Bien souvent
le jeune homme (ou la jeune femme, ne soyons pas misogynes) pousse
timidement la porte de l'un des aéroclubs de l’aérodrome situé
non loin de chez lui afin de concrétiser ce rêve un peu fou et fort
onéreux, voler de ses propres ailes. Mais la question se pose : sur
quel avion apprendre à
piloter, quel appareil choisir?
Ceci est
donc l'occasion pour moi, cher lecteur, de te faire partager mon
expérience de pilote du dimanche en te faisant part de mes
impressions quant à deux appareils parmi les plus répandus sur les
terrains de France, à
savoir le DR400, construit par Robin, et le Ce 152 (ce dernier étant
surtout destiné à
l'apprentissage, le Ce 172, que l'on peut considérer comme un 152 en
version « King size » s'utilisant plutôt pour les vols
de croisière), construit par Cessna, afin que tu puisses te faire
une idée des avantages et inconvénients de chaque avion. Je
m’étendrai peu, ici, sur les performances comparées de chacune de
ces machines (vitesse ascensionnelle, vitesse de croisière, rayon
d'action, consommation etc... ) ces paramètres étant sensiblement
équivalents à motorisation
égale, mais plutôt sur mes ressentis personnels. Il s'agira donc
d'un compte-rendu totalement subjectif et partial (ce qui ne change
guère de mes articles habituels) ayant eu l'occasion de piloter ces
machines, que ce soit en France ou aux États-Unis.
DR400 |
Cessna 152 |
Cessna 172 |
Alors,
passons donc en revue les qualités et défauts de chaque avion, en
fonction de leurs différences les plus notables :
Les
ailes
La première
chose qui frappe (mis à part le
prix de l'heure de vol...), lorsque l'on compare un Robin et
un Cessna, reste la position des ailes. Elles sont en position haute,
au-dessus de la cabine, pour les avions du constructeur américain,
et en position basse pour ceux du constructeur français. Ceci
influence de nombreux paramètres de vol qui sont les suivants :
- L'alimentation en carburant : les réservoirs étant situés dans les ailes pour les Cessna, le moteur reçoit le carburant par simple gravité, ce qui simplifie le système (économie de poids). En revanche le réservoir étant placé au niveau du plancher sur le Robin, il est impératif d'utiliser une pompe électrique qui pourvoira aux carences de la pompe principale lors des manœuvres critiques (remise brusque des gaz lors d'une approche interrompue par exemple) afin d’éviter toute extinction du moteur (encore faut-il penser à la mettre en marche..!). Ceci entraîne des coûts de fabrication supplémentaires, et une augmentation du poids, mais je dirais que ce détail importe assez peu pour un simple pilote du dimanche. A noter que les Cessna sont également pourvus d'une pompe électrique, mais celle-ci reste relativement peu utilisée, et beaucoup de pilotes maniant ces appareils préfèrent s'en passer (je n'ai jamais eu de problème quant à moi sur Cessna lors d'une remise de gaz parce que je n'avais pas enclenché ladite pompe électrique).
- La visibilité : ceci est sans doute le point fondamental. Les ailes hautes des Cessna impliquent une vison dégagée vers le bas, ce qui est idéal lorsque l'on désire conserver une bonne vue du sol (pour prendre des repères par exemple). En revanche la visibilité en virage est vraiment limitée, ce qui est un problème non seulement pour la sécurité (on tourne en quelque sorte en aveugle), mais aussi lorsqu'il faut adapter son angle de virage en fonction du paysage (combien de fois ai-je raté mon dernier virage lorsque je voulais m'aligner sur la piste, ne voyant cette dernière qu'au dernier moment?). Sur le Robin c'est évidemment le contraire, même s'il faut souligner le fait que la vue latérale reste, malgré la présence des ailes, tout-à-fait acceptable.
- L'effet de sol : les ailes étant placées en position basse sur le DR400, l'effet de sol y est plus important, ce qui permet à cet appareil de planer davantage lors de l'arrondi final qui précède le contact avec la piste. Ceci peut être un inconvénient lorsque le pilote, encore débutant, s’aperçoit qu'il a trop arrondi ou qu'il a trop de vitesse, et qu'il efface ainsi une bonne partie de la piste avant de se poser (à noter toutefois que les DR400 entrent généralement, et de par ce phénomène, un peu moins brutalement en contact avec le sol, ce qui est plutôt une bonne chose lorsque les amortisseurs se font vieux...). Le décollage en revanche est facilité et permet généralement l'utilisation d'une piste plus courte.
- La stabilité : les avions à ailes hautes comme le Cessna 152 sont théoriquement plus stables et présentent de ce fait une vitesse de roulis (rotation de l'appareil autour de son axe longitudinal) plus faible que les avions à ailes basses qui sont censés être plus « difficiles » à maintenir en ligne droite. Dans la réalité en revanche, je n'ai pas constaté de grandes différences entre le DR400 et les Ce 152 et 172, ces machines se maniant toutes assez facilement.
- Le roulage et les manœuvres au sol : l'avantage des ailes hautes du Cessna est que celles-ci risquent moins d’être touchées par les projections de terre ou de caillou dues à l’hélice lorsque l'appareil évolue au sol. Les bords d'attaques des ailes se trouvant près du sol présentent généralement un aspect plus dégradé (un peu comme une affiche électorale du NPA après le passage d'individus dotés d'un minimum de bon goût et de capacités de réflexion, en fait...).
Les
commandes de vol
Les Robin
sont pourvus d'un manche à
balai : simple et efficace. Les Cessna se gouvernent, eux, avec un
volant, ce qui pose le problème de l'encombrement lorsque le pilote
ne peut effectuer une mise en roulis préalable à
un virage avec la vitesse souhaitée, le volant butant contre son
genou ou celui de son passager (les commandes sont toujours
doublées). Cher lecteur tu l'auras compris, je déteste les volants
dans les avions, et ceux-ci devraient être cantonnés aux véhicules
terrestres !!!
Le
nombre de passagers
Le Cessna
152 ne comporte que deux sièges, ce qui limite quelque peu le nombre
de passagers (le Cessna 172 peut emporter jusqu'à quatre personnes
en revanche). Toutes les versions du DR400 sont équipées de deux
sièges à l'avant et
d'une banquette à
l’arrière. Ceci ne veut pas dire que chaque Robin peut lui aussi
emporter quatre passagers : en fait la puissance du moteur,
ainsi que le type de piste (en herbe ou en "dur") et surtout sa longueur
déterminent la masse maximale que le pilote peut emmener avec lui
sans danger (le centrage étant bien réalisé par ailleurs).
Le
réglage de la richesse
Tous les
Robin que j'ai eu l'occasion de piloter étaient pourvus d'une petite
manette de réglage de la richesse, pour tout dire assez minable, ce
qui ne fait pas très sérieux lorsque l'on veut voler au dessus de
trois mille pieds. Les Cessna que j'ai utilisés, en revanche,
possédaient une véritable commande, digne de ce nom, permettant un
réglage du mélange suffisamment précis, en se basant sur l'EGT
(Température de sortie du moteur) ou la baisse de régime affiché
au tachymètre. J'ignore toutefois si ces observations peuvent être
généralisées à tous
les exemplaires des types d'avions évoqués.
La
commandes des volets
Sur les
Robin le déploiement des volets se fait tout simplement à
l'huile de coude (en utilisant un levier placé entre les sièges et
ressemblant fortement au fameux frein à
main des voitures) alors que sur la plupart des Cessna celui-ci se
fait via une commande électrique. On comprend que dans ce derniers
cas les précieux éléments de sustentation risquent de ne pas
pouvoir être manœuvrés par le pilote lors d'une panne de
l'alternateur par exemple...
L’accès
au poste de pilotage
Sur le
Robin, les passagers prennent place en prenant appui sur l'emplanture
de l'aile et en faisant coulisser la verrière vers l'avant pour
pouvoir ensuite se glisser dans l'habitacle, alors que sur les Cessna
il faut ouvrir une porte latérale, comme avec une voiture.
L'avantage du Robin est qu'en cas d'atterrissage forcé en campagne (suite à
une panne moteur par exemple), le mécanisme d'ouverture de la cabine
est moins susceptible de se bloquer (il existe en outre un système
de fragilisation des vitres latérales en cas de besoin, s'il faut
faire sortir les passagers) alors que les portes des Cessna peuvent
se coincer (c'est pourquoi l'on recommande au pilote d'ouvrir les
portes quelques secondes avant le choc...).
L'aspect
extérieur
Critère par
définition fortement subjectif, et le lecteur pourra certainement
être en désaccord avec moi (même si j’admets assez difficilement
la contestation sur mon propre blog où
je suis, comme chacun sait, le maître suprême et absolu...).
J'avoue en fait que je trouve les Robin beaucoup plus séduisants,
avec leur profil racé et élancé, et leurs ailes élégantes. Les
Cessna 152 et 172 à coté
me font l'effet de machines pataudes, lourdes. On dirait un peu des
Hummer avec des ailes (surtout dans le cas du Cessna 172), ce qui est
peut-être normal pour un constructeur américain...
La
visibilité générale en vol
Les Robin
ont l'avantage d'offrir une vue extrêmement dégagée à
l'avant (ce qui est plutôt une bonne chose, les avions ayant surtout
tendance à aller dans
cette direction...), et il n'est pas rare de se prendre un coup de
soleil après en vol en DR400. La visibilité latérale est
relativement moyenne vers le bas, du fait de la présence des ailes (voir plus
haut), mais excellente vers le haut, et la visibilité vers l’arrière est carrément nulle, la
cabine obstruant complètement la vue du pilote, ce qui peut poser
problème lorsque, après un décollage par fort vent de travers, on
veut vérifier que l'on reste bien dans l'axe de la piste. La
visibilité générale des Cessna est légèrement meilleure (sauf bien entendu en
virage et peut-être aussi vers l'avant), la cabine de ces derniers,
bien dégagée, permettant de regarder ce qui se passe derrière
l'appareil. Ceci présente toutefois un intérêt plutôt limité
(hors cas cité plus haut), les avions de tourisme étant rarement
agressés par un intrus se plaçant dans leurs « six heures ».
Il peut arriver toutefois qu'un pilote distrait se trouve intercepté
par un chasseur car il a survolé une zone interdite. Dans ce cas là
il est vivement conseillé de ne pas faire le malin et d’obéir
aveuglément au gentil
monsieur armé qui vous invitera poliment à
le suivre pour vous mener gaiement vers un terrain militaire où
vous devrez vous acquitter joyeusement d'une somme d'argent conséquente destinée a payer votre amende. Je vous recommande
expressément de vous plier à
ses consignes en songeant qu'il a les doigts posés sur la commande
des canons, vu que le résultat de l'affrontement entre un seul obus
de 30 mm à tête
explosive (pour les Mirage 2000) et un Robin ou un Cessna tourne
rarement à l'avantage de
ces derniers. Ah et au fait, ne comptez pas sur sa vitesse trop
élevée pour pouvoir l’éviter en le forçant à
vous dépasser : les avions de combat modernes possèdent des
commandes de vol électriques et des becs de bords d'attaque leur
permettant d’évoluer à
moins de cent nœuds, ce qui est grosso-modo la vitesse de croisière
d'un DR400 ou d'un Ce-172...
Cet aviateur du dimanche a voulu jouer au plus fin avec le pilote du Mirage venu l'intercepter. Il a retenu la leçon ; il ne recommencera plus... |
CONCLUSION
voilà donc,
tout cet exposé abscons pour déclarer que ces avions ont chacun
leurs forces et leurs faiblesses (plus bateau comme début de
conclusion tu meurs...). Ceci dit, et pas forcement par pur esprit
chauvin, j'avoue que ma préférence va au Robin, ne serait-ce que
pour la bonne visibilité en virage, critère fondamental à
mes yeux, et je regrette de ne pas pouvoir piloter le même
type d’appareil maintenant que je vis aux États-Unis. Ainsi, cher
ami lecteur, je te recommande fortement, si tu as l'occasion,
d'apprendre à voler sur
un DR400 plutôt que sur un Ce 152. Un autre avantage en outre, et
que je n'ai pas mentionné, étant que les DR400 prévus pour
l'apprentissage (en général les versions de 120 CV) sont assez
proches des DR400 destinés plutôt au vol de croisière (les
versions de 160 CV et plus), ce qui implique un temps d'adaptation
relativement faible, alors que le passage entre le Ce 152 et le Ce
172 requiert généralement plus de séances avec un moniteur.
Sinon pour
la petite histoire, sache, cher lecteur, que je vole actuellement sur
un Cessna 162, avion équipé d'ailes hautes, mais également de
manches à balai et de
commandes de déploiement des volets non électriques, ce qui en fait
un compromis intéressant entre le DR400 et le Ce-152/172...
Cessna 162 "Skycatcher"... |
... et sa planche de bord |
EDIT : ayant eu une doute sur le réglage de la richesse pour les DR400 j'ai effectué une recherche rapide sur le "ouèbe" et je me suis aperçu que les versions récentes pourvues d'une motorisation relativement puissante étaient souvent équipées d'une commande du réglage assez pratique (tout en bas sur la photo ci-dessous, au centre, en rouge), bien meilleure que la pauvre petite manette à tirer que j'ai évoquée plus haut. Effectivement, je me souviens maintenant que le Robin de 160 CV sur lequel j'ai pu voler il y a quelques années de cela possédait un tel système, d'une précision acceptable même si je préfère largement celui des Cessna (soyez indulgents aussi, ça fait prés de quatre ans que je n'ai pas volé sur un Robin...!).
Planche de bord de DR400 |
Super sympa l'article, ça m'a aidé à choisir mon mon aéroclub en fonction des avions qu'ils avaient :)
RépondreSupprimerbonne continuation
Merci cher lecteur, en vous souhaitant beaucoup de joie au cours de votre apprentissage, si vous débutez. Et surtout ne vous découragez pas si parfois vous avez le sentiment d'échouer ou de stagner dans votre progression : l'obtention d'une licence de pilote privé (PPL) requiert de la patience.
SupprimerAvec tous mes encouragements.
Tout à fait d'accord avec L'évêque Sécrable. Je pilote également un DR400 120 et un C172. Je n'aime pas le volant non plus qui, je trouve, est un dispositif de commande moins précis qu'un bon manche à balais, surtout pour la commande de profondeur. Il rend même l'accès difficile à certains appareils situés sur le tableau de bord derrière le volant.
RépondreSupprimerClairement le C172 est le plus confortable (PA 3 axes, siège, stabilité), mais coté visibilité, le C172 est surement plus intéressant pour les passagers que pour le pilote qui regarde surtout devant. Avec l'aile haute du C172, j'ai l'impression de porter une casquette à visière et cela me donne un peu l'impression d'être dans un carcan, ce qui nuit à la sensation de liberté aviaire que nous recherche tous les pilotes. En définitive je préfère l'aile du DR400, qui ne nuit pas vraiment à la visibilité en définitive. Et puis je trouve, que c'est en constatant le paysage qui défile sous l'aile qu'on prend vraiment conscience qu'on pilote un avion. Et alors quelle merveilleuse (et vaniteuse) émotion !
Olivier.
Merci pour ce témoignage et cet article.
RépondreSupprimerEn ce qui me concerne, je dirais que la principale différence, c'est que le Jodel Robin est un vrai avion qui se pilote avec finesse - la preuve, il a un manche à balai - alors que le Cessna est une sorte de baignoire volante conçue pour que même un gros abruti de Ricain moyen puisse voler en toute sécurité - voir p.ex. sa commande de roulis d'une mollesse insondable : quand vous donnez de grands coups de volant de butée à butée vous pouvez vous attendre à de légers frémissements 30 secondes plus tard (ok, là je caricature, mais à peine ;)
Oui, un peu caricatural, mais effectivement, je trouve que le C172 manque de "finesse" (au sens raffinement, pas mécanique du vol...).
SupprimerCeci dit, j'en profite pour nuancer mon jugement sur le volant : je vole depuis maintenant quelques années sur PA-28 (Archer), avion pourvu d'un volant, et bien j'avoue aimer son pilotage! Par rapport à un Robin il est plus lourd dans la main et possède une certaine inertie (une astuce et de mettre un peu de trim à cabrer lors de l'arrondi final pour contrer ce phénomène), mais je trouve que cela lui donne une certaine personnalité...