- Monseigneur
ce… c’est affreux !
Je
levai les yeux de mon écran d’ordinateur,
où je passais en revue la dernière collection printemps-été de
monokinis présentée par Jessica Alba (je cherchais désespérément
une idée de cadeau de Noël destiné à sœur Angélique), pour voir
débouler dans mon bureau de l’évêché la silhouette massive et
voûtée du Père Klus de Sertitude.
- Tiens
Père Klus, quel euh… bon vent vous
amène, fis-je en tentant de dissimuler ma grimace
- Monseigneur,
dit-il en reprenant péniblement son
souffle, les… les fidèles musulmans de la commune, ce n’est plus
possible, il faut faire quelque chose !
- Quoi
les fidèles musulmans, que se passe-t-il ?
- Monseigneur,
ils n’ont pas le chauffage dans la salle de prière qui leur a été
octroyée par la mairie !
- Et alors ?
- Alors
nous ne pouvons pas rester ainsi les bras croisés tandis que nos
prochains sont dans le besoin ! L’hiver arrive !
- Et que
proposez-vous donc ?
- C’est
déjà fait, je leur ai donné les radiateurs électriques que nous
avons à la petite chapelle du village. Bon, nos paroissiens auront
un peu froid durant les offices, mais c’est pour une bonne action
- Mmmmm…
, fis-je simplement en tirant sur mon cigare qui continuait de se
consumer dans ma main.
- Mais
il y a plus grave en fait, Monseigneur, savez-vous qu’ils n’ont
pas les moyens d’achever la construction de la mosquée-cathédrale
qu’ils avaient prévu d’inaugurer l’an prochain ?
- Ah…
c’est ballot. L’Arabie Saoudite serait donc elle aussi touchée
par la crise ?
- En
conséquence de quoi, Monseigneur, j’ai
décidé, avec votre consentement, d’organiser une quête auprès
de nos paroissiens pour aider à réunir les fonds nécessaires. On
ne peut pas les laisser sans lieu de culte décent !
- Mmmmmm
- Sinon
en attendant, comme les fidèles musulmans sont trop nombreux pour la
salle de prière en question, j’ai eu l’idée de prêter notre
église pour que le surplus vienne y prier. Ils se sont d’ailleurs
montrés ravis de cette initiative. Bien sûr ils ont exigé que tous
les symboles chrétiens, comme les croix, disparaissent, mais au fond
cela est bien compréhensible, il ne faut pas qu’ils se sentent
offensés les pauvres…
- Mmmmmmm
- Oui,
Monseigneur, je voulais vous voir pour
obtenir votre accord et aussi parce que je crois fermement que, sauf
votre respect, le clergé doit donner l’exemple de la tolérance et
de l’ouverture à l’autre, à commencer par sa sainteté Benoît…
- Benoît ?
- Oui, le
Pape !
- Tiens
ce n’est plus Jean Paul ?
- Euh
non… Jean Paul II nous a quittés il y a bientôt sept ans de cela…
- Ah,
parce qu’il y en a eu un deuxième… ???
Il va
vraiment falloir que je mette sérieusement mes papiers à jour… me
dis-je en jetant un œil résigné sur l’immense pile de courriers
non encore ouverts, dans un coin de la pièce, et que recouvraient un
certain nombre de toiles d’araignée.
- Oui…
euh… bref, reprit le Père Klus de
Sertitude, donc au sujet des musulmans de la commune, je crois
pouvoir les aider efficacement. Par contre nous avons un autre
problème.
- Ah, et
lequel cette fois, répondis-je en étouffant un bâillement.
- Les
réfugiés africains du canton, il faut savoir que plusieurs d’entre
eux sont polygames, comme ce sympathique Mamadou avec lequel je
discutais l’autre jour. Mais je refuse de les juger pour cela, le
Seigneur nous demande de les accepter tels qu’ils sont, et de plus
je crois fermement que…
- Oui
bon, d’accord, mais où est le problème ?
- Et
bien parmi ceux-ci beaucoup sont trop pauvres pour entretenir toutes
leurs épouses et leurs enfants. J’ai bien demandé à la mairie
d’essayer de trouver une solution pour loger ces familles par
exemple, mais ces incapables ont prétexté un manque de moyens et
n’ont donné aux femmes de Mamadou que des appartements individuels
éloignés les uns des autres, ce qui fait que Mamadou doit faire des
kilomètres pour aller honorer toutes ses conjointes, et encore une
fois ces racistes de la mairie prétendent qu’ils ne peuvent
subventionner sa carte de transport… !
- Voilà
qui est en effet fort triste, mais je ne vois pas où nous pouvons
intervenir.
- En vérité j’aide Mamadou à titre personnel,
mais compte tenu du nombre élevé de familles polygames dans la
commune je ne peux pas tout faire moi-même et…
- Vous
voulez dire que vous conduisez votre ami Mamadou chez ses différentes
épouses pour qu’il puisse les honorer ?
- Euh…
non ce n’est pas tout à fait cela, Monseigneur… disons que…
comme je ne peux le conduire nulle part, car je n’ai pas de
voiture, je vais chez Mamadou pour euh… enfin vous… euh… vous
comprenez, fit le Père Klus de Sertitude en rougissant fortement,
mais je sais que le Seigneur me pardonne car je le fais pour mon
prochain !
- …
- Heureusement
d’ailleurs que j’ai toujours avec moi
un peu de sainte huile destinée à l’extrême onction pour que ce
soit mieux l…
- JE NE
VEUX PAS LE SAVOIR !!! Mais enfin Père
Klus, ne pensez-vous pas que vous en faites un petit peu trop… ?
- Pardonnez-moi
Monseigneur, mais on nous a dit d’aimer notre
prochain comme nous-mêmes, et de tendre la joue gauche si nous
étions frappés sur la joue droite, ce que je fais !
- Je
vois, je vois… votre dévouement vous
honore, Père Klus, mais qu’attendez-vous de moi au juste ?
- Et
bien Monseigneur, j’aimerais un geste d’encouragement venant de
votre part, pour montrer que l’Eglise ne fait qu’un dans ce
combat noble qu’est l’aide à notre prochain. Bon je ne vous
dérange pas plus longtemps Monseigneur, je dois me rendre à une
manifestation réclamant la régularisation de tous les sans-papiers
du département… !
- Père
Klus, un petit moment je vous prie !
- Oui
Monseigneur ?
- Père
Klus, votre intervention m’a fait prendre
conscience de certaines choses, et c’est pourquoi j’ai décidé
de réagir… Timonde, fis-je en claquant des doigts à l’attention
de l’abbé qui nous écoutait silencieusement depuis le début,
assis sur une chaise dans un coin de la pièce, allez donc donner
« un coup de main » au Père Klus… !
Quelques
minutes plus tard je regardais pensivement les boucles de cheveux
blancs que l’abbé Timonde avait laissé tomber sur le parquet en
tondant le Père Klus de Sertitude.
- Tout
de même je ne sais pas ce qui leur prend, lança soudain l’abbé,
voila le douzième prêtre ce mois-ci qui nous fait le coup des
bondieuseries et compagnies envers le prochain, surtout quand il
vient de très loin… on dirait une épidémie !
- Oh il
ne faut pas trop leur en vouloir, Timonde, ils sont très fragiles
psychologiquement, et cette époque folle exerce une pression
impitoyable sur ces esprits faibles qui croient agir pour le Vrai et
le Bien. Tenez, il y a quelques jours de cela l’un d’eux, le Père
Hamptoire, a absolument insisté pour que l’on prête l’église
aux musulmans qui pratiquaient les sacrifices de l’Aïd ! Bon,
je ne lui en veux pas, il m’a ainsi involontairement fourni une
très belle moumoute pour le prochain mardi gras…
- Ah oui
je me souviens, répondit mon ami en finissant de balayer… au fait
c’est amusant mais… toutes ces mèches blanches sur le sol comme
ça… on dirait vraiment de la laine de mouton, vous ne trouvez
pas ?
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