a de cesse, dès
qu'il l'a vue, d’éloigner la jeune ingénue de son fiancé pour en
profiter bassement lui ouvrir les
yeux (non mais où
va-t-on si on laisse les belles s'unir à
de sales pauvres...???). Leporello quant à
lui, voyant que l’assemblée est pleine de ravissantes jeunes
filles en fleur à
l'ombre desquelles il aimerait bien perdre un peu de bon temps
(coucou Marcel!) tente sa chance auprès d'une des petits
campagnardes, en tentant d'imiter son employeur dans l'art délicat
de la séduction... las, sa technique rappelle davantage la subtilité
d'un Delanoë tentant de draguer l'électorat musulman, et le pauvre
valet a tôt fait de se prendre une gifle bien sentie. Mais il
retrouve bientôt ses esprits quand Don Giovanni lui demande de
distraire toute l’assemblée avec moult vins et chansons pendant
que lui sera seul avec la belle Zerlina...
Mais
alors que le jeune hidalgo s’apprête à
lui montrer sa euh... richesse (superbe duo « la ci darem la
mano ») voilà que débarque Donna Elvira qui sauve la naïve
jeune fille des griffes du satyre ne songeant qu’a se « divertir ».
Déçu et furieux Don Giovanni s’éloigne, la
queue entre les jambes, mais à
peine a-t-il fait quelques pas qu'il tombe sur Donna Elvira et Don
Ottavio qui, heureusement pour lui, ne le reconnaissent pas. Il
entame donc la conversation avec eux, comme si de rien n’était,
mais c'est sans compter sur l’arrivée de Donna Elvira (une fois de
plus... je crois comprendre pourquoi Don Giovanni l'a abandonnée)
qui révèle au couple combien son volage de mari est un homme bas et
haïssable. C'est l'occasion pour Mozart de composer un fantastique
quatuor. Notre obsédé de service réussit tant bien que mal à
se débarrasser, une fois de plus, de son ancienne femme (mais il
n'ose toujours pas la faire passer de vie à
trépas ce qui aurait pour avantage de la calmer définitivement...
tssss petit joueur!) mais il se trahit en saluant la compagnie, car
sa voix et ses expressions rappellent celles de son agresseur à
Donna Anna... dès
lors la jeune femme comprend tout et, racontant la terrible nuit à
Don Ottavio, demande à
ce dernier de la venger (superbe air « Or sai chi l'onore »).
Don
Giovanni quant à
lui retrouve Leporello et lui fait part de son projet de donner le
soir même une grande fête en sa demeure pour les convives du
mariage de Masetto et Zerlina, afin de profiter de la présence de la
jeune fille (c'est le célèbre air dit « du champagne »)
Alors que
les préparatifs de la soirée battent leur plein, Zerlina retrouve
Masetto et lui demande de lui pardonner sa conduite, mais Don
Giovanni, le maître des lieux, les aperçoit et les fait entrer,
coupant court à toute
discussion. Au même moment Don Ottavio, Donna Anna et Donna Elvira,
qui ont tous les trois revêtu des costumes de bal masqué s'invitent
incognito à la fête sans
que Leprello ou son patron puissent les reconnaître. Le piège
semble se refermer sur Don Giovanni …
Ainsi,
alors que ce dernier ne se doute de rien, il invite Zerlina à
danser et, se montrant particulièrement pressant, tente de l’écarter
du groupe des invites, mais la jeune femme appelle à
l'aide, incitant par la même Don Ottavio et ses deux compagnes à
passer à
l'action. Don Giovanni, éberlué, tente de s’échapper en
utilisant la plus basse des excuses de celui pris la main dans le
sac, la fameuse défense dite du « Zyva hé m'sieur c'est pas
moi, hé sale bâtard tu m'accuses pas j'ai rien fait ! »
en faisant porter le chapeau à
Leporello, ce qui lui donne le temps d'échapper à
la vindicte populaire...
A noter que
ce final est l’un des plus étourdissants qu’a écrit Mozart,
digne de celui du deuxième acte des « Noces de Figaro »
(et ce n’est pas peu dire…).
Le
rideau se relève sur un duo à
un rythme effréné entre Don Giovanni et son valet, lequel
n’apprécie visiblement pas de servir de bouclier humain dans les
situations désespérées (il aime se plaindre pour un rien… un bon
coup de bastonnade à
la mode de l’Ancien Régime le calmerait quelque peu), mais ses
réticences à
servir de nouveau l’objet de ses tourments sont vite calmées
lorsque son maître lui offre une prime pour l’aider de nouveau,
car il a repéré une nouvelle proie qui n’est autre que la femme
de chambre de Donna Elvira (les femmes de chambre constituent bien
des cibles de choix pour les séducteurs de toutes les époques), et
pour arriver à
ses fins, Don Giovanni a concocté un plan particulièrement subtil,
sachant qu’il cherche à
éloigner son ancienne femme pour pouvoir compter plus facilement
fleurette à
la demoiselle…
Et toi
lecteur (et surtout lectrice) esbaudi, en état de transe admirative
passionnée devant ce blog digne d’une des sept ou huit, je ne sais
plus, merveilles du monde (youhou il y a quelqu’un ??) qui lit
cela, à
la place de Don Giovanni, de quel stratagème userais-tu pour te
débarrasser de Donna Elvira ? On pourrait par exemple imaginer
Leporello lui portant un message de la part de son patron, lui
demandant de se rendre à
l’instant, pour une affaire urgente, dans un endroit fort éloigné,
ce qui aurait pour avantage de rendre Leporello disponible pour
monter la garde devant la maison de la dame pendant que le jeune
noble « s’affaire » à
l’intérieur… et bien non, pas de cela ici, Don Giovanni est bien
plus malin que toi, lecteur (ou lectrice) esbaudi, il va profiter de
l’obscurité de la nuit pour … échanger son costume avec celui
de son serviteur et demander à
ce dernier d’imiter sa voix et ses gestes pour occuper Donna
Elvira… le genre de « ruse » qui n’a pas une chance
sur mille de réussir dans la vraie vie, car je crois que même parmi
les membres du fan-club de Yannick Noah il n’est pas possible de
trouver une gourde assez cruche pour ne pas savoir distinguer, y
compris en pleine nuit, un ancien amant avec lequel elle a tout de même
partagé une partie de sa vie, de son homme de main. C’est là
l’une des grandes faiblesses des opéras que Mozart a composés
avec Da Ponte ; le recours à
une ficelle scénaristique
grosse comme un câble d’ascenseur pour arriver à
l’épilogue, et c’est un stratagème que nous retrouvons
également dans « les Noces de Figaro » et « Cosi
fan tutte »… mais Da Ponte, le librettiste, n’est pas
l’unique responsable de ce type de coup de théâtre foireux. Il
faut plutôt remettre ce genre d’histoire dans la tradition de la
littérature picaresque de l’époque qui multipliait les péripéties
les plus incongrues, pourvu que le récit contienne son lot de scènes
bouffonnes ou palpitantes.
Donc passons
sur ce stratagème proprement consternant et poursuivons, d’autant
plus qu’il nous faut bien avouer que la musique de Mozart rattrape
largement les faiblesses du livret…
Nous
retrouvons ainsi Don Giovanni et Leporello, grimés l’un en
l’autre, occupés à
tromper la pauvre Donna Elvira. Ainsi Leprello s’éloigne avec
celle qui fut l’épouse de son patron, tandis que notre obsédé de
compétition chante une fort belle sérénade à
la servante (ça c’est la classe, prenez-en de la graine, vous qui
galérez dans l’art bien difficile de la séduction, c’est quand
même autre chose qu’une 206 tunée,
hein…)
C’est
alors que Masetto et quelques-uns de ses amis font leur apparition,
armés de fourches et de bâtons, histoire de montrer à
l’indélicat libertin comment s’amuser de façon plutôt virile
avec ces charmants instruments. Prenant le noble espagnol pour son
valet, Masetto lui demande naïvement de le renseigner sur l’endroit
où
son maître pourrait se cacher. Don Giovanni parvient habilement à
éloigner la menaçante compagnie et, prenant prétexte d’examiner
les armes de Masetto, le désarme et lui fait subir le sort qu’il
voulait lui réserver. Ainsi jeunes gens candides qui me lisez
peut-être, sachez vous méfier de l’importun qui vous dirait
« Quoi ? Tu possèdes un Magnum 357 pour te défendre
contre un agresseur éventuel qui voudrait te délester des cinq
mille euros cash que tu transportes actuellement ? Comme tu as
raison, mais donne-moi tout de même ton arme histoire que je vérifie
qu’elle est bien chargée, on n’est jamais trop prudent… ».
Les personnages d’opéra sont souvent d’une naïveté touchante…
Don Giovanni
parti, Masetto, donc, gît par terre, bien amoché, mais son calvaire
ne dure pas longtemps car Zerlina l’aperçoit et court à
sa rescousse… s’ensuit une scène au cours de laquelle la jeune
paysanne, bien moins innocente qu’il n’y paraît,
use de paroles fort bien imagées pour réconforter son pauvre
Masetto, en lui faisant miroiter ce qui l'attend lorsque les deux
tourtereaux seront enfin tranquilles…
Pendant
ce temps Leporello, toujours occupé à
tromper Donna Anna sur sa véritable identité, voit arriver à
lui Don Ottavio et Donna Anna qui le prennent pour son maître. Le
pauvre Leporello, se voyant menacé de toutes parts, est obligé de
se démasquer pour sauver sa vie, mais devant le refus de ses
adversaires de lui pardonner, parvient à
s’enfuir sans être rattrapé. Oui dans cet opéra, Don Giovanni et
Leporello maîtrisent parfaitement l’art de l’esquive et des
accélérations soudaines, au contraire de leurs ennemis qui semblent
tous être de pathétiques tétraplégiques ou de simples feignasses
tant la perspective de devoir courir trente secondes après les deux
gredins semble représenter pour eux un effort surhumain.
Don
Ottavio et Donna Elvira s’éloignent à
leur tour, méditant leur vengeance, laissant Donna Elvira seule.
C’est l’occasion pour elle, dans un somptueux air, sans doute
l’un des plus beaux pour soprano (le fameux « Mi tradi
quell’alma ingrata »), de s’avouer que, malgré toutes ses
turpitudes, elle aime toujours Don Giovanni, passionnément, et
tremble à
l’idee qu’il pourrait lui arriver « un accident
regrettable » (genre le frein à
main de sa Punto qui cède « mystérieusement », le
faisant plonger dans le bassin du port de St Martin-sur-mer alors
qu’il était justement occupé sur la banquette arrière en
charmante compagnie. C’est ce qui s’appelle disparaître avec
classe…).
Mais
comme nous parlions de Don Giovanni justement, nous le retrouvons
avec Leporello, caché
dans un cimetière. Alors qu’il narre sur un ton hilare à
son éternel souffre-douleur ses dernières aventures, il est coupé
net par une voix d’outre-tombe qui affirme qu’il aura cessé de
rire au lever du soleil… mmmmh une voix d’outre-tombe… dans un
cimetière… la nuit… sans doute quelque fieffé nécrophile qui
leur font une blague en contemplant le ciel étoilé avec sa nouvelle
conquête fraîchement déterrée, se dit Don Giovanni. Mais non…
la voix, ils s’en rendent bientôt compte, provient en réalité de
la statue du commandeur que Don Giovanni a tué en duel au tout début
de l’opéra. Partagé entre la surprise et la crainte, le libertin
trouve toutefois assez de morgue pour inviter la statue à
dîner chez lui, par l’entremise de Leporello qui manque de
s’évanouir.
Pendant
ce temps, un peu plus loin, Don Ottavio, qui commence à
perdre patience, explique à
Donna Anna que, d’accord elle vient de perdre papa, tué sous ses
yeux par un gredin qui a manqué de la violer, et tout cela il y a à
peine quelques heures, mais que bon, lui il est là,
plein de sève et d’énergie, que la vie continue, tout ça… et
qu’il aimerait bien que sa fiancée consente enfin à
l’épouser, histoire qu’il puisse se taper autre chose que des
déconvenues en série dans cette regrettable histoire. Peine perdue,
Donna Anna, pour ne pas avouer qu’elle est en fait terriblement
frigide, prétexte le deuil de son père dont le cadavre est encore
relativement tiède (le chat continue de faire sa sieste dessus), et
que tant que ce dernier ne sera pas vengé, pas question de fricoter
en bon uniforme avec la bénédiction de monsieur le curé (les
femmes ne savent plus quoi inventer pour échapper à
leurs devoirs, je vous jure…). Pour la petite histoire, sachez que
l’air que chante le personnage de Donna Anna à
cet instant précis a été particulièrement critiqué par Berlioz
qui lui reprochait ses vocalises outrancières et gratuites. Cela ne
me choque pas pour ma part, et tout en reconnaissant que nous ne nous
trouvons pas là
devant la plus belle partie de l’œuvre, je dois dire que le
morceau passe plutôt bien.
Mais
trêve de bavardage faussement érudit, car nous arrivons à
la grande scène de l’opéra, celle du repas final… en effet Don
Giovanni fait une entrée princière dans la salle à
manger de sa demeure, alors que de nombreuses femmes sont accrochées
à
ses bras, et demande à
ce qu’on le serve sans plus attendre, tandis que les musiciens
jouent des airs plaisants pour accompagner le dîner (on reconnaîtra
d’ailleurs au passage l’un des airs des « Noces de
Figaro », le « non piu andraï,
farfallone », petit clin d’œil de Mozart à
lui-même).
Alors
que le libertin savoure son repas, tout un dialogue en aparté (je
précise « en aparté » parce que chacun des deux
protagonistes commente l’action au lieu de s’adresser directement
à
son interlocuteur) a lieu entre lui et son valet, Leporello faisant
part de son ahurissement devant l’appétit pantagruélique de Don
Giovanni qui ne lui laisse rien. On comprendra aisément qu’ici la
nourriture désigne en réalité indirectement les femmes dont Don
Giovanni fait une consommation effrénée, ce qui constitue un moyen
imagé de montrer que les demoiselles ne sont, pour notre libertin,
qu’une source de plaisirs au même titre que la bonne chère et le
vin. Mais alors que Don Giovanni est tout à
son engloutissement de victuailles, qu’elles aient arboré, il fut
un temps, plumage, pelage, ou jupons, l’inévitable Donna Elvira
(oui, encore elle… quand je disais que notre homme aurait dû
s’en débarrasser une bonne fois pour toutes) fait son entrée pour
supplier son ancien mari, une dernière fois, de renier sa vie de
débauche et de retourner avec elle. Tentative vouée à
l’échec, et c’est sous les railleries de Don Giovanni que Donna
Elvira, penaude, se sauve. Mais son cri résonne soudain sous les voûtes de la grande salle, et tous de s’enfuir, terrifiés. Don
Giovanni demande à
Leporello d’aller voir qui est à
l'origine de tout ce raffut, mais le pauvre valet revient bientôt,
vert de peur, affirmant qu’un imposant homme en blanc s’avance,
et effectivement la statue du commandeur apparaît devant le libertin
incrédule.
Nous
voici donc à
la fameuse scène de la confrontation entre Don Giovanni et la statue
de l’homme qu’il a tué. Elle est très brève chez Molière,
mais chez Mozart et Da Ponte elle dure une bonne dizaine de minutes
et représente l’une des pages les plus saisissantes de tout l’art
lyrique. Je dirais même que si parmi toutes les œuvres qui ont été
composées pour la scène il ne fallait en choisir qu’un seul
extrait, c’est sans doute ce fameux morceau de génie qu’il
faudrait sélectionner…
La
statue fait donc son apparition, dans la stupeur générale, et
propose à
son tour à
Don Giovanni de se repentir et de venir dîner avec elle. J’écrivais
plus haut que le Don Juan de Mozart était moins complexe et plus
caricatural que celui de Molière, tant il semble collectionner les
défauts, sans rien pour le racheter, mais il faut toutefois lui
reconnaître un certain courage, et c’est en avançant la tête
haute que Don Giovanni accepte enfin son destin, au lieu de fuir
comme à
son habitude. Il serre donc la main de la statue en signe d’accord,
celui d’un homme libre et que nul ne peut soumettre, et se voit
instantanément projeté dans les flammes de l’enfer, sous l’œil
terrifié de Leporello…
Alors
que tout est fini, les autres protagonistes de l’opéra font leur
entrée sur la scène, évoquant la disparition du noble à
la vie dissolue. Chacun révèle ce qu’il compte faire, maintenant
que l’objet de ses tourments n’est plus : Donna Elvira annonce
qu’elle va entrer au couvent, comprenant que décidément plus
aucun homme ne veut d’elle, Masetto et Zerlina vont finir de se
marier, Leporello va pointer à
l’ANPE, et alors que Don Ottavio s’élance, la braguette déjà
ouverte, sur Donna Anna, celle-ci lui annonce tout de go que
dis-donc, cette affaire l’a fortement remuée, aussi préfère-t-elle
attendre encore un an avant d’épouser qui que ce soit…
L’opéra
se clôt sur nos personnages se réjouissant de la disparition du vil
malandrin et du triomphe de la morale (à
l’exception toutefois de Don Ottavio, parti se jeter sous un métro,
ce qui, avouons-le, représente une certaine gageure dans l’Espagne
du dix-huitième siècle…).
Il y
aurait encore beaucoup à
dire sur cet opéra, sa richesse musicale exceptionnelle, la
psychologie de ses personnages, en particulier, bien entendu, Don
Giovanni, qui représente en quelque sorte l'homme libre de toute
emprise morale, jusqu'au dénouement fantastique face à
l'imposante statue, symbole de la loi divine écrasante (superbe
scène philosophique quand on y pense, très prométhéenne...).
Quoi
qu'il en soit, comment ne pas comprendre que cette œuvre représente,
pour des milliers d'amateurs à
travers le monde, l'une des plus belles œuvres de l'art lyrique ?
Comment ne pas voir que Mozart a composé là
l'un de ses plus grands chefs-d’œuvre, et surtout comment, lecteur
admiratif, comment en suis-je réduit à
écrire une conclusion aussi pourrie... ???
- Oui ben si tu dépensais
moins que j'arrive à
récolter comme recettes ce serait plus facile...
- Comment ça?
- Ben ton avion là
, « Sarko one »,
il coûte une fortune... tu avais vraiment besoin d'un monstre pareil? Et ta grosse voiture? Et ta grosse monstre? Et ton gros stylo?
C'est pas possible, tu as besoin de compenser quelque chose ou
quoi???
- Qu... quoi,
qu'est-ce-tu veux dire?
- J'ai lu un
article écrit par un grand psychologue, même que c’était dans
une revue de référence comme “Science”, “Nature” ou “FHM”,
je ne sais plus, et bien il disait que ceux qui éprouvent le besoin
de posséder de gros véhicules, comme des voitures ou des avions, le
font pour compenser un défaut physique, mais je ne sais plus quoi...
- Mais... mais
c'est pas vrai! Demande à
Carla d'abord! Elle te dira que ma... euh bon enfin bref, tu la
résorbes la dette alors?
- Minute, minute...
alors une taxe sur les boissons sucrées, une taxe sur les perruques
en poil de lama... non c’était pour une raison bien particulière,
mais ça va me revenir... une taxe sur les poitrines siliconées, une
autre sur les poitrines en fibre de carbone, une taxe sur les nains
de jardin... un problème physique bien précis... une taxe sur les
déclarations d’impôt, une taxe sur la taxe sur la déclaration
d’impôt...
- Non mais euh...
c'est... c'est.... euh... c'est passke quand j’étais gosse j'adorais les grands manèges, alors euh... les gros avions, les grosses voitures, les grosses motos devant et derrière, les gros hélicos
tout ça en même temps, ça me manquait.... hein, tu vois, pas
d'disgrâce physique à
compenser, hein... hein !
- … une taxe sur
l’élevage de vers solitaires en appartement... ah oui, d'accord,
ça expliquerait pas mal de choses dans ce cas... une taxe sur les
culottes de cheval...
- Hein!? Mais
quelles choses???
- … une taxe sur
les slips kangourous… oh rien, juste la sensation que depuis plus
de quatre ans, avec toi comme président, on n’arrête pas de
tourner en rond...
Oui je n'ai pas trouvé de
titre plus pompeux et moins original, mais je cherche, ne désespérez
pas...
Ce petit mot pour parler
de ce qui est, à mes
yeux, une belle hypocrisie progressiste de notre époque bien
bordélique complexe.
Ainsi, combien de fois
entends-je, ou lis-je dans les média ou les journaux à
grand tirage qu'il est scandaleux de faire encore une distinction
entre les français dits « de souche » et les descendants
d’immigrés de la troisième ou quatrième génération, sous
prétexte que ceux-ci s'appellent Mohamed ou Mamadou ?
Bon d'accord, mais à
qui la faute?
Il est certes très facile
de se plaindre de discriminations plus (ou moins) fantaisistes, mais
quand tout dans son attitude ou l’identité que l'on affiche
revendique une différence, et même une séparation assumée,
comment s'en étonner?
Je m'explique : lorsqu'au
bout de la troisième génération on continue à
étrenner un prénom qui sent bon le terroir africain, aussi
harmonieux soit-il, ou à
se promener en voile, en boubou ou en kami dans les rues de Paris ou
d'ailleurs, vous croyez que c'est gratuit et qu'il n'y a pas de
signification derrière (autre que religieuse)? En fait ces prénoms,
certes non choisis mais donnés par les parents (qui ont également
leur part de responsabilité) et ces vêtements “exotiques”,
aussi ravissants et colorés qu'ils soient, portent le même message,
qui est le suivant : “Je m'installe chez toi, occidental, mais je
refuse de partager tes valeurs et tes coutumes parce que je les
méprise ou au mieux n'en ai absolument rien à
faire. Ainsi ton pays, son histoire et ses traditions je m'en
balance, et je préfère te montrer que je vis en
opportuniste car je ne veux en aucun cas te ressembler ; je n'ai
aucun égard pour toi, mon hôte,
qui pourtant m'accueille et m'offre même sa nationalité, et de ce fait je me fiche de t'offenser par mon comportement. En revanche je n'accepterai aucune offense de ta part...”
Oui, cela peut paraître
exagéré, agressif, mais c'est exactement ce que cela signifie.
C'est exactement ce que l’hôte ressent, de façon inconsciente ou
non, devant un « compatriote » qui affiche ainsi une
différence revendiquée.
Je n'ai pas employé le
mot “mépris” par hasard. En effet quand on s’intéresse aux
relations que les communautés entretiennent entre elles dans un même
pays occidental, on se rend compte que souvent c'est un cloisonnement
qui y règne, sans être toujours imposé, comme on pourrait le
croire, par la culture dominante. Cet hermétisme naît aussi,
souvent, du refus des nouveaux venus, ou de leurs descendants, de
voir l'un des leurs s’éloigner des traditions du clan pour épouser
le mode de vie occidental. D’où des tensions qui peuvent parfois
déboucher sur des drames comme les crimes d'honneur sur notre propre
sol. Si cela n'est pas une marque du plus haut mépris pour les
occidentaux, qu'est-ce...?
Alors si vous vivez sur
notre sol et que vous voulez vous faire respecter, montrez que vous
avez à cœur de vous
assimiler (oui j’écris bien “assimiler”, ce mot si
nauséabond...).
On est en France bordel! Appelez vos enfants Brenda ou Kevin comme tout le monde...!