Le début de l’année
est en général propice aux bilans, aussi je me suis dit que, tiens,
si au lieu d’écrire une énième histoire à la prétention
humoristique, mais en réalité plus consternante que drôle, je me
livrais à un exposé de situation non moins indigeste, pour changer.
Cela serai-il bénéfique et utile à l’humanité entière ?
Ferais-je avancer la cause du Progrès ? Cela rendrait-il ce
blog plus intéressant ? Me trouverais-je soudainement désigné porte-parole de toute une génération (ouais ! Comme Kurt
Cobain !) ? Trouverais-je enfin des lecteurs ? Les
femmes se jetteraient-elles sur moi en petite tenue, voire sans tenue
du tout, et surtout, de leur plein gré ? Arrêterais-je de
sortir des conneries plus grosses que moi ? Mon cas
m’apparaissant désespéré, je crois pouvoir dire que la réponse
à toutes ces questions est d’ores et déjà négative, ce qui ne
veut pas dire, toutefois, qu’il ne faut pas tenter. Donc, chers
amis, tentons…
Nous vivons décidément
une époque fascinante, ne serait-ce que parce que nous pouvons
étudier cette créature étrange, aux mœurs interlopes (là c’est
juste pour caser un mot rare et faire croire que ce blog a une
vocation culturelle, histoire d’entretenir les illusions positives
que certains de mes rares lecteurs pourraient éventuellement nourrir
à mon sujet…), et que le grand public nomme généralement «le
Français ».
En effet, avouons-le
tout de go, le Français est une créature déroutante, semblant
échapper à toute logique. C’est ainsi que, par exemple, le
Français aime se plaindre sans arrêt de la crise, du chômage, des
prix élevés, de l’insécurité, des impôts, de la baisse du
pouvoir d’achat, ce qui ne l’empêche pas, notamment lors des
dernières grandes élections, de porter au pouvoir un président
dont le programme consiste précisément à exacerber tous ces
problèmes.
D’où le fait que
certains n’hésitent pas à parler, à propos des Français, de
comportement schizophrène.
Je ne m’étendrai pas,
quant à moi, sur la pertinence du terme « schizophrène »
pour décrire un tel comportement (j’ai eu assez de mal comme ça à
l’écrire…), mais, s’il m’est permis d’exprimer mon avis,
je dirais que les Français, tout en étant peu ou prou conscients de
l’origine des maux qui les rongent, à savoir une usine à gaz en
guise d’État, une entité omniprésente, impuissante, vorace,
coûteuse et improductive, voire néfaste, développent un réflexe
malheureux, lié sans doute à la peur infantile de devoir affronter
la réalité, et qui les pousse à se tourner vers ceux qui, leur
susurrant une douce musique, essaient de les convaincre que la
situation est grave, certes, mais qu’ils ne doivent pas pour autant
changer leurs habitudes et que les efforts doivent être portés par
d’autres.
Autrement dit je reste
persuadé que les Français savent pourquoi ils sont dans la mouise,
mais qu’ils préfèrent repousser aux calendes grecques toute
réforme nécessaire, mus par un instinct de procrastination
dévastateur. Aussi ces malheureux Français votent-ils pour ceux qui
continuent à leur enfoncer la tête sous l’eau en leur affirmant
que là est la meilleure solution. Je ne sais comment expliquer
autrement les succès de l’UMP, et surtout du PS.
Deux exemples me viennent
en tête, tirés de mon expérience personnelle :
Ceux qui suivent
régulièrement ce blog (et qui n’ont pas encore fui en hurlant)
savent que je vis aux États-Unis. Il se trouve que l’une de mes
collègues est également française, ce qui nous a sans-doute permis
de sympathiser facilement (je l’avoue je ne suis pas quelqu’un de
très sociable généralement, sauf avec les chats et les petites
culottes…). Or il se trouve que cette jeune femme m’a avoué
avoir déjà eu des problèmes il y a quelques années, alors qu’elle
habitait encore en région parisienne, avec la « diversité ».
Ainsi à plusieurs reprises certains jeunes ont tenté de
« l’enrichir » en lui faisant des avances plus ou moins
directes, et, on s’en doute, particulièrement raffinées. Ayant
essuyé des refus nets de la part de ma collègue, ces futurs prix
Nobel avides de partage l’ont bien évidemment traitée de
« raciste », ce qui l’a tout de même interloquée.
À ce moment du récit je
me dis que, normalement, un être normalement constitué devrait
commencer à se poser des questions. J’emploie le conditionnel à
dessein car figurez-vous que ma compatriote m’a avoué qu’aux
dernières élections elle avait voté pour Hollande, c’est-à-dire
l’un des candidats posant comme postulat que l’immigration est
une richesse et qu’il n’y a de ce fait aucune raison d’empêcher
l’installation chez nous du type d’individus ayant précisément
importuné mademoiselle. Sur le coup, je dois dire, je ne l’ai pas
compris, même si je suppose que le rejet de Sarkozy, fort légitime
à mon avis, y est pour beaucoup, mais tout de même…
Ma collègue m’a
également avoué, presque avec un trémolo dans la voix, qu’elle
ne voterait jamais FN, ce que je conçois également fort bien,
n’étant pour tout dire pas un chaud partisan de cette formation,
ne serait-ce qu’à cause de sa doctrine économique (je considère
toutefois que ce parti n’est pas pire qu’un autre et qu’il est
injustement traité). Cependant cette déclaration m’a mis la puce
à l’oreille…
Mon second exemple me
vient également d’une jeune compatriote avec laquelle j’ai
récemment sympathisé, bien que nous ne travaillions pas ensemble.
Comme nous discutions un soir de tout et de rien (j’entends par
« rien » les perspectives d’avenir de notre pays
d’origine…), celle-ci me déclara de but en blanc qu’elle était
choquée par le nombre élevé de nos concitoyens exprimant une
attitude raciste, notamment au travers de leurs votes. Un peu
interloqué par ce cri du cœur qui me semblait quelque peu
impromptu, je répliquai en lui avouant qu’à mon sens la
responsabilité de ce phénomène incombait sans doute en grande
partie aux associations antiracistes qui, en France, semblent tout
faire pour crisper la population, et qui d’ailleurs ont tout
intérêt à ce que racisme et xénophobie paraissent omniprésents
dans notre pays, ne serait-ce que pour justifier leurs subventions
publiques. Ainsi je lui fis cette réflexion que si ces associations
n’existaient pas, le FN ferait peut-être 10% de moins, proposition
qu’elle sembla - timidement - approuver.
Un autre soir nous
étions, avec des amis, chez elle, en train de prendre un verre,
lorsque la conversation prit un tour politique (ce qui parait
inévitable avec des Français…). Notre connaissance nous déclara
tout-à-coup que beaucoup d’électeurs du FN étaient des gens
vivant en réalité dans des régions peu touchées par la diversité,
et qu’ils n’avaient sans-doute pas vu beaucoup d’étrangers
dans leur vie, suggérant par-là que leurs supposés fantasmes
racistes étaient surtout alimentés par les média et ne reposaient
sur rien de concret. Je n’ai rien répondu sur le coup, ce que je
regrette. Avec le recul je me dis que j’aurais dû lui proposer de
comparer la carte du vote FN avec celle des zones à forte
concentration immigrée en France, histoire de rigoler un bon coup.
Il faut savoir que c’était justement l’époque où un politicien
ambitieux avait lancé la fameuse phrase à propos des petits pains
au chocolat. Immédiatement notre hôtesse crut bon de nous informer
de son indignation quant à l’utilisation d’une rhétorique nazie
fasciste sanguinaire
d’extrême-droite, indigne d’un élu modéré, et que tout ceci
fleurait bon la manipulation et le mensonge, méthodes classiques du
FN. Je lui répondis qu’à mon avis le scandale n’était pas dans
l’évocation de cette anecdote pâtissière, peut-être
authentique, mais dans son exploitation, étant entendu que selon
moi, l’auteur de la « scandaleuse » déclaration le
faisait pour remporter la présidence de son parti, et non pour s’en
offusquer, n’en ayant vraisemblablement rien à faire. Une sorte de
Sarkozy bis en quelque sorte. La conversation aurait pu se conclure
là-dessus si un autre convive n’était pas intervenu en nous
révélant qu’il y a quelques années de cela il avait connu, un
jour, la même mésaventure : on l’avait empêché de manger
alors qu’autour de lui de nombreux fidèles d’une certaine
religion, qui n’était vraisemblablement pas la sienne,
s’imposaient un jeun diurne et ce, durant tout un mois.
Notre jeune amie resta
muette…
Que dire de tout ceci ?
Quand je considère ces deux jeunes femmes, charmantes au demeurant,
intelligentes et avec un bon fond (je les ai d’ailleurs emmenées
en avion… laissez-moi vous apprendre à ce propos que je ne
m’envoie en l’air qu’avec n’invite dans mon cockpit
que les personnes que j’estime, ou celles éminemment douées de
qualités humaines indéniables - comme un développement mammaire
prononcé par exemple ; c’est une question d’éthique, ou si vous
préférez, un honneur que je ne réserve qu’à ceux et celles qui
m’en paraissent dignes), je ne peux m’empêcher d’éprouver le
sentiment désagréable de me trouver en présence de personnes ayant
bien retenu la leçon qu’on leur avait demandé d’apprendre, bref
des individus formatés.
Selon moi le rejet du FN,
et plus généralement de tout ce qui est qualifié à la va-vite
« d’extrême-droite », est devenu, et ce depuis
longtemps, un réflexe quasi-pavlovien, un dogme (tiens, tiens, voilà
que j’emploie un terme religieux… étonnant !) qu’il
fallait suivre sans discuter, sans réfléchir, sous peine d’être
victime d’une sorte de loi des suspects. J’ai de plus en plus
l’impression que ma génération (grosso-modo celle des
trentenaires) et les suivantes ont été éduquées pour penser comme
il le fallait.
Ou plutôt pour ne pas
penser.
Je ne peux expliquer
autrement cette attitude de rejet d’un parti bien entendu
critiquable, mais qui me paraît ni plus ni moins respectable qu’un
autre. Certes certains militants du FN ont eu une attitude
franchement douteuse par le passé, mais il me semble que depuis le
ménage a été fait dans les rangs et que l’on ne peut plus
ressasser sans cesse les erreurs de jeunesse de ce mouvement (ou
alors il faudrait également évoquer le passé plus que sulfureux du
part communiste français et de ses membres, se posant pourtant en
champions de la morale, ce qui me semble loin d’être le cas, au vu
de la complaisance dont les journalistes font preuve à leur égard…).
Mon sentiment est que l’on a imposé de force aux jeunes l’équation
« FN=Mal absolu », en instrumentalisant le moindre
épisode, comme celui du « détail », sans doute
regrettable et maladroit (mais dans tous les cas bien moins grave
qu’un de ces innombrables appels au meurtre que lancent impunément
quantités d’islamistes en Europe, et que l’on passe sous
silence), que l’on a conditionné les gens à croire que le racisme
était le crime des crime, alors que je continue à penser pour ma
part que ne pas vouloir parler ou tisser des liens avec une personne
sous prétexte qu’elle est noire/grise/jaune/blanche/mauve à pois
verts/fan de Jordy est certes blâmable, mais infiniment moins que le
fait de violenter ladite personne, surtout en meute, parce qu’elle
vous aurait « regardé de travers », ou refusé une
cigarette…
Bref, tout ceci pour dire
que les Français ont, d’après moi, largement intériorisé
l’interdit officieux consistant à refuser d’examiner les
propositions du FN en laissant l’hystérie et les anathèmes au
placard. Ceci implique que, depuis des décennies, le souci majeur
d’un politicien, surtout classé à droite, n’est pas de tenter
de trouver des solutions réalistes à nos problèmes, mais de
prouver qu’il ne partage pas la moindre accointance avec un
militant FN, au risque de développer des idées consternantes de
bêtise, et de promouvoir des politiques qui ne le sont pas moins,
afin de montrer qu’il appartient effectivement au camp du Bien
(monsieur Jacques C. si vous me lisez…). C’est ainsi que pour les
intellectuels-escrocs et autres donneurs de leçon professionnels
prétendant nous dicter ce qu’il faut penser, il va de soi qu’il
faut régulariser tous les clandestins sur notre sol, voire leur
offrir le gîte et le couvert, le droit de vote, et pourquoi pas la
nationalité française, tiens, pendant qu’on y est… et ce sans
jamais formuler la moindre critique, sinon vous êtes coupables
d’allégeance au parti du Mâââââââââl, et donc sous le
coup d’une peine de mort sociale. On imagine sans problème les
dégâts sociaux qu’une telle entreprise de lavage des cerveaux a
pu occasionner depuis trente ans.
Pour en revenir à mes
connaissances, celles que j’ai évoquées plus haut, je ne leur en
veux pas de faire preuve de tant d’étroitesse d’esprit
(j’entends par-là refuser de considérer le FN comme un parti
aussi digne de respect qu’un autre, ce qui ne veut pas dire,
évidemment, qu’il faille obligatoirement voter pour lui…) car je
les vois comme des victimes, des individus que l’on a manipulés
malgré eux. Pourquoi ai-je échappé, en ce qui me concerne, à ce
que j’interprète comme un formatage ? Je n’en sais rien.
Est-ce mon milieu, mes lectures, mes rencontres, mon éducation ?
Peut-être un peu de tout cela, mais je n’ai quoi qu’il en soit
aucun mérite. Si mon parcours avait été diffèrent j’aurais pu,
moi aussi, être sous la coupe de ce prêt-à-penser ubuesque et
hautement criminel (nous parlons de générations entières ainsi
conditionnées, et donc sacrifiées, ce qui n’augure rien de bon
pour l’avenir de notre pays).
C’est ainsi que
j’explique, en partie, ce phénomène extrêmement inquiétant qui
voit les électeurs voter massivement, encore et toujours, pour ceux
qui les font immanquablement souffrir en les méprisant, et
pérenniser ainsi un système hautement délétère et toxique à
long terme. C’est-à-dire la quasi-impossibilité de penser
autrement, hors des rails, librement.
Reste à souhaiter que
les responsables de ce formatage à grande échelle (des responsables
politiques, associatifs, des chanteurs médiatiques, des cinéastes,
des éditorialistes, des instituteurs, des professeurs, des
journalistes, des citoyens engagés dans des comités de
« vigilance » et autres groupuscules à la mords-moi le
nœud,…) paieront cher leur traîtrise, un jour…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire