vendredi 4 janvier 2013

Les Français de 2013


Le début de l’année est en général propice aux bilans, aussi je me suis dit que, tiens, si au lieu d’écrire une énième histoire à la prétention humoristique, mais en réalité plus consternante que drôle, je me livrais à un exposé de situation non moins indigeste, pour changer. Cela serai-il bénéfique et utile à l’humanité entière ? Ferais-je avancer la cause du Progrès ? Cela rendrait-il ce blog plus intéressant ? Me trouverais-je soudainement désigné porte-parole de toute une génération (ouais ! Comme Kurt Cobain !) ? Trouverais-je enfin des lecteurs ? Les femmes se jetteraient-elles sur moi en petite tenue, voire sans tenue du tout, et surtout, de leur plein gré ? Arrêterais-je de sortir des conneries plus grosses que moi ? Mon cas m’apparaissant désespéré, je crois pouvoir dire que la réponse à toutes ces questions est d’ores et déjà négative, ce qui ne veut pas dire, toutefois, qu’il ne faut pas tenter. Donc, chers amis, tentons…

Nous vivons décidément une époque fascinante, ne serait-ce que parce que nous pouvons étudier cette créature étrange, aux mœurs interlopes (là c’est juste pour caser un mot rare et faire croire que ce blog a une vocation culturelle, histoire d’entretenir les illusions positives que certains de mes rares lecteurs pourraient éventuellement nourrir à mon sujet…), et que le grand public nomme généralement «le Français ».

En effet, avouons-le tout de go, le Français est une créature déroutante, semblant échapper à toute logique. C’est ainsi que, par exemple, le Français aime se plaindre sans arrêt de la crise, du chômage, des prix élevés, de l’insécurité, des impôts, de la baisse du pouvoir d’achat, ce qui ne l’empêche pas, notamment lors des dernières grandes élections, de porter au pouvoir un président dont le programme consiste précisément à exacerber tous ces problèmes.

D’où le fait que certains n’hésitent pas à parler, à propos des Français, de comportement schizophrène.

Je ne m’étendrai pas, quant à moi, sur la pertinence du terme « schizophrène » pour décrire un tel comportement (j’ai eu assez de mal comme ça à l’écrire…), mais, s’il m’est permis d’exprimer mon avis, je dirais que les Français, tout en étant peu ou prou conscients de l’origine des maux qui les rongent, à savoir une usine à gaz en guise d’État, une entité omniprésente, impuissante, vorace, coûteuse et improductive, voire néfaste, développent un réflexe malheureux, lié sans doute à la peur infantile de devoir affronter la réalité, et qui les pousse à se tourner vers ceux qui, leur susurrant une douce musique, essaient de les convaincre que la situation est grave, certes, mais qu’ils ne doivent pas pour autant changer leurs habitudes et que les efforts doivent être portés par d’autres.

Autrement dit je reste persuadé que les Français savent pourquoi ils sont dans la mouise, mais qu’ils préfèrent repousser aux calendes grecques toute réforme nécessaire, mus par un instinct de procrastination dévastateur. Aussi ces malheureux Français votent-ils pour ceux qui continuent à leur enfoncer la tête sous l’eau en leur affirmant que là est la meilleure solution. Je ne sais comment expliquer autrement les succès de l’UMP, et surtout du PS.

Deux exemples me viennent en tête, tirés de mon expérience personnelle :

Ceux qui suivent régulièrement ce blog (et qui n’ont pas encore fui en hurlant) savent que je vis aux États-Unis. Il se trouve que l’une de mes collègues est également française, ce qui nous a sans-doute permis de sympathiser facilement (je l’avoue je ne suis pas quelqu’un de très sociable généralement, sauf avec les chats et les petites culottes…). Or il se trouve que cette jeune femme m’a avoué avoir déjà eu des problèmes il y a quelques années, alors qu’elle habitait encore en région parisienne, avec la « diversité ». Ainsi à plusieurs reprises certains jeunes ont tenté de « l’enrichir » en lui faisant des avances plus ou moins directes, et, on s’en doute, particulièrement raffinées. Ayant essuyé des refus nets de la part de ma collègue, ces futurs prix Nobel avides de partage l’ont bien évidemment traitée de « raciste », ce qui l’a tout de même interloquée.

À ce moment du récit je me dis que, normalement, un être normalement constitué devrait commencer à se poser des questions. J’emploie le conditionnel à dessein car figurez-vous que ma compatriote m’a avoué qu’aux dernières élections elle avait voté pour Hollande, c’est-à-dire l’un des candidats posant comme postulat que l’immigration est une richesse et qu’il n’y a de ce fait aucune raison d’empêcher l’installation chez nous du type d’individus ayant précisément importuné mademoiselle. Sur le coup, je dois dire, je ne l’ai pas compris, même si je suppose que le rejet de Sarkozy, fort légitime à mon avis, y est pour beaucoup, mais tout de même…

Ma collègue m’a également avoué, presque avec un trémolo dans la voix, qu’elle ne voterait jamais FN, ce que je conçois également fort bien, n’étant pour tout dire pas un chaud partisan de cette formation, ne serait-ce qu’à cause de sa doctrine économique (je considère toutefois que ce parti n’est pas pire qu’un autre et qu’il est injustement traité). Cependant cette déclaration m’a mis la puce à l’oreille…

Mon second exemple me vient également d’une jeune compatriote avec laquelle j’ai récemment sympathisé, bien que nous ne travaillions pas ensemble. Comme nous discutions un soir de tout et de rien (j’entends par « rien » les perspectives d’avenir de notre pays d’origine…), celle-ci me déclara de but en blanc qu’elle était choquée par le nombre élevé de nos concitoyens exprimant une attitude raciste, notamment au travers de leurs votes. Un peu interloqué par ce cri du cœur qui me semblait quelque peu impromptu, je répliquai en lui avouant qu’à mon sens la responsabilité de ce phénomène incombait sans doute en grande partie aux associations antiracistes qui, en France, semblent tout faire pour crisper la population, et qui d’ailleurs ont tout intérêt à ce que racisme et xénophobie paraissent omniprésents dans notre pays, ne serait-ce que pour justifier leurs subventions publiques. Ainsi je lui fis cette réflexion que si ces associations n’existaient pas, le FN ferait peut-être 10% de moins, proposition qu’elle sembla - timidement - approuver.

Un autre soir nous étions, avec des amis, chez elle, en train de prendre un verre, lorsque la conversation prit un tour politique (ce qui parait inévitable avec des Français…). Notre connaissance nous déclara tout-à-coup que beaucoup d’électeurs du FN étaient des gens vivant en réalité dans des régions peu touchées par la diversité, et qu’ils n’avaient sans-doute pas vu beaucoup d’étrangers dans leur vie, suggérant par-là que leurs supposés fantasmes racistes étaient surtout alimentés par les média et ne reposaient sur rien de concret. Je n’ai rien répondu sur le coup, ce que je regrette. Avec le recul je me dis que j’aurais dû lui proposer de comparer la carte du vote FN avec celle des zones à forte concentration immigrée en France, histoire de rigoler un bon coup. Il faut savoir que c’était justement l’époque où un politicien ambitieux avait lancé la fameuse phrase à propos des petits pains au chocolat. Immédiatement notre hôtesse crut bon de nous informer de son indignation quant à l’utilisation d’une rhétorique nazie fasciste sanguinaire d’extrême-droite, indigne d’un élu modéré, et que tout ceci fleurait bon la manipulation et le mensonge, méthodes classiques du FN. Je lui répondis qu’à mon avis le scandale n’était pas dans l’évocation de cette anecdote pâtissière, peut-être authentique, mais dans son exploitation, étant entendu que selon moi, l’auteur de la « scandaleuse » déclaration le faisait pour remporter la présidence de son parti, et non pour s’en offusquer, n’en ayant vraisemblablement rien à faire. Une sorte de Sarkozy bis en quelque sorte. La conversation aurait pu se conclure là-dessus si un autre convive n’était pas intervenu en nous révélant qu’il y a quelques années de cela il avait connu, un jour, la même mésaventure : on l’avait empêché de manger alors qu’autour de lui de nombreux fidèles d’une certaine religion, qui n’était vraisemblablement pas la sienne, s’imposaient un jeun diurne et ce, durant tout un mois.

Notre jeune amie resta muette…

Que dire de tout ceci ? Quand je considère ces deux jeunes femmes, charmantes au demeurant, intelligentes et avec un bon fond (je les ai d’ailleurs emmenées en avion… laissez-moi vous apprendre à ce propos que je ne m’envoie en l’air qu’avec n’invite dans mon cockpit que les personnes que j’estime, ou celles éminemment douées de qualités humaines indéniables - comme un développement mammaire prononcé par exemple ; c’est une question d’éthique, ou si vous préférez, un honneur que je ne réserve qu’à ceux et celles qui m’en paraissent dignes), je ne peux m’empêcher d’éprouver le sentiment désagréable de me trouver en présence de personnes ayant bien retenu la leçon qu’on leur avait demandé d’apprendre, bref des individus formatés.

Selon moi le rejet du FN, et plus généralement de tout ce qui est qualifié à la va-vite « d’extrême-droite », est devenu, et ce depuis longtemps, un réflexe quasi-pavlovien, un dogme (tiens, tiens, voilà que j’emploie un terme religieux… étonnant !) qu’il fallait suivre sans discuter, sans réfléchir, sous peine d’être victime d’une sorte de loi des suspects. J’ai de plus en plus l’impression que ma génération (grosso-modo celle des trentenaires) et les suivantes ont été éduquées pour penser comme il le fallait.

Ou plutôt pour ne pas penser.

Je ne peux expliquer autrement cette attitude de rejet d’un parti bien entendu critiquable, mais qui me paraît ni plus ni moins respectable qu’un autre. Certes certains militants du FN ont eu une attitude franchement douteuse par le passé, mais il me semble que depuis le ménage a été fait dans les rangs et que l’on ne peut plus ressasser sans cesse les erreurs de jeunesse de ce mouvement (ou alors il faudrait également évoquer le passé plus que sulfureux du part communiste français et de ses membres, se posant pourtant en champions de la morale, ce qui me semble loin d’être le cas, au vu de la complaisance dont les journalistes font preuve à leur égard…). Mon sentiment est que l’on a imposé de force aux jeunes l’équation « FN=Mal absolu », en instrumentalisant le moindre épisode, comme celui du « détail », sans doute regrettable et maladroit (mais dans tous les cas bien moins grave qu’un de ces innombrables appels au meurtre que lancent impunément quantités d’islamistes en Europe, et que l’on passe sous silence), que l’on a conditionné les gens à croire que le racisme était le crime des crime, alors que je continue à penser pour ma part que ne pas vouloir parler ou tisser des liens avec une personne sous prétexte qu’elle est noire/grise/jaune/blanche/mauve à pois verts/fan de Jordy est certes blâmable, mais infiniment moins que le fait de violenter ladite personne, surtout en meute, parce qu’elle vous aurait « regardé de travers », ou refusé une cigarette…

Bref, tout ceci pour dire que les Français ont, d’après moi, largement intériorisé l’interdit officieux consistant à refuser d’examiner les propositions du FN en laissant l’hystérie et les anathèmes au placard. Ceci implique que, depuis des décennies, le souci majeur d’un politicien, surtout classé à droite, n’est pas de tenter de trouver des solutions réalistes à nos problèmes, mais de prouver qu’il ne partage pas la moindre accointance avec un militant FN, au risque de développer des idées consternantes de bêtise, et de promouvoir des politiques qui ne le sont pas moins, afin de montrer qu’il appartient effectivement au camp du Bien (monsieur Jacques C. si vous me lisez…). C’est ainsi que pour les intellectuels-escrocs et autres donneurs de leçon professionnels prétendant nous dicter ce qu’il faut penser, il va de soi qu’il faut régulariser tous les clandestins sur notre sol, voire leur offrir le gîte et le couvert, le droit de vote, et pourquoi pas la nationalité française, tiens, pendant qu’on y est… et ce sans jamais formuler la moindre critique, sinon vous êtes coupables d’allégeance au parti du Mâââââââââl, et donc sous le coup d’une peine de mort sociale. On imagine sans problème les dégâts sociaux qu’une telle entreprise de lavage des cerveaux a pu occasionner depuis trente ans.

Pour en revenir à mes connaissances, celles que j’ai évoquées plus haut, je ne leur en veux pas de faire preuve de tant d’étroitesse d’esprit (j’entends par-là refuser de considérer le FN comme un parti aussi digne de respect qu’un autre, ce qui ne veut pas dire, évidemment, qu’il faille obligatoirement voter pour lui…) car je les vois comme des victimes, des individus que l’on a manipulés malgré eux. Pourquoi ai-je échappé, en ce qui me concerne, à ce que j’interprète comme un formatage ? Je n’en sais rien. Est-ce mon milieu, mes lectures, mes rencontres, mon éducation ? Peut-être un peu de tout cela, mais je n’ai quoi qu’il en soit aucun mérite. Si mon parcours avait été diffèrent j’aurais pu, moi aussi, être sous la coupe de ce prêt-à-penser ubuesque et hautement criminel (nous parlons de générations entières ainsi conditionnées, et donc sacrifiées, ce qui n’augure rien de bon pour l’avenir de notre pays).

C’est ainsi que j’explique, en partie, ce phénomène extrêmement inquiétant qui voit les électeurs voter massivement, encore et toujours, pour ceux qui les font immanquablement souffrir en les méprisant, et pérenniser ainsi un système hautement délétère et toxique à long terme. C’est-à-dire la quasi-impossibilité de penser autrement, hors des rails, librement.

Reste à souhaiter que les responsables de ce formatage à grande échelle (des responsables politiques, associatifs, des chanteurs médiatiques, des cinéastes, des éditorialistes, des instituteurs, des professeurs, des journalistes, des citoyens engagés dans des comités de « vigilance » et autres groupuscules à la mords-moi le nœud,…) paieront cher leur traîtrise, un jour…

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