Il est
permis de penser que beaucoup parmi les estimables mâles qui
honoraient l’envoûtante Apollonie (de leurs visites, hein !…
Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit !) caressaient en
réalité l’idée de tisser des liens bien plus intimes avec celle
que l’on nommait « la présidente ». Elle a ainsi
inspiré à Flaubert et à
Théophile Gautier des textes pour le moins explicites, et il faut
avouer que la célèbre sculpture de Clésinger,
« femme piquée par un serpent », actuellement exposée
au musée d’Orsay, et dont elle fut le modèle, donne une idée
assez précise de ses charmes langoureux…
Prière de ne pas toucher... merci!
Baudelaire,
en revanche, éprouvait des sentiments d’un tout autre ordre pour
la belle Apolonnie, car au contraire de ses éminents confrères, il
voyait en sa charmante hôtesse un ange désincarné, une image de la
perfection loin de toute tentation érotique, ce qui rappelle quelque
peu le lien qui unissait les auteurs de romans courtois, au
Moyen-Age, à leurs
inspiratrices.
Madame
Sabatier fut ainsi l’une des muses de Baudelaire pour quelques uns
des plus beaux poèmes des « Fleurs du Mal », mais à
la différence de sa maîtresse Jeanne Duval qui lui permit de
composer des pièces à l’érotisme latent (« Les bijoux », « La
chevelure »…), la présidente fut à
l’origine de certains de ses textes que l’on pourrait qualifier
de mystiques. Dans ceux-ci, Baudelaire dresse le portrait de ce que
pourrait être la Femme, éternelle, presque déifiée. Une proche
parente de la Vierge Marie en quelque sorte. Ces poèmes s’appuient
sur le thème du remord car le poète, en songeant à
sa médiocrité (tout est relatif hein, nous parlons de Baudelaire
quand même !), à
l’aspect trop terre-à-terre
de ses actions et de ses pensées, sent qu'il s’éloigne dès
lors d'un idéal, incarné par Apolonnie Sabatier.
Car Baudelaire est véritablement l’écrivain de la dualité : attiré à la fois par le sublime et le fangeux, la spiritualité et la sensualité, il ne peut vivre l'un de ces aspects de la vie sans songer à l'autre (tout comme le Tannhäuser de Wagner au passage). De ce fait, il n'est guère étonnant qu'il ait choisi le titre "les Fleurs du Mal" pour son oeuvre maîtresse...
Car Baudelaire est véritablement l’écrivain de la dualité : attiré à la fois par le sublime et le fangeux, la spiritualité et la sensualité, il ne peut vivre l'un de ces aspects de la vie sans songer à l'autre (tout comme le Tannhäuser de Wagner au passage). De ce fait, il n'est guère étonnant qu'il ait choisi le titre "les Fleurs du Mal" pour son oeuvre maîtresse...
La
présidente représente ainsi pour le poète cette femme qui
l’oblige, par la grâce et la majesté de sa personne, à
s’élever pour être digne de sa muse. C’est un trait que nous
sommes beaucoup à
partager avec le génial poète : lorsque nous aimons un être
d’une façon pleine, pure dirais-je même, nous ne pouvons nous
empêcher de souhaiter accomplir les actions les plus nobles en son
nom, et la perspective que cette personne pourrait nous surprendre
dans une action considérée comme vile ou basse (je me souviens par
exemple de la fois où je songeai à
Sœur Jessica en cherchant désespérément des photos en
porte-jarretelles de notre nouveau président, j’ai soudainement eu
honte … non en fait je n’ai
pas d’exemple précis) nous remplit d’un sentiment de dégoût
envers nous-mêmes.
Mais trêve
de bavardage, ces quelques exemples de poèmes de Baudelaire inspirés
par la fascinante Apolonnie exprimeront mieux ce que je veux dire :
L'Aube spirituelle
Quand chez les débauchés l'aube blanche et vermeille
Entre en société de l'Idéal rongeur,
Par l'opération d'un mystère vengeur
Dans la brute assoupie un ange se réveille.
Des Cieux Spirituels l'inaccessible azur,
Pour l'homme terrassé qui rêve encore et souffre,
S'ouvre et s'enfonce avec l'attirance du gouffre.
Ainsi, chère Déesse, Etre lucide et pur,
Sur les débris fumeux des stupides orgies
Ton souvenir plus clair, plus rose, plus charmant,
À mes yeux agrandis voltige incessamment.
Le soleil a noirci la flamme des bougies;
Ainsi, toujours vainqueur, ton fantôme est pareil,
Ame resplendissante, à l'immortel soleil!
Réversibilité
Ange plein de gaieté, connaissez-vous l'angoisse,
Ange plein de gaieté, connaissez-vous l'angoisse,
La honte, les remords, les sanglots, les ennuis,
Et les vagues terreurs de ces affreuses nuits
Qui compriment le coeur comme un papier qu'on froisse?
Ange plein de gaieté, connaissez-vous l'angoisse?
Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine,
Les poings crispés dans l'ombre et les larmes de fiel,
Quand la Vengeance bat son infernal rappel,
Et de nos facultés se fait le capitaine?
Ange plein de bonté connaissez-vous la haine?
Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres,
Qui, le long des grands murs de l'hospice blafard,
Comme des exilés, s'en vont d'un pied traînard,
Cherchant le soleil rare et remuant les lèvres?
Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres?
Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides,
Et la peur de vieillir, et ce hideux tourment
De lire la secrète horreur du dévouement
Dans des yeux où longtemps burent nos yeux avide!
Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides?
Ange plein de bonheur, de joie et de lumières,
David mourant aurait demandé la santé
Aux émanations de ton corps enchanté;
Mais de toi je n'implore, ange, que tes prières,
Ange plein de bonheur, de joie et de lumières!
Semper eadem
«D'où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange,
Montant comme la mer sur le roc noir et nu?»
— Quand notre coeur a fait une fois sa vendange
Vivre est un mal. C'est un secret de tous connu,
Une douleur très simple et non mystérieuse
Et, comme votre joie, éclatante pour tous.
Cessez donc de chercher, ô belle curieuse!
Et, bien que votre voix soit douce, taisez-vous!
Taisez-vous, ignorante! âme toujours ravie!
Bouche au rire enfantin! Plus encor que la Vie,
La Mort nous tient souvent par des liens subtils.
Laissez, laissez mon coeur s'enivrer d'un mensonge,
Plonger dans vos beaux yeux comme dans un beau songe
Et sommeiller longtemps à l'ombre de vos cils!
Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire
Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire,
Que diras-tu, mon coeur, coeur autrefois flétri,
À la très belle, à la très bonne, à la très chère,
Dont le regard divin t'a soudain refleuri?
— Nous mettrons notre orgueil à chanter ses louanges:
Rien ne vaut la douceur de son autorité
Sa chair spirituelle a le parfum des Anges
Et son oeil nous revêt d'un habit de clarté.
Que ce soit dans la nuit et dans la solitude
Que ce soit dans la rue et dans la multitude
Son fantôme dans l'air danse comme un flambeau.
Parfois il parle et dit: «Je suis belle, et j'ordonne
Que pour l'amour de moi vous n'aimiez que le Beau;
Je suis l'Ange gardien, la Muse et la Madone.»
Pour la
petite histoire, lors du procès des « Fleurs du Mal »,
Madame Sabatier a cru bon de consoler l’auteur du recueil maudit en
se donnant charnellement à
lui.
Quel enfoiré!
RépondreSupprimerQuel enfoiré!
RépondreSupprimerC'est une façon de voir les choses....
RépondreSupprimerPour sa défense, disons que Baudelaire a rompu parce que Madame Sabatier, en se donnant à lui, brisa l'image de muse désincarnée qui avait tant nourri son inspiration.
Ainsi vont les choses en ce bas monde!
Il lui dit : Vous étiez un ange et vous n'êtes plis qu'une femme.
RépondreSupprimerÇa pique quand même mddr
Oui c'est frustrant !
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