mercredi 13 juillet 2011

Le blues du businessman

L’été étend sa chaleur étouffante sur le jardin de la luxueuse villa de Tel-Aviv, que rafraîchit quelque peu le vent venu du large. Assis dans un large fauteuil disposé sous le porche principal de l’imposant bâtiment, le banquier Shlomo laisse errer ses pensées, bercé par les effluves marines.
L’homme au nez marqué est morose ; les affaires vont mal avec la crise, et ce matin il n’a pas réussi à toucher un seul enfant gazaoui malgré le fait qu’il ait vidé trois chargeurs de Usi sur la population. Ce doit être l’âge et la polynévrite songe-t-il en contemplant ses mains (aux doigts crochus couverts de bagues serties de pierres chatoyantes), il n’est hélas plus aussi agile qu’auparavant.
Délaissant son exemplaire relié cuir des « Protocoles des sages de Sion » (que le Premier Ministre lui a personnellement dédicacé), Shlomo se lève et retourne à l’intérieur de sa maison se verser un verre. Tout en déambulant dans le gigantesque salon dont les murs sont recouverts d’un nombre impressionnant de trophées (principalement des têtes d’enfants et de femmes des territoires occupés), témoins de la grande époque où l’homme était un redoutable chasseur, il songe à ces temps nouveaux qui annoncent le désordre et la corruption.
Car il est certain que les choses changent… il y a des signes qui ne trompent pas. Ainsi il est de plus en plus difficile de trouver en rayon un petit enfant chrétien pour confectionner le traditionnel pain azyme. La dernière fois, son ami le banquier David, qui est également gérant d’une supérette dans la banlieue de Tel-Aviv lui a bien réservé un beau marmot protestant fraîchement abattu, mais tout de même, ce petit côté « église reformée » donne un arrière-goût étrange au sang. Ceci dit un falafel au petit chrétien peut être au moins considéré comme casher, ce n’est pas comme ces arrivages de kebabs fourrés au petit palestinien qui inondent le marché. Le halal ce n’est pas son truc, et puis question traçabilité… pas très catholique tout cela, il faut bien le dire ! D’ailleurs la dernière fois il a failli se casser une dent sur une pierre en croquant dans un de ces mets de piètre qualité.
En parlant de cela - Shlomo écarte le petit sac d’or qui pend a son cou et se gratte la poitrine – qui sont tous ces gens qui s'opposent aux bonnes vieilles coutumes de son peuple ?
Un voile d’inquiétude passe sur les petits yeux (fourbes) de notre homme. Il songe à tous ces héros là-bas qui se lèvent pour défendre une cause perdue. Le vent faisant danser leurs cheveux fins, ils s’élancent à la tête de blanches caravelles, ou autre embarcation de fortune, pour que le monde prenne conscience.
Ils sont la personnification de la paix, et son porte-voix.

C’est ainsi que, quelque part en Méditerranée…

Oliveau Besanceniais (avec sa panoplie de Che Guevara) : dis Papa, c’est encore loin Gaza ?
Alain Enruine (visiblement malade) : Oliveau s’il te plait… ferme ta gueule… pour une fois…
Houria Boujdeula (passant sur le pont) : tiens, qu’est-ce qu’il a le tout décrépi ?
Oliveau Besanceniais : il est tout ballotté, je crois que papa a le mal de mer !
Houria : oui, je n’ai jamais vu un trotskiste en situation de ballottage, ils ne sont pas habitués (en même temps vu leurs scores…). Ceci dit c’est ennuyeux car ce n’est pas avec ça qu’on va faire fuir le Mossad !
Oliveau Besanceniais : pourquoi vous voulez vous débarrasser de Jospin ?
Cécile Duflop : bon alors c’est quoi le cap pour aller à Gaza ?
Journaliste : sud-est je crois
Militant LGBT : hep hep ! Attendez un peu ! Le cap c’est une donnée sociologique et non géographique ! Moi je dis qu’un cap au nord-ouest pour aller à Gaza est tout autant légitime, et qu'il faut respecter le choix de vie de ceux qui veulent prendre cette direction comme le disait Christophe Colomb !
Journaliste : Mais Christophe Colomb il est allé en Amérique alors qu’il voulait se rendre aux Indes !
Militant LGBT : Justement ! Un type qui croit tout savoir, qui fait tout en dépit du bon sens en méprisant l’avis des autres, qui n’admet jamais qu’il s’est planté et qui affirme que les habitants des Amériques sont autant Indiens que les autres, moi j’appelle cela un progressiste, et j’admire !
Militant anarchiste : Et pourquoi je prendrais le cap que l’on me demande de prendre ? Je n’obéis à aucun capitaine sur ce bateau et j’irai là où je veux !
Militant CGT : En tous cas pour moi il est hors de question de suivre quelque chose avec l’intitulé « SUD » dedans, et je suis prêt à faire la grève pour être entendu ! J’ai d’ailleurs déposé un préavis pour…
Cécile Duflop : La grève !? Je te signale que la grève on ne l’a toujours pas quittée, banane ! On n’est pas encore au large !
Journaliste : dites-moi, profiterez-vous du fait d’être dans la région pour apporter également votre soutien aux Coptes d'Egypte ?
Oliveau Besanceniais : les quoi ??? 
Efa Choly : Che propose que l’on organisse des primaires pour dessider qui ssera le capitaine ssur sse nafire ! Che profite d’ailleurs du fait que ch’ai la parole pour exposser mon programme…
Cécile Duflop : au fait il marche à l’énergie propre ce bateau ?
Militant LGBT : Oui il est à voile et à vapeur, hi hi !
Lilian Turame : Il y a trop de blancs ici, j’me casse !
Houria (consternée) : … je comprends pourquoi le Mossad n’a pas essayé de saboter notre bateau…

 Franchement, vous accepteriez de partir en croisière en tête à tête avec Besancenot, vous ?

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Shlomo aimerait se débarrasser de ce vague à l’âme qui l’étreint en songeant à cette menace angoissante qui approche, et se changer quelque peu les idées.
Ce soir il irait bien passer la soirée avec son ami Cohen, le banquier bolchevique et franc-maçon de la villa voisine. Ils joueront ensemble aux cartes, disputeront une partie de Risk, et fomenteront un ou deux complots pour la domination du monde, comme ça, pour passer le temps, tout en se gavant de gefilte fish.
Shlomo sourit en songeant à tout cela, et la lumière du soleil fait luire ses dents en or, tandis que sa silhouette voûtée semble danser sur le mur.
- Allons! Au diable les lamentations! fait-il dans un grand éclat de rire méphistophélique...

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