mercredi 31 juillet 2013

A l’attention de Monsieur José Gulino, Président du conseil de l’ordre du Grand Orient de France


Monsieur le Grand Sachem (vous m’excuserez de ne pas savoir comment je dois m’adresser à vous, n’étant pas un initié, et souhaitant ne jamais l’être, aussi j’improvise, au risque de ne pas utiliser la formulation correcte),

J’ai lu attentivement la lettre que vous avez récemment envoyée au Président de la République à propos du péril représenté par les ennemis de la laïcité. Je passe sur son contenu général, plutôt convenu, et sur l’emploi d’expressions aussi grotesques qu’usées jusqu’à la corde comme « bête immonde » que même un redoublant de maternelle aurait honte d’utiliser, pour me concentrer sur un point qui m’a paru particulièrement intéressant. Vous affirmez ainsi vouloir attirer l’attention sur « la montée de l’antimaçonnisme et des violences d’extrême droite ».

A dire vrai, à ce stade de ma lecture, j’imaginais qu’avec ce vocable inquiétant vous vouliez évoquer des agressions physiques contre certains de vos « frères », des menaces de mort voire des meurtres, ce qui aurait sans doute justifié l’envoi de cette missive à un personnage aussi haut placé que le Président de la République. Aussi vous comprendrez ma surprise, je le pense, en découvrant que les actes qui vous poussent à sonner le tocsin ne sont constitués que de « manifestations » devant votre siège, de « dégradations » et autres « inscriptions », ainsi que de la profanation d’une statue… voilà donc, d’après vous, ce qui justifie un tel appel de détresse. J’en reste sans voix…

Je ne cautionne pas les individus qui s’en prennent au bien d’autrui, mais j’avoue avoir du mal à voir dans cet enchaînement de faits à la limite du ridicule la résurgence d’un danger fasciste qui se préparerait à fondre sur nos pauvres têtes. Et c’est pour cela que vous dérangez le chef de l’Etat ! Il faut que vous ayez le bras long…

Je trouve également savoureux le fait que vous citiez la tenue de manifestations parmi les actes répréhensibles. Je n’ai pas besoin de vous apprendre, je le suppose, que le droit d’exprimer ses opinions en descendant dans la rue est un droit accordé à chaque individu dans notre bonne vieille démocratie. Serait-ce que cela vous gêne lorsque ledit droit est dirigé contre vous ? Les francs-maçons seraient-ils intouchables au point de pouvoir jeter l’anathème sur toute expression critiquant leurs actes ou leur pensée ? Autrement dit, seriez-vous « plus égaux que les autres » pour reprendre le mot savoureux d’Orwell ? Pas très républicain cela pour des défenseurs de la République auto-proclamés…

Vous semblez parler de stigmatisation à votre encontre, mais peut-être s’agit-il là tout simplement de l’expression de simples citoyens excédés de voir que votre association, pourtant non élue, se permet de dicter sa loi et d’imposer sa façon de penser à certains de nos responsables politiques sans tenir compte de ce que peut souhaiter le peuple (c’est du moins la thèse de ceux qui prétendent, à tort ou à raison, que vous exercez un pouvoir occulte sur les institutions de la République). Monsieur le Grand Sachem, vous avez déclaré lors de votre élection à la tête de votre amicale des porteurs de tabliers fantaisistes que vous étiez totalement en faveur du fameux « mariage pour tous ». C’est bien entendu votre droit le plus strict, mais en prenant ainsi parti dans un débat public aussi enflammé, il ne faut pas vous étonner de recevoir une volée de bois vert de la part d’opposants à cette mesure qui s’estiment méprisés par les pouvoirs publics, malgré le succès inégalé de leurs manifestations, alors que vous semblez vous-même être écouté par les ministres concernés sans avoir recours au moindre défilé de banderoles. Avouez tout de même que cela est assez frustrant…

Voyez-vous, Monsieur le Grand Sachem, et je ne vous apprends rien, certaines personnes n’aiment pas vos façons de procéder. Ont-elles raison de s’en prendre à vous ? Je n’en sais rien à vrai dire, mais peut-être, avant de pleurnicher et de crier aux persécutions antimaçonniques, devriez-vous balayer devant votre porte (cela tombe bien, vous êtes déjà équipé du fameux tablier, c’est un bon début…). Je suis loin d’être un spécialiste de votre club de bridge, mais peut-être faut-il vous demander si l’idéal fraternel et désintéressé qu’il incarnait à une époque ayant vu la composition d’un chef-d’œuvre comme la « Flûte enchantée » de Mozart et Schikaneder, n’a pas quelque peu dévié. Peut-être n’êtes-vous plus de nos jours qu’un rassemblement hétéroclite d’ambitieux ayant bien compris l’utilité de se constituer un réseau et un carnet d’adresses bien rempli, tout en se permettant d’influer sur le système législatif grâce à leurs relations, on se demande de quel droit. Encore une fois je n’affirme rien ; je ne fais qu’avancer des hypothèses et des pistes de réflexion.

Autre chose maintenant : peut-être serez-vous étonné d’apprendre que, dans notre pays, l’un des groupes les plus attaqués reste les catholiques, vos grands amis. Pas une semaine sans que l’on entende parler d’églises vandalisées, de fidèles caillassés, de prêtres agressés, ou de cimetières profanés, sans compter les multiples revues satiriques et humoristes bien en vue les prenant sans cesse pour cible (mais ce dernier point relève davantage de la liberté d’expression et ne saurait être blâmable, j’en conviens tout-à-fait). Je pourrais également mentionner les représentants de l’Eglise sans cesse soupçonnés de se livrer à des actes infâmes sur des enfants, alors qu’il se trouve qu’il y a bien plus d’homosexuels que de prêtres parmi les pédophiles (et pourtant on nous enjoint sans cesse, et sans doute est-ce une bonne chose, de ne pas faire d’amalgame entre homosexualité et pédophilie). Ainsi, vous le voyez, il existe un groupe humain bien plus attaqué que le vôtre, et pourtant je n’ai pas entendu parler d’un responsable catholique ayant écrit au chef de l’Etat pour se plaindre de ces faits. Je ne vous ai pas non plus entendu, Monsieur le Grand Sachem, dénoncer ces actes inquiétants sur des citoyens comme les autres, bien que vous vous érigiez en « sentinelle de la République ». Sans doute est-ce là un oubli de votre part, mais dans ces conditions, et devant votre impressionnante efficacité, je pense que vous pouvez comprendre que les quelques petits désagréments dont vous et vos con-frères semblez faire l’objet, et sur lesquels vous vous attardez longuement, n’intéressent pas du tout l’écrasante majorité des Français (je le suppose tout du moins), ayant autre chose à faire qu’à se porter au secours de vos petites personnes, semble-t-il un brin nombrilistes et tatillonnes.

Je voudrais évoquer un dernier point avant de conclure mon texte : dans votre lettre vous invoquez sans cesse la laïcité, présentée comme une sorte d’Alpha et d’Omega de votre philosophie, si j’ai bien compris. Vous parlez même de « clé de voûte de l’édifice républicain ». C’est tout à votre honneur. Toutefois laissez-moi vous faire part de mon étonnement lorsque je constate que nulle-part dans votre courrier vous ne dénoncez les actes inquiétants des musulmans fanatisés, pourtant nombreux (prières de rue, cantines obligées de servir des plats sans porc, intimidations de médecins voulant ausculter leurs épouses, crimes d’honneur, persécutions de femmes non voilées et d’apostats, refus de respecter les lois de la République,…). Vous n’évoquez que le « Printemps français » et les « Veilleurs debout », mais j’ai la naïveté de croire que la poignée de chrétiens exaltés vivant dans notre pays représente une menace bien moins grave pour nos institutions que la communauté des barbus haineux qui croît chaque jour. Si vous me permettez de vous faire part de mon sentiment, je dirais qu’à rester obnubilé par la rougeole sans prêter attention à la peste qui se développe, vous allez au-devant de bien des surprises désagréables…

Votre obligé,

L’Evêque Sécrable

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