dimanche 21 août 2011

Les aventuriers de l’interprétation perdue

Je regardais l'autre jour l'excellent film de Spielberg “les aventuriers de l'arche perdue” qui est à mon sens, sinon le meilleur, du moins le plus intéressant des trois Indiana Jones (oui je dis bien “trois” car le dernier en date, le navrant “crâne de cristal” ou je ne sais quoi est pour moi l’équivalent cinématographique d'un étron bien gras, d'un colombin de compétition, et pas seulement à cause des extraterrestres. Je me demande encore comment Ford a accepté de tourner dans cette … chose), et une fois je de plus j'ai froncé les sourcils devant la toute dernière scène, vous savez, celle où l'on aperçoit un vieil employé pousser au fond d'un immense entrepôt l'arche que l'on a préalablement enfermée dans un coffre recouvert d'inscriptions demandant aux espions éventuels de s'en désintéresser (les espions sont distraits, c'est bien connu, il est parfois nécessaire de leur rappeler dans quelles conditions ils doivent exercer leur profession, et quelles sont les limites à ne pas franchir).
Une fois de plus je me suis dit que cette scène n’était pas anodine, surtout quand on la compare aux fins des deux autres films, bien plus classiques, nous montrant le héros triomphant au visage buriné et l’œil délavé par les embruns de la grande aventure se préparant pour les prochaines péripéties palpitantes qui ne manqueront pas, comme la déclaration d’impôts, de lui tomber sur le coin de la gueule.
Non ami lecteur (j'utilise le singulier, c'est plus prudent), la fin des “aventuriers” est d'un autre calibre, surtout en songeant à la musique lourde de menaces de John Williams. Ce n'est pas un épilogue normal pour un simple film de divertissement, et depuis des années je me dis que Spielberg a caché quelque chose dans cette ultime scène, un clin d’œil qu'il nous faudrait deviner.
Et à force de faire tourner ce qu'il me reste de petites cellules grises, je suis arrivé à deux interprétations que je vous donne comme cela, gratuitement, parce que je suis sympa :

  • Malgré sa qualité de film d'aventures grand public, “les aventuriers” possède une certaine dimension philosophique, voire religieuse. J’évoquais plus haut la superbe partition de Williams, mais il faut avouer que le père Spielberg parvient à revêtir son film d'une atmosphère unique, lourde et mystérieuse, chargée d'histoire, dirais-je même. Dans certaines scènes, comme celle de la salle de la maquette, on sent le poids des millénaires sur les épaules des personnages, la conscience que nous ne sommes qu'une minuscule parenthèse au regard de la gigantesque histoire de l’humanité, notamment son histoire religieuse, et plus précisément monothéiste. Nos héros semblent dépassés par le pouvoir inquiétant de l'arche, mais encore plus, dirais-je, par tout ce qu'elle représente, cet amoncellement de siècles. Sans doute les hommes actuels (dans le film), trop modernes, trop attachés à un monde insignifiant, superficiel, neuf, ne peuvent comprendre l’éternité de l'arche, son caractère intemporel, divin, d’où cette volonté de mettre à l’écart ce trésor qui n'a plus sa place dans un monde qui a abandonné le spirituel pour l’immédiat. Cette idée est à rapprocher de la scène précédente dans laquelle Jones se voit répondre par une huile de Washington que l'arche va être étudiée par les plus grands experts (“top men” dans la version originale). On voit le résultat... les soi-disant plus grands experts avouent leur impuissance à comprendre ce que ce vestige représente.

  • Une autre interprétation, plus tragique celle-ci : l'action du film est censée se dérouler en 1936, à la veille de la seconde guerre mondiale et des massacres que l'on connaît. Spielberg est d'origine juive. L'arche est un objet de l'histoire mouvementée des Hébreux. Par cette scène lourde de sous-entendus, j'ai eu l'impression que le réalisateur voulait nous faire comprendre que, en rangeant symboliquement l'arche au fin fond d'un obscur entrepôt, représentant ni plus ni moins l'esprit humain (si si!), l’humanité, et en particulier l'Occident, manifestait la volonté d'oublier la part juive de sa culture, d'effacer cet héritage, de le nier, pour se plonger plus aveuglement dans la barbarie qui allait suivre...

Voici donc les conclusions que j'en ai tirées, plus ou moins capilotractées je le reconnais, en attendant mieux.

Mais que je déraille complètement ou non, je reste persuadé que cette scène ultime n'est pas aussi innocente qu'elle en a l'air à première vue. C'est peut-être cela qui fait des “aventuriers de l'arche perdue”, plus qu'un bon film d'aventure, un grand film d'aventure...
Et sur ce je vais me coucher...

Bon, sinon où j'ai pu fourrer ma réserve de jamaïcaine, moi encore...?

 L'homme étendu au sol était seulement venu informer Ford que Spielberg comptait tourner un cinquième volet des aventures d'Indiana Jones

4 commentaires:

  1. Je connaissais tes interpétations, j'avoue qu'elles me plaisent autant l'une que l'autre. Evite de les poster sur allociné par contre, je te raconte pas la prise de tête que tu vas avoir, entre ceux qui te soutiendront que Spielberg est un abruti qui ne fait que du divertissement et ceux qui soutiendront que c'est un génie dont les admirateurs sont victimes d'une cabale (authentique). Evidemment, un avis nuancé sur la question n'intéressera pas les protagonistes.

    Ensuite, je trouve la 1ere interpétation très "sécrablienne" ou "ladrennecienne", mais pas tellement spielbergienne... pour ce que je connais de lui. La 2e me paraît assez bien lui correspondre en revanche.

    Tiens, si tu veux te pencher sur une fin à l'interprétation intéressante (même si l'idée que je m'en fais ne me plaît pas), essaie son fameux film Munich (plutôt bon au demeurant), avec le dialogue final et surtout l'image finale.

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  2. Pas vu le film, mais quand l'occasion se présentera je ne manquerai pas de faire attention à cette dernière scène.
    Spielberg un génie? Le bougre a un immense talent, certes, mais à mon sens il nous a pondu trop de bouses pour le considérer comme un grand maître. Au fond comme dirait Coluche “Il est capable du meilleur comme du pire, mais dans le pire, c'est lui le meilleur”.
    Oui enfin dans le pire il doit tout de même faire face à la rude concurrence de Michael Bay, Max Pécas et BHL, qui sont méchamment doués dans l'art du nanar absolu...

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  3. Génie, non. Cela dit, s'il a commis de très grosses bouses comme producteur, comme réal ça va je trouve (à part AI, le dernier Indy, Amistad, la couleur pourpre... ah ouais, ça fait pas mal en fait). Il a quand même de très très bons divertissements, mais j'ai du mal à désigner un de ses films comme chef d'oeuvre. Jaws et le premier Indy, peut-être.

    BHL est à mon sens le plus grand dans l'art du nanar, car lui est universel dans ce domaine (films, livres, "philosophie", tenues vestimentaires, actions politiques...), un peu le négatif de Léo en quelque sorte...

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  4. Tiens, oui, BHL est un nanar vivant... bien trouvé!
    C'est amusant, mais quand je songe à BHL, je pense à un autre mot finissant en "nar".
    Sinon savais-tu que Spielberg et Kubrick étaient très liés?

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