mardi 10 avril 2012

Commémoration d’un désastre maritime

Chantiers navals de Rome, 1957

Ingénieur en chef : et voici le titan des mers, la merveille des merveilles, le paquebot « Europe ». Il est véritablement insubmersibles grâce à ses compartiments étanches répartis le long de la partie interne de la coque. A ce propos, savez-vous que chacun de ces compartiments porte le nom d’un pays qui a participe à la construction de ce bateau ?
Jean Monnet : très intéressant, et vous me dites que ce navire va nous permettre de résister à tous nos concurrents ?
Ingénieur en chef : parfaitement, il ne craint personne grâce à son système de propulsion ultra-moderne qui lui permet de voyager à des vitesses de plus de vingt nœuds durant des jours entiers. De plus ses chaudières consomment peu pour un rendement maximal, c’est véritablement le mariage réussi du charbon et de l’acier !
Jean Monnet : très bien, et quand sera-t-il prêt ?
Ingénieur en chef : il faudra attendre une petite cinquantaine d’années, le temps d’élargir le bateau. Nous comptons en effet lui adjoindre davantage de compartiments étanches pour le rendre encore plus sûr.
Jean Monnet : faites donc mon cher, faites donc…

Port de Lisbonne, 2007

Journaliste : … et le paquebot « Europe » va donc larguer ses amarres pour entreprendre son voyage inaugural à l’assaut des flots de l’Atlantique ! C’est le résultat d’années de labeur acharné mais qui ont fini par payer. Ce ne fut pas sans mal toutefois, et nous avons encore tous en tête la révolte des ouvriers des chantiers navals de France et des Pays-bas, il y a deux ans, alors qu'ils avaient refusé de reprendre le travail sans avoir de meilleures garanties quant à la robustesse et la fiabilité du navire une fois les travaux achevés. Il a fallu toute la poigne des managers pour passer outre ces craintes ridicules, et forcer la main à ces mauvais employés qui ont failli faire capoter ce magnifique projet !

Et encore je suis sympa, je vous épargne Céline Dion!

Quelques jours plus tard, dans l’Atlantique nord...

Barroso : tout va bien à bord, second nº8 ?
Second : tout va bien commandant nº2, mais il y a quelque chose que je ne comprends pas. Nous avons trois commandants, dix-sept seconds, vingt-quatre responsables en chef « salle des machines », sept cent quartiers-maîtres… et mille sept cent vingt traducteurs ! Bref nous avons bien trop de membres d’équipage par rapport à nos besoins réels…. C’est quoi ce bordel ?
Barroso : oh ce n’est rien, chaque pays a fait travailler ses propres architectes sur le bateau, parfois sur les mêmes composants. Du coup on se retrouve entre autres avec cinq timoneries et quatre salles des machines, alors il a bien fallu remplir tout cela...
Second : oui mais on a plus de membres d’équipage que de passagers… je me demande si ça fait très sérieux.
Officier radio (entrant dans la cabine du… enfin des commandants) : commandant nº2, je viens de recevoir un message du brise-glace néerlandais « Gert Wilders », son capitaine nous signale un important champ d’islamistes dérivant au large des bancs de Terre Neuve, il conseille à tous les navires d’éviter la zone !
Barroso : merci officier radio nº87, mais ce navire est insubmersible, que risquons-nous ?
Second : tout de même commandant nº2 je me demande, je sais bien que ce paquebot est réputé pour sa solidité, mais un champ d’islamistes peut faire de sacrés dégâts. Regardez par exemple ce qui est survenu dans les eaux entourant le Moyen-Orient, les navires « Iran », « Arabie Saoudite », « Qatar »… tous coulés !
Barroso : oui je sais, second nº8, mais ces navires étaient mal conçus, avec des matériaux vieillissants. Nous ne risquons rien, nous ! (à l’officier radio) quant à vous, envoyez un accusé de réception au brise-glace en lui précisant qu’il tient des propos nauséabonds !

Au même moment sur la proue du paquebot, un gnome au physique ingrat est en train de gesticuler, les bras en croix.

Sarkozy : j’ai été élu président ! ch'suis l'roi du monde !!!
Une voix derrière lui : Nikolas ! Arrête un peu afek tes konneries, petit polißon ! tu fas finir par tomper à la mer !!! Ça t’a pas suffi le yacht de ton kopain Polloré ?
Sarkozy (résigné) : oui bon, j’arrive Angela, j’arrive…

Un peu plus tard encore...

Officier radio : commandant nº2, je viens de recevoir un message du brise-glaces suisse « Oskar Freysinger », il confirme les observations du brise-glaces « Gert Wilders » et précise même que ce champ d’islamistes est de plus en plus dense et s’étend maintenant à perte de vue devant nous ! Il n’a jamais vu cela !
Second : commandant nº2, dans ces conditions je crois qu’il serait plus prudent de ralentir et d’infléchir notre route vers le sud…
Barroso : suffit second nº8, c’est moi qui donne démocratiquement les ordres ici, enfin avec les commandants nº1 et 3, donc je décide que l’on ne change rien à notre cap et notre allure ! Et ce n’est pas quelques islamistes qui vont nous faire peur ! Et vous officier radio nº87
Officier radio : euh non… moi je suis le nº72, commandant nº2...
Barroso : oui bon… envoyez un message à l’« Oskar Freysinger » pour lui dire que ses rapports sont dignes des heures les plus sombres de notre histoire…
Second : mais commandant nº2, depuis plusieurs jours je discute avec les passagers, vous savez ceux de troisième classe, et bien ils semblent inquiets à l’idée que l’on puisse se retrouver dans un tel champ. Déjà plusieurs m’ont demandé s’il ne fallait pas modifier notre route, quitte à arriver plus tard à destination, histoire d’éviter les écueils…
Barroso (éclatant de rire) : ah ! S’il fallait tenir compte de l’avis des passagers maintenant… !

La commission européenne...

Au même moment dans une cabine de première classe…

Merkel : QUOI !!?? Que che me foute à poil pour ke tu me deßines ? Mais ça fa pas pien Nikolas ou koi !!??

Cette nuit là, au sommet du mât d'observation du navire…

Vigie nº711 : bon dieu ! Un islamiste, là droit devant ! Vite, sonne l’alarme !
Vigie nº340 : Euh… ¿Qué ?
Vigie nº711 : ah merde, il est espagnol, et je ne parle pas sa langue… ils sont où les traducteurs quand on en a besoin ???
Vigie nº340 : Euh… ¿Comó ?
Vigie nº711 : ben euh… toi envoyer signal à timoniers à cause danger droit devant !
Vigie nº340 : ¿ ?
Vigie nº711 (avec un dictionnaire français-espagnol) : euh…!Tu llamar a los euh… timonieros porque euh… gran peligro euh… adelante ¡
Vigie nº340 : ¿Que ? ¡No te entiendo a causa de tu acento !
Vigie nº711 (avec une feuille de papier et un stylo) : bon là je te dessine... là c’est toi, tu vois, puis le gros truc très moche avec la barbe c’est un islamiste, d’accord ? Et là ce que je dessine c’est la passerelle de commandement du bateau, alors tu vois « toi » aller à « passerelle » parce que « islamiste », c’est bon ?
Vigie nº340: ¡Que dibujo de mierda ! ¿Que significa ? ¡No entiendo !
Vigie nº711 : MAIS BORDEL C'EST PAS COMPLIQUÉ !!! VAS A APPELAR LOS OTROS IMBECILOS DERRIÈRE PORQUE HAY …

BRUIT DE COLLISION

Vigie nº711 : euh… non rien, laisse tomber finalement…
Vigie nº340 : ¿Comó ?

Dans la cabine du… enfin des commandants...

Second : commandant nº2, nous sommes dans un champ d’islamistes ! Ils nous encerclent et l’un d’eux nous a même éperonnés, il faut sonner l’alarme vite !
Barroso : du calme second nº8, il ne faut pas céder à la panique ! Faites venir l’ingénieur de bord pour qu’il me donne un rapport des avaries. Nous aviserons ensuite, et faites arrêter les machines !
Second : euh… quel ingénieur en chef commandant nº2 ? Il y en a treize !
Barroso : n’importe ! Celui que vous trouverez !

Plus tard...

Second (de retour dans la cabine) : ça y est commandant nº2, les machines sont arrêtées et l’ingénieur en chef nº4 arrive !
Barroso : bien mais… comment se fait-il que nous bougions toujours ?
Second : et bien en fait les commandants nº1 et 3 ont donné l’ordre de garder l'allure en avant lente, du coup il a fallu choisir alors j’ai arrêté la salle des machines nº1 mais pas les autres…
Barroso : mais alors si certaines hélices sont immobilisées et d’autres non, cela veut dire que nous tournons en rond !
Second : euh… affirmatif commandant nº2 !
Barroso : remarquez, c’est un peu exactement ce qu’on fait depuis le début de cette croisière… bon ce n’est peut-être pas plus mal après tout, les passagers ne remarqueront rien au moins…
Ingénieur en chef (faisant son entrée) : commandant nº2, j’ai de mauvaises nouvelles, les compartiments étanches « France », « Allemagne », « Belgique », « Pays-Bas », « Royaume-Uni » et « Espagne » sont déjà complètement inondés à cause de la brèche provoquée par le champ d’islamistes, il s’en infiltre partout…
Barroso : six compartiments sont inondés ? Mais alors cela veut dire que le navire est fichu…
Ingénieur en chef : précisément commandant nº2, il va nous falloir abandonner le bâtiment à ce champ d'islamistes si nous voulons sauver notre peau !

Dans le hall principal c’est la panique, et le paquebot prenant de plus en plus de gîte, les passagers courent affolés dans tous les sens...

Architecte naval (dans un coin du hall) : mon dieu, c’est horrible, cette merveille qui prend l’eau de toutes parts… cinquante ans de construction de l’Europe foutues en l’air !
Un homme (passant près de lui) : mais non voyons, il ne faut pas être aussi pessimiste !
Architecte : pardon ??
L’homme : oui, il ne faut pas être sectaire et considérer que tout doit être sec ! C’est une uniformisation nauséabonde ! Il y a également de la place pour l’eau dans ce bateau, et il ne faut pas chercher à colmater les fuites. Moi je dis que nous avons besoin de l’eau et que l’eau est une chance pour nous. Sans eau il n’y a pas de vie, c’est pourquoi l’eau devrait être libre de s’installer ici si ça lui chante, et non il ne faut pas mettre de gilet de sauvetage car c’est une attitude de protection offensante, de fermeture à l’encontre de l’eau ! Réjouissons-nous plutôt de toute cette eau qui vient à nous !
Architecte (interloqué) : vous… vous ne seriez pas socialiste par hasard ?
Homme : oui enfin non, je veux dire… je milite au « Front de Gauche », pourquoi ?

Plus loin dans une coursive à moitié inondée...

Sarkozy : ch'sais pas pourquoi, mais tout ça m'rappelle un peu la Grèce
Merkel (gogunarde) : moi che troufe plutôt que ça fait penser à la France…
Sarkozy : ouais ben aide-moi plutôt à atteindre une chaloupe au lieu d'te fout'de moi !

Au dehors c’est l’apocalypse : quelques esquifs errent désemparés au milieu des débris et de l’immense paquebot qui s’enfonce irrémédiablement dans les flots, alors que des centaines d’hommes et de femmes surnagent dans l’eau glacée.

Dans l’un des radeaux de sauvetage...

Barroso (regardant le navire sombrer) : c’est dommage l’Europe, c’était pourtant une belle idée…
Technocrate : on pourrait peut-être profiter de la situation pour évoquer les quotas de pêche, non ?
Vigie nº711 : moi je dis, si la commission nous avait fourni davantage de traducteurs, ce drame aurait pu être évité!
Vigie nº340 : ¿Comó ?
Second : commandant nº2, il y a un diplomate turc à côté de moi là, il voudrait savoir si ce petit incident va remettre en cause les pourparlers pour permettre aux marins de son pays de faire également partie de l’équipage du euh... navire…
Architecte naval : ça dépend, il y a des sous-mariniers dans son pays ?

Tout-à-coup une autre chaloupe passe en trombe près du petit groupe. Dans celle-ci on peut y voir le militant du « Front de Gauche » ramant désespérément avec trois gilets de sauvetage autour de la taille. Il n’y a que lui, sa femme et ses enfants dans l’embarcation prévue pourtant pour une vingtaine de passagers. Il croise alors le regard interloqué de l’architecte...

Militant du « Front de Gauche » (visiblement agacé) : QUOI ??? 

Dans un autre radeau, un peu plus loin…

Merkel : et on fa enkore tire que c’est la faute des allemands tout ça… pourtant c’était pas un U-boot cette fois...
Sarkozy : enfin, ça aurait pu êtr'pire, ma Rolex est étanche…
Merkel : tis Nikolas, et les troissièmes classes là, le peuple, k’est-ce k’on en fait, on fa les saufer ?
Sarkozy (ramant pour s’éloigner des naufragés) : qu’y s'débrouillent ! Comme si on était a leur service à ceux-là !

« Bon c'est pas tout ça, commandant nº2, mais pour l'euro, on fait quoi... ? »

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